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Présidentielle américaine : pourquoi Mike Bloomberg n’aurait aucune chance de gagner, mais sa candidature mettrait en lumière les contradictions de la société américaine
©Reuters

Le candidat des riches contre le candidat des pauvres

Le fondateur de Bloomberg et ancien maire de New York réfléchit à se présenter aux élections présidentielles, sans étiquette. Ses chances sont très faibles. Mais lui et Donald Trump incarnent les réelles divisions de la société américaine que les partis politiques masquent.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Mike Bloomberg, fondateur multimilliardaire de la firme Bloomberg et ancien maire de New York, réfléchit à se lancer dans l'élection présidentielle, rapporte le New York Times. Candidat indépendant soutenu par aucun parti, il serait prêt à allonger 1 milliard de dollars de son propre argent. Bloomberg avait déjà fait circuler des rumeurs à ce sujet en 2008 et en 2012, mais là, la donne est différente, puisqu'il semble y avoir une réelle possibilité que les deux partis de gouvernement des Etats-Unis nominent des extrêmistes : Bernie Sanders pour les Démocrates, Donald Trump ou Ted Cruz pour les Républicains. 

La probabilité que Bloomberg puisse l'emporter reste très faible. Aucun candidat indépendant n'a jamais été élu président des Etats-Unis. Le système électoral américain, au scrutin uninominal à un tour, favorise le système bipartisan. Les partis américains, qui existent chacun depuis plus d'un siècle, ont des infrastructures de terrain très importantes en place.

Ceci dit, le calcul de Bloomberg a une logique : si les Démocrates nominent Sanders, candidat de la gauche de la gauche, et les Républicains nominent Trump ou Cruz, candidats considérés comme extrêmes, il y aurait une ouverture pour un centriste. 

Mais la candidature de Bloomberg, surtout s'il était opposé à Trump, aurait une autre vertu : mettre à nu les divisions profondes de la société américaine que masque le système parisan américain. En effet, pour résumer rapidement, chaque parti est une alliance des riches et des pauvres. Le Parti démocrate recouvre les minorités ethniques, et les cadres supérieurs vivant en milieu urbain. Le Parti républicain recouvre la classe ouvrière blanche, et les très riches. 

Comme le racontent Ross Douthat et Reihan Salam dans leur livre Grand New Party, la classe ouvrière blanche (et, de plus en plus, latino), a souvent été le facteur décisif dans les élections présidentielles, et ce sont eux qui ont donné leurs plus grands succès électoraux aux Républicains. On a parlé des "Reagan Democrats" qui ont soutenu Ronald Reagan, des "angry white men" qui ont permis la reprise historique de la Chambre des représentants par les Républicains en 1994, et bien sûr de la "majorité silencieuse" qui a élu Richard Nixon. Cette classe ouvrière blanche penche pour les Républicains depuis les années 1980 mais ne leur est pas alliée. En effet, s'ils s'opposent aux Démocrates sur les questions sociales et morales, ils ne sont pas partisans du libéralisme économique prôné par les Républicains. 

Donald Trump est le candidat de cette "majorité silencieuse" qui n'est écoutée par aucun des partis. Son populisme et son nationalisme sont une réponse à une classe sociale qui est le grand perdant de la mondialisation et de la libéralisation des moeurs, et qui a perdu les structures--travail pérenne, communauté soudée, familles solides--qui permettaient à chacun son épanouissement.

Mike Bloomberg, a contrario, serait le candidat des gagnants de la mondialisation et du libéralisme des moeurs. Bloomberg est libéral économiquement et socialement : magnat de la finance et des médias, laïque, opposé aux armes à feu, en faveur de l'avortement (à une employée qui avait annoncé être enceinte, il se serait plaint du nombre d'employés qui prenaient des congés maternité, et aurait ordonné "Tuez-le!") et du mariage homosexuel. Il a déclenché des polémiques nationales avec ses luttes moralisatrices contre l'obésité et le tabagisme--aux Etats-Unis, des maladies de pauvres. C'est le candidat de l'élite, éduquée et citadine, qui domine la vie américaine. 

Cette division sociale est masquée par le jeu partisan américain, puisque chacun des partis, à sa manière, la chevauche. C'est l'équivalent en France de la division révélée par le référendum sur le Traité constitutionnel européen, division sociale qui transcende les partis. Une élection entre Bloomberg et Trump, ce serait un peu l'équivalent, en France, d'une élection entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, ou Mathieu Pigasse. Cette division sociale, entre les laissés-pour-compte et les vainqueurs de la mondialisation et de la libéralisation des moeurs, se fait voir de plus en plus à travers le monde à travers la montée des mouvements populistes. Elle rebat les cartes de la vie politique aux Etats-Unis, en France et ailleurs.

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