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Dans quel Etat j’ère ? Quand Airbnb, Google et Microsoft (re)dessinent chacun à leur guise les frontières des zones chaudes de la planète
©Capture d'écran / Google

Maudites

On ne pense pas assez au lien entre les applis géolocalisées et la géopolitique, et pourtant... C'est un problème auquel ont affaire les géants de la technologie, et dont ils aimeraient bien se passer. Comment tracer les frontières dans les zones de conflit ? Ils essayent de gérer le problème au mieux possible.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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C'est une histoire que certains géants de la technologie doivent affronter un jour. Ce coup-ci c'est le tour de Airbnb, le site de location de logements de vacances entre particuliers. Le PDG d'Airbnb, Brian Chesky, a reçu une lettre du secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine, le tançant parce que son site comporte des logements sur des territoires revendiqués par la Palestine, mais inscrits comme se trouvant en "Israël". Non pas qu'Airbnb ait décidé de prendre part pour Israël dans le conflit du Moyen-Orient ! Il y a une raison beaucoup plus prosaïque : sur Airbnb, ce sont les propriétaires qui placent les annonces qui décident dans quel pays s'inscrire, explique Kristen V. Brown de Fusion.net. ("C'est en Israël. Je ne vois pas d'où vient la controverse", a déclaré un des propriétaires à l'Associated Press. Il est vrai que certains lieux qui sont techniquement des "colonies" sont en pratique des banlieues de Jérusalem impossibles en pratique à distinguer du reste du pays.)

C'est un problème plus général. Les entreprises de technologie relient les gens. Et en reliant les gens, elles entrent en conflit avec les questions d'identité, et notamment d'identité nationale. Facebook a ainsi été critiqué pour avoir proposé l'option de mettre un fil bleu-blanc-rouge à sa photo de profil après les attentats du 13 novembre, certains voyant là une promotion illicite de l'identité nationale et du patriotisme. Google et Microsoft doivent gérer les questions de frontières disputées, car ils fournissent des logiciels de cartographie comme Google Maps et Bing Maps, utilisés par des millions de gens. 

En 2010 Google a failli provoquer une guerre entre le Nicaragua et le Costa Rica lorsqu'un officiel du Nicaragua a empiété sur la frontière du Costa Rica, se justifiant grâce à une capture d'écran de Google Maps (qui n'était pas à jour). Le site a également ravivé les tensions entre le Vénézuela et le Guyana anglophone lorsque des noms de rues dans des zones contrôlées par le Guyana mais revendiquées par le Vénézuela sont apparus en espagnol et pas en anglais. (La dispute territoriale entre le Vénézuela et le Guyana s'est intensifiée avec une découverte de pétrole.)

Evidemment, aucune de ces entreprises ne cherche à prendre parti dans des conflits politiques. Elles veulent être le plus neutres possibles, et surtout ne pas faire de vagues. Mais parfois c'est difficile, voire impossible. Les entreprises sont bien obligées de tracer des frontières quelque part ou, si la frontière n'est pas claire, dire qu'elle n'est pas claire, ce qui peut en soi être problématique. (Un acteur peut refuser de reconnaître qu'il y a dispute, par exemple, comme la Chine vis-à-vis de Taiwan, qui refuse tout simplement d'admettre l'existence d'un autre gouvernement.) Pour ce qui est d'Israel et de la Palestine, ou du Cachemire, Google et Bing ont tracé les frontières en tirets, ce qui ne plaît à personne (ni l'emplacement des tirets). 

Bing est le service qui a l'approche la plus sophistiquée, avec une "Déclaration cartographique" qui stipule que le géant du logiciel suit les frontières telles qu'elles sont établies par la Cour de justice internationale ou par les Nations unies, et ne mentionne que des frontières sont "disputées" que lorsqu'il n'y a "pas de jurisprudence ou de consensus international."

Et Airbnb ? Dans un communiqué, la firme explique que "nous croyons à la puissance transformatrice du partage d'expériences qui peut se produire lorsqu'on partage une maison." Autrement dit, la location de vacances peut transcender les batailles géopolitiques. Pourquoi pas. Espérons. 

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