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Quand Alain Juppé soutenait Nicolas Sarkozy... Mais n'allait pas au Fouquet's
©Reuters

Bonnes feuilles

Extrait de "Alain Juppé sans masque" de Dominique Lormier, aux éditions First document

Dominique Lormier

Dominique Lormier

Dominique Lormier, historien et écrivain, est considéré comme l'un des meilleurs spécialistes de l'histoire militaire. Membre de l'Institut Jean-Moulin et membre d'honneur des Combattants volontaires de la Résistance, il collabore à de nombreuses revues historiques. Il est l'auteur d'une centaine d'ouvrages.

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À la fin du mois d’août 2006, Alain Juppé se trouve de nouveau en France. Il annonce son intention de reprendre son activité politique, notamment par la reconquête de son fauteuil de maire de Bordeaux. Dès le 28 août, la majorité UMP-UDF du conseil municipal démissionne, hormis le maire Hugues Martin et deux adjoints, afin d’assurer les affaires courantes. Les conseillers municipaux de gauche refusent de démissionner, mais le nombre de démissionnaires venant de la droite et du centre est suffisant pour entraîner une nouvelle élection municipale. Le 8 octobre 2006, Alain Juppé est réélu dès le premier tour avec 56,24 % des voix contre le candidat socialiste Jacques Respaud qui n’obtient que 25,2 %. Le taux d’abstention particulièrement élevé, 55,2 %, témoigne cependant de l’agacement d’une partie des Bordelais, jugeant que Juppé aurait dû attendre la fin du mandat d’Hugues Martin, particulièrement apprécié pour ses qualités humaines. Ce mécontentement se traduira d’ailleurs par la suite, lors des élections législatives de juin 2007, d’une manière cinglante à l’encontre du « nouveau » maire…

En attendant, sur le plan national, Juppé soutient ouvertement la candidature de Nicolas Sarkozy à la présidentielle d’avril-mai 2007. Les deux hommes s’estiment depuis longtemps, même si Alain Juppé n’a pas totalement oublié la « trahison » du candidat Sarkozy à l’encontre de Chirac en 1995. Cependant, le maire de Bordeaux apprécie particulièrement le puissant dynamisme politique que représente le nouveau candidat de la droite. Conformément à ce qu’annonçaient les sondages, Nicolas Sarkozy arrive en tête des douze candidats au premier tour, le 22 avril 2007, avec 31,18 % des suffrages exprimés, soit le record absolu en nombre de voix pour un candidat à une élection présidentielle. Arrivent ensuite la candidate socialiste Ségolène Royal avec 25,87 % et le centriste François Bayrou qui obtient 18,57 %.

Ce dernier appelle à voter Sarkozy au second tour. Ségolène Royal, de son côté, est peu soutenue par les « barons » socialistes, notamment Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius et François Hollande, visiblement jaloux de sa présence au second tour de la présidentielle. Après le traditionnel débat de l’entre-deux-tours, dont il sort vainqueur d’après les sondages, Nicolas Sarkozy est élu président de la République le 6 mai 2007, avec 53,06 % des suffrages exprimés (18 983 138 voix) face à Ségolène Royal qui obtient 46,94 % (16 790 440 voix).

Avant de rejoindre la place de la Concorde où ses partisans l’attendent pour fêter sa victoire, Nicolas Sarkozy se rend d’abord au très chic restaurant parisien le Fouquet’s, en compagnie de personnalités politiques, de célébrités et de personnalités du grand patronat. Cette réception, organisée d’après la journaliste Catherine Nay par Cécilia Sarkozy, associée à un séjour somptueux sur le yacht de Vincent Bolloré, écorne dès le début l’image du nouvel élu de la République au sein de l’opinion publique. Il est très vite perçu comme un président « bling-bling » d’après l’hebdomadaire Marianne, voire pire encore comme le « président des riches » : « Le soir même, écrit Catherine Nay, cette réception privée du Fouquet’s restée dans les annales comme le péché originel du sarkozysme. C’est elle, Cécilia qui avait choisi l’endroit, au coeur du Triangle d’Or du luxe parisien, le village où elle avait grandi. Elle avait tout organisé. Voulait-elle ainsi honorer le propriétaire du célèbre palace qui avait hébergé son mari pendant la campagne ? Peut-être, sans doute. Mais les vraies raisons étaient ailleurs. Absorbé par la campagne, le candidat lui avait laissé carte blanche. Et c’est elle seule qui avait dressé la liste des invitations. Et quel panel !

Une centaine de personnes (…) : Jean-Pierre Raffarin, François Fillon, mais aussi des amis du showbiz : Johnny Hallyday et Laeticia, Christian Clavier, Marie-Anne Chazel, Jean Reno, Arthur. Des sportifs comme Basile Boli et Richard Virenque. Et surtout une brochette de patrons pesant leurs milliards d’euros : Bernard Arnault (LVMH), Antoine Bernheim (Assurances Generali), Patrick Kron (Alstom), Vincent Bolloré (président du groupe éponyme), Martin Bouygues (idem), Henri Proglio (Veolia), Stéphane Courbit (ex-président d’Endemol), Serge Dassault, Jean-Claude Decaux et ses fils, le milliardaire canadien Paul Desmarais, le milliardaire belge Albert Frère… Les Français peuvent parfois absoudre les hommes politiques de mettre les doigts dans la confiture. Ils leur pardonnent jamais d’être du côté de ceux qui mènent la danse.

« On notait, en revanche, quelques absents de marque. Les collaborateurs les plus proches du nouveau Président n’avaient pas reçu de carton d’invitation : Brice Hortefeux, Laurent Solly, Franck Louvrier, Frédéric Lefebvre, Pierre Charon. »

Alain Juppé ne fait pas partie des invités. Par la suite, Nicolas Sarkozy expliquera au journaliste Denis Olivennes en juillet 2009 : « Je n’avais pas mes habitudes au Fouquet’s… Cela correspondait à une époque de me vie personnelle qui n’était pas facile, où j’avais à me battre sur plusieurs fronts. Je n’avais pas attaché à cette soirée une importance considérable. J’ai eu tort. » 

Le silence de Juppé sur cette affaire très médiatisée à l’époque lui est profitable. Le 18 mai 2007, il est nommé ministre d’État, ministre de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables, au sein du gouvernement de François Fillon. Les problèmes écologiques liés à la pollution et au réchauffement climatique de la planète le passionnent et l’inquiètent depuis son long séjour au Canada.

Extrait de "Alain Juppé sans masque" de Dominique Lormier, publié aux éditions First document, 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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