Sur les traces de Darwin aux Galápagos : quand l’Homme pèse sur la survie des espèces<!-- --> | Atlantico.fr
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Aujourd’hui, grâce à la Fondation Darwin, à ses contributeurs et mécènes de tous les pays budget annuel de 3 millions de dollars…), les Galápagos résistent à presque tout, y compris aux touristes.
Aujourd’hui, grâce à la Fondation Darwin, à ses contributeurs et mécènes de tous les pays budget annuel de 3 millions de dollars…), les Galápagos  résistent à presque tout, y compris aux touristes.
©Annick Geille

Voyage

Marchant sur les pas du naturaliste britannique, notre envoyée spéciale a retrouvé - quasiment intacts - aux Galápagos les sites, la faune et la flore qui inspirèrent à Charles Darwin (1809-1882) sa théorie de l’évolution. Quelles menaces pèsent en 2016 sur ces 13 îles et 17 îlots, aux écosystèmes uniques au monde ? Près de deux siècles après les découvertes de Darwin concernant l’extraordinaire archipel équatorien, les lois de l’évolution y gouvernent-elles toujours ces espèces qui n’existent nulle part ailleurs ? Et comment devons-nous évoluer, nous les humains, pour modifier, là-bas comme partout ailleurs, pendant qu’il est encore temps, nos modes de relations avec les vivants non-humains du monde ? Aperçu. 2/2

Annick Geille

Annick Geille

Annick GEILLE est écrivain, critique littéraire et journaliste. Auteure de onze romans, dont "Un amour de Sagan" -publié jusqu’en Chine- autofiction qui relate  sa vie entre Françoise Sagan et  Bernard Frank, elle publia un essai sur  les métamorphoses des hommes après  le féminisme : « Le Nouvel Homme » (Lattès). Sélectionnée Goncourt et distinguée par le prix du Premier Roman pour « Portrait d’un amour coupable » (Grasset), elle obtint ensuite le "Prix Alfred Née" de l'Académie française pour « Une femme amoureuse » (Grasset/Le Livre de Poche).

Elle fonda et dirigea  vingt années durant divers hebdomadaires et mensuels pour le groupe « Hachette- Filipacchi- Media » - tels le mensuel Playboy-France, l’hebdomadaire Pariscope  et «  F Magazine, »- mensuel féministe racheté au groupe Servan-Schreiber, qu’Annick Geille reformula et dirigea cinq ans, aux côtés  de Robert Doisneau, qui réalisait toutes les photos. Après avoir travaillé trois ans au Figaro- Littéraire aux côtés d’Angelo Rinaldi, de l’Académie Française, elle dirigea "La Sélection des meilleurs livres de la période" pour le « Magazine des Livres », qui devint  Le Salon Littéraire en ligne-, tout en rédigeant chaque mois une critique littéraire pour le mensuel -papier "Service Littéraire".

Annick Geille  remet  depuis quelques années à Atlantico -premier quotidien en ligne de France-une chronique vouée à  la littérature et à ceux qui la font : «  Litterati ».

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En face de moi,  sur un rocher, le « pinson de Darwin ». Le « Darwin Finch »  en personne !  L’oiseau nous observe tranquillement, nous avançons vers lui, sans qu’il ait peur. Le visiteur ne doit pas s’approcher à moins de deux mètres des animaux,  mais ce sont  eux qui s’approchent  du voyageur.  Le visiteur ne doit emporter aucun grain de sable, pas le moindre caillou, la plus petite graine,  ni laisser sur son chemin le moindre millimètre carré de détritus. Car aux Galápagos le visiteur  est  forcément un vivant humain et les humains sont les principaux obstacles à la survie des espèces.  Le Pinson de Darwin s’envole. Une lionne de mer  nous barre la route, étalée sur le sable. Son petit  tête avidement. Il est noir, elle est rousse, environ deux mètres de long, paupières closes, elle bat mollement ses ailerons pour chasser un insecte, sans doute, pendant que  le lionceau reprend des forces. Avant de pouvoir le nourrir, elle a disparu trois jours et trois nuits pour pêcher. Son nouveau- né,  affamé, sans défense, risquant la mort sans elle, comme tous ses semblables à la naissance, l’a regardée s’en aller loin de lui,  regard rivé sur le Pacifique, l’attendant, effrayé. Je m’approche d’un rocher dans l'intention de m'y asseoir pour contempler cette crique dominée par un volcan.  Beau comme un rêve. La végétation est constituée  de  grands cactus (Geospiza scandens), de broussailles à fleurs jaunes et  de bois de santal. Dans les hauteurs, brumes et fraicheur garanties

