Pourquoi Xavier Bertrand est loin d'être mort pour la politique nationale<!-- --> | Atlantico.fr
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Xavier Bertrand, le nouveau président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Xavier Bertrand, le nouveau président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
©Reuters

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Plutôt qu'être candidat à la primaire, le maire de Saint-Quentin a fait le pari de l'action à la tête de sa grande région Nord Pas-de-Calais Picardie. Il doit affronter un groupe FN virulent qui refuse de voter la plupart des mesures proposées. Un tête à tête qui permet à l'élu LR de mettre les amis de Marine Le Pen devant leurs contradictions. Il espère ainsi être entendu jusqu'à Paris.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Et la journaliste remballa sa question. Inutile de demander à Xavier Bertrand s'il regrette Paris. S'il est heureux ici à Lille. Loin de l'Assemblée Nationale et de ses quatre colonnes, de sa buvette où l'on fait et défait la politique nationale. Inutile de lui demander si la rue de Vaugirard lui manque, ses bureaux politiques animés et ses mornes conseils nationaux. Inutile. Xavier Bertrand rayonne. Bien sûr, ici comme ailleurs, rien n'est simple. Midi approche déjà. La deuxième séance du conseil régional a commencé dès potron-minet en ce jeudi 28 janvier ensoleillé et rien encore n'a été voté. Pas un amendement, pas une délibération. De suspension de séance en suspension de séance, les 54 élus Front national n'ont cessé de faire l'aller-retour entre leur bureau et l'hémicycle.

Ce qui les chiffonne ce matin-là ? Que le tout nouveau Président du conseil régional, Xavier Bertrand, ait décidé de repartir les places dans l'hémicycle par ordre alphabétique et non par groupe politique. Les élus FN sont aussi très agacés que le premier point à l'ordre du jour ne concerne pas la création des commissions. Alors, en l'absence de leur présidente de groupe, Marine Le Pen, en déplacement à Milan pour assister à un rassemblement des partis d’extrême droite européens, ils usent de leur parfaite connaissance du règlement intérieur pour faire ce qu'il convient d'appeler de l’obstruction. Suspendant la séance, encore et encore.

A lire aussi : Xavier Bertrand : "Initialement, j'ai pensé que les électeurs avaient voté pour moi pour faire barrage au FN. En réalité, les gens me disent qu'ils ont voulu nous laisser une dernière chance"

Lorsque, finalement, Xavier Bertrand accède à leur demande, et accepte de constituer les commissions, leur président Philippe Eymery en critique l'intitulé : "pourquoi la commission 3 est-elle nommée "Au travail", comme si nous étions tous des paresseux ?", puis il menace, à nouveau, de suspendre la séance si le FN n'est pas assuré d'avoir 6 représentants par commission. Xavier Bertrand lui répond que cela dépendra du vote des élus FN… La matinée s'écoule ainsi sans que les questions de fond ne puissent être abordées.

Alors pourquoi Xavier Bertrand est-il heureux ? Pourquoi ce sourire à ses lèvres et cet enthousiasme lorsqu'il parle de sa nouvelle vie ? Bien sûr parce qu'il a gagné son audacieux pari : battre Marine Le Pen sur ses terres de prédilection, ce Nord qui lui offre depuis longtemps ses meilleurs scores. Bien entendu, parce que sa cote de popularité s'en est trouvée gonflée à bloc.

Mais aussi parce qu'il semble s'être pris au jeu jusqu'à abandonner toute idée de se présenter aux primaires de la droite et du centre. Pris au jeu des enjeux, sur cette terre où l'on n'attend plus rien de la politique. Plus rien de ses élus. Où le nihilisme est devenu le parti majoritaire. Xavier Bertrand s'est lancé un nouveau challenge : reconquérir ces électeurs perdus qui votent FN comme on se jette dans le vide, pour ne plus avoir mal. Ici à Lille, à l'Hôtel de Région, il a enfin l'occasion de se battre à main nue pour regagner quelques estimes. Quelques voix. Sinon, dans très peu de temps, ce sera trop tard, affirme-t-il, ce sera... le séisme. Il faut faire vite, agir, obtenir des résultats. Redresser, tant que faire se peut, cette région, sorte de concentré des problèmes de France.

A 14h, la séance reprend. Au programme notamment, deux mesures défendues par Xavier Bertrand durant sa campagne et qu'il veut faire voter fissa pour montrer qu'il tient parole. Pour créer vite de l'espoir. Il souhaite aider les entreprises de moins de 250 salariés qui embauchent. Pour chaque emploi créé il veut que le conseil régional offre, durant 12 mois, 25% des charges afférentes à ce nouvel emploi. Abstention du groupe FN qui juge que la mesure ne va pas assez loin, qu'il n'y a pas de calendrier, pas de dispositif d'évaluation du projet... Xavier Bertrand saisit l'opportunité pour mettre le groupe d'extrême droite devant ses contradictions. "Seule la majorité a approuvé cette délibération ! Mr Eymery, ça doit être bien compliqué votre position. Alors, certes, rien ne remplace les carnets de commande, la croissance. C'est vrai, mais les entrepreneurs disent aussi que les charges sont un problème et nous, nous les avons entendu. Où vous situez-vous exactement entre libéralisme thatchérien et position à la Tsipras? En tous cas, vous n'êtes pas du côté des entreprises régionales". Philippe Eymery, le président du groupe FN, reprend alors la parole pour expliquer qu'il y a un problème "de phasage des crédits de paiement"…

Un autre des points à l'ordre du jour concerne l'aide de 20 euros que Xavier Bertrand souhaite accorder à chaque habitant de la région qui travaille à plus de 30 kilomètres de son domicile et qui gagne moins de deux fois le Smic. Encore une promesse de campagne, faites aux ouvriers de Toyota le 16 décembre dernier. Le FN s'abstient à nouveau… mais ne cesse d'interrompre la séance pour réclamer que les conseillers régionaux ne soient pas répartis par ordre alphabétique mais par groupe politique dans l'hémicycle.

La séance durera finalement 13h. A 22h, alors qu'il est question de problèmes liés aux migrants de Calais, les esprits s'échauffent. La cinquantaine d’élus frontistes brandissent des pancartes "Je suis Calais" et "Je suis Grande-Synthe". Le conseiller FN Jacques Danzin lance à Xavier Bertrand : "Vous nous prenez pour des niacoués ? !" Xavier Bertrand le fait répéter, sidéré, alors que Gérald Darmanin, vice-président annonce qu’il y aura une suite juridique à l’utilisation de ce "vocabulaire infâme et insupportable" qui a un "relent colonial". Les élus Républicains finiront la séance débout, chantant la Marseillaise, pour soutenir leur président. Xavier Bertrand est heureux. Inquiet mais heureux.

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