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Comment la zone euro doit s’adapter à la nouvelle ère de la mondialisation
©Reuters

Bonnes feuilles

Extrait de "La guerre des mondialisations" de Jean-Paul Betbeze, aux éditions Economica

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Zone euro : marché intérieur d’abord

La zone euro est née par et pour l’intérieur. Depuis, elle regarde peu ce qui se passe dehors, trop peu. C’est sa faiblesse de naissance, mais c’est ainsi qu’elle a pu naître. Le marché unique est le concept stratégique qui est au cœur de sa démarche. Il lui a permis de réussir et de se développer. Jusqu’à une certaine limite : maintenant. Développer un marché unique, c’est très bien, sauf qu’il est devenu mondial. Il faut intégrer désormais la mondialisation d’origine américaine et la montée chinoise. La zone euro reste si obsédée par le maintien de la concurrence interne, pour que le Marché intérieur évite les clones des konzerns allemands du 19e siècle, qu’elle en oublie ce qui se passe partout ailleurs. La Commission européenne, pour approuver toute fusion, demande des cessions, voire refuse, craignant le poids du nouveau venu sur le « marché potentiel ». Mais lequel ? Celui de l’Union européenne ou le monde ? On voit de grands groupes nationaux se défaire et se vendre en partie. Or il nous faut aujourd’hui des champions et futurs champions mondiaux, pour exister demain. C’est là qu’est la concurrence. Il n’empêche que devant toute concentration en zone euro (et en Union européenne), les mêmes tiraillements apparaissent. La zone euro n’en sort pas renforcée. Quantitativement, l’Union est plus grosse que les États-Unis si on ajoute les PIB de ses membres, sachant que la Chine reste encore trop loin de nos soucis. Mais la puissance économique ne vient jamais seulement des PIB et de leur addition. Elle est affaire de vista stratégique, de constance et d’unité dans l’action. Aujourd’hui que les États-Unis veulent compter et réunir leurs amis, avec le Japon, tandis que la Chine regroupe les siens et s’en crée, où allons-nous aller ? Encore plus près des États-Unis, mais avec quels moyens pour exister ? Plus près de la Chine, mais avec quelle offre ? Entre les deux, mais comment faire ? Quelle vista ?

Zone euro : « optimale », pas vraiment !

Oh nous le savons bien, que l’euro n’est pas une « zone monétaire optimale » ! Elle ne serait jamais née, si on avait attendu qu’elle remplisse les critères de la théorie. Mais aujourd’hui, la crise a dégradé le processus de convergence qui la portait. Désormais, les pays divergent. Il ne s’agit pas de comparer la santé de l’Allemagne à celle des autres, preuve s’il en fallait de la divergence en cours. Les écarts sont partout, et croissants.

Zone euro : syndicat de copropriétaires, pas du tout !

La zone euro n’est pas du tout un syndicat de copropriétaires qui s’entend (plus ou moins bien) pour gérer les charges, en valorisant un patrimoine formé du logement de chacun et des parties communes. Pourquoi ? Parce que l’euro change la donne. La monnaie unique, parce qu’elle supprime les risques de dévaluation, en même temps que tout est fait pour renforcer le marché unique, polarise les richesses. De grandes régions se forment, de grandes entreprises et réseaux naissent, bien au-delà des anciennes économies nationales. Ce qui est produit dans un endroit, avec une organisation, ne l’est donc plus ailleurs. Ceci crée des inégalités sociales et spatiales, pousse à des changements et renforce la productivité d’ensemble. On n’a rien sans rien. La zone euro, au-delà des règles de gestion demandées à chacun, met dans sa logique un accélérateur exigeant et perturbateur : l’euro lui-même. No bail out : pas de repêchage. En zone euro, chaque membre est responsable de ses comptes. La BCE ne peut le financer s’il est en difficulté – sauf risque majeur d’éclatement de la zone dans son ensemble. Or il y a toujours des crises, parce que les économies ont tendance à diverger : certains pays sont continûment mieux gérés que d’autres (pas de nom), d’autres moins bien, d’autres pas bien du tout. « En temps normal », ceci conduit à des tensions internes et européennes quasi permanentes. Elles mènent à des recadrages et à des corrections constantes, pour pousser aux réformes, autrement dit à plus de convergence. Mais nous ne sommes pas « en temps normal ».

La zone euro n’a donc rien à voir avec les États-Unis qui sont, presque depuis le début, une union de transfert. Par exemple, l’État de New York finance des États plus fragiles de manière régulière,sans vrai problème. La Banque centrale américaine est le prêteur en dernier ressort de l’ensemble, sans angoisse majeure. On vient de le voir en grand avec le Quantitative Easing. Faire comme si la zone euro était une union de transfert, c’est rêver à une autre zone, dans plusieurs années, avec d’autres traités et une autre gouvernance, plus fédérale. En attendant, les crises de déficits des pays, Espagne, Italie, Irlande et maintenant Grèce se règlent surtout par des dettes entre États (« surtout » parce que le quantitative easing en zone euro commence à modifier la donne). Dettes qui seront ensuite « traitées », prolongées dans le temps, avec des taux plus faibles, voire « restructurées », autrement dit en partie « oubliées ». Mais, on s’en doute, tout ceci pèse. La zone euro, si elle ne change pas davantage et surtout n’adopte pas des politiques qui prennent en compte la mutation en cours, va peu croître dans son ensemble, avec des écarts croissants entre ses membres. Elle va voir monter les dettes de certains, plus les dettes croisées. Ceci ne pourra continuer très longtemps.

Zone euro : l’erreur stratégique des deux croissances, compétitivité au nord, logement au sud Comment avancer plus vite dans cette zone monétaire imparfaite ? C’est la question que se posent, il y a quinze ans, tous ceux qui analysent les critères (dits de Maastricht), d’inflation et de taux d’intérêt à long terme. Après qu’ils sont établis, autrement dit implicitement acceptés, les pays ont eu la possibilité de choisir entre deux voies : la voie allemande ou la « voie du sud »…

Extrait de "La guerre des mondialisations" de Jean-Paul Betbeze, publié aux éditions Economica, 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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