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L’assaut des investisseurs chinois sur Hollywood réussira-t-il à nous faire désirer un jour la "chinese way of life" ?
©wikipédia

Puissance douce

Depuis 2003, les politiques chinois, en vue d’améliorer l’image de la Chine sur la scène internationale, se sont emparés du soft power qui est pourtant un concept occidental. Dans cette quête, les efforts ont principalement été tournés vers la promotion de la culture chinoise et l'internationalisation des médias. Et pourtant, malgré une volonté farouche de développer le soft power, les produits culturels chinois peinent à s'imposer et l'image de la Chine au sein du monde occidental ne s'est pas améliorée.

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont est enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lille où il dirige le Master Histoire - Relations internationales. Il est également directeur de recherche à l'IRIS, responsable du programme Asie-Pacifique et co-rédacteur en chef d'Asia Focus. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les quetsions asiatiques contemporaines. Barthélémy Courmont (@BartCourmont) / Twitter 

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Atlantico: En 2003, le pouvoir politique chinois s'est emparé du soft power.  En un peu plus de dix ans les initiatives pour promouvoir l'image de la Chine se sont multipliées. Quelles sont les motivations derrière l'offensive de séduction chinoise? A qui s'adresse la politique de soft power?

Barthélémy Courmont : La stratégie chinoise du soft power, commencée en 2003 et officialisée en 2007 à l’occasion du 18ème congrès du Parti communiste chinois, a deux objectifs. Il s’agit d’une part de conforter le sentiment de fierté nationale et d’appartenance à l’ensemble culturel chinois. En ce sens, le soft power cible la population chinoise, et participe à l’effort de légitimation et de crédibilisation de l’Etat-parti. Cette stratégie s’adresse d’autre part au reste du monde, et en particulier aux pays en développement. La Chine y mène depuis une décennie une stratégie d’investissement et de développement des échanges (notamment académiques, universitaires, culturels, ce qui indique qu’il ne s’agit pas à proprement parlé d’un projet économique et commercial). La création des Instituts Confucius (où sont enseignés la langue, la culture et les coutumes chinois) en 2004 répond à cet objectif. On compte aujourd’hui environ 500 établissements dans une centaine de pays (dont 16 en France), et Pékin a annoncé que la barre des 1 000 établissements sera atteinte en 2020. Les pays africains, sud-est asiatiques ou sud-américains sont les cibles privilégiées de ces instituts, mais on en trouve dans le monde entier. On relève dans ces pays une présence chinoise plus forte, des étudiants en chinois plus nombreux, et des synergies qui sont liées à ce rapprochement culturel.

Selon Joseph Nye, père fondateur du concept de soft power, ce dernier émane principalement de la société civile. Or, en Chine tous les vecteurs du soft power sont largement contrôlés et coordonnés par l'Etat. Les grands groupes chinois sont par ailleurs fortement encouragés par l'Etat dans leur entreprise d'acquisitions d'industries culturelles ou de médias à l'étranger. Peut-on parler de soft power dans le cas de la Chine?

Le soft power chinois est une reconstruction du concept de Joseph Nye. Dès 1993, des intellectuels chinois se sont emparés de ce concept et ont cherché dans quelle mesure il pouvait servir les objectifs de Pékin, décrits plus haut. Le défi était d’adapter les préceptes du politologue néo-libéral à la nature du régime chinois. C’est à ce titre qu’on peut parler de « stratégie » de soft power, là où le concept de Nye s’appuie sur des initiatives individuelles et non planifiées. Ce n’est donc pas, dans la méthode, tout à fait du soft power, ou alors il s’agit d’une nouvelle manière de mettre en avant son soft power, qui d’ailleurs pourrait s’imposer dans les autres pays, sous la forme de mesures de protection et de promotion des produits culturels.

La Chine semble avoir peu de produits culturels à offrir au reste du monde à l'inverse de certains pays asiatiques (Japon, Corée) qui ont une culture plus attractive. Est-ce que les dirigeants chinois ont conscience de ce manque d'attractivité des produits culturels chinois? Comment la culture et les valeurs chinoises pourraient-elles s'internationaliser avec succès?

A titre personnel, je ne suis pas sûr que la Corée, et même le Japon, disposent d’une attractivité culturelle plus grande que la Chine, compte-tenu de son histoire et de sa diversité. En revanche, ces deux pays, la Corée surtout, sont engagés dans une stratégie de soft power comparable à celle de la Chine, avec la promotion de la production culturelle (cas du Hallyu et de la KPop en Corée, qui sont appuyés par les conglomérats, ou Chaebols, et même le gouvernement coréen). Depuis une décennie, les produits culturels chinois s’exportent de plus en plus (exemple du cinéma) et si l’image de ce pays reste assez négative dans le monde occidental (pour des raisons politiques surtout), il n’en est pas de même dans le reste du monde. Le chemin reste long, mais n’oublions pas qu’il y a encore une ou deux décennies, la consommation de produits culturels coréens dans le reste du monde était confidentielle.

Le soft power repose sur un ensemble de ressources (valeurs politiques, politique étrangère, modèle de société, culture). Dans sa quête de soft power, la Chine semble essentiellement miser sur la culture. Pourquoi? Cela pourrait-il changer?

En Chine, la question du soft power est l’objet de débats académiques quant à la définition – et donc la mise en pratique qui l’accompagne – à donner à ce concept. A l’heure actuelle, l’école dominante assimile le soft power à la culture, et part du principe que la culture plurimillénaire chinoise est un atout. Mais d’autres écoles, plus politisées, y voient une opportunité de mettre en avant un modèle de gouvernance. Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, ces débats semblent moins marqués, mais il semble que la stratégie de soft power soit entrée dans une nouvelle phase, avec un volet économique (incarné par les investissements dans les infrastructures dans le monde) et un volet politique, avec un modèle de gouvernance mis en avant en direction des pays en développement.

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