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Silence rompu par les vagues se brisant contre la roche  volcanique. Quatre millions d’années pour ces  paysages fascinants, champions de l’adaptation aux espèces indigènes. Nous sommes le plus loin possible des hommes. Soudain, le rocher bouge. Un dinosaure- nain sort de l’eau. Yeux fureteurs sous la crête hirsute, carapace ondulant lentement, écailles rappelant celle de son ancêtre : l’iguane  marin des Galápagos  me regarde. « Endemic ! » crie de loin notre guide, qui lit Darwin dans le texte.

Derrière nous, arbustes odorants. Pinsons darwiniens donc, mouettes  noires qu’on ne trouve nulle part ailleurs, et « moqueurs » aux plumes jaunes. Tout ce petit monde picore et bruit gaiement.  Un « Fou » à pattes bleues  claque  des ailes à deux pas.  Des lézards  de lave jaillissent d’un buisson. Ils  nous observent paresseusement et restent là, curieux de nous. Personne ne craint personne. Tout le monde respire en  même temps, face à l’océan, dans la splendeur de ce premier matin du monde. J’ai l’impression d’entrer dans une  toile inédite du Douanier Rousseau. Miracle : personne ne fuit personne. Au contraire, les tortues marines sortent de l’eau à nos pieds. De minuscules crabes rouges s’éparpillent a toute vitesse sur le sable  mouillé.  Clapotis sur ce rivage de satin. Barrissements dans le lointain : une otarie ? Quelques insectes crissent non loin. Suis- je au paradis ? Un Eden terrestre, sans doute, le dernier, probablement, avec l’Antarctique, terriblement fragile et menacé lui aussi, victime de son succès, de ma visite,  pendant que la planète terre  se meurt. Le vivant non- humain s’éteint  chaque jour davantage, à jamais.  200 000 hectares de forêt disparaissent chaque jour. 15589 espèces animales sont en grand danger, 7 000  parmi elles sont en train de s’éteindre (oiseaux, mammifères, tortues, poissons etc..)

Aux Galápagos, nous faisons corps avec l’harmonie du vivant. D’où l’absence de frayeur des tortues, folâtrant à mes pieds dans l’eau tiède. Désormais protégées- et même sauvées par l’homme - (La fondation Darwin collecte leurs œufs sur les plages et remet les petits en liberté lorsqu’ils sont à même de se débrouiller) après avoir été longtemps massacrées (comme les baleines en Antarctique), les tortues  géantes ou marines prospèrent. On ne dira jamais assez le mal que leur fit Descartes. Son fameux "j’ai une intériorité, le reste du monde n’a qu’un corps, donc les non- humains sont des objets à ma disposition. Une ressource." Tu parles, Charles, semble répondre Darwin. Nous ne sommes pas au-dessus du vivant non humain, mais à égalité avec lui. Ni plus, ni moins. D’où cette paix incomparable et révolutionnaire qui lie vivants humains et non- humains aux Galápagos. Douglas m’a montré le « Palo Santo » (végétal endémique des Galápagos),  doté d’un formidable instinct de survie. L’arbuste, apparemment mort,  amas pathétiques de branches desséchées vert-de-gris pendant la saison sèche explose de feuillage et de fleurs durant la saison des pluies.  Il ne survit le reste du temps qu’en absorbant  l’humidité que lui apporte un lichen rouge accroché à lui telle la misère sur le monde, parasite salvateur, auquel  l’arbre en question sauve aussi la vie, car sans le Palo Santo, le lichen n’offrirait  aucune résistance au vent...

Michel Onfray a écrit de  superbes pages sur l’intelligence végétale ( « Cosmos ») Quant à Philippe Descola, qui dirige la chaire d’anthropologie de la nature au Collège de France, il le répète depuis « Les lances du crépuscule »  jusqu’à « Par-delà nature et culture » : le dualisme tue. Dans une récente interview à Télérama, il s’en explique. «  Séparer l’homme de la nature comme nous le faisons en Occident  a transformé cette nature en « ressource » soumise au contrôle des hommes. Conséquence positive : le monde devient un champ de phénomènes, la science émerge. Mais la nature transformée en ressource devient muette, inanimée, on peut l’utiliser au détriment des autres espèces et, à terme, au détriment des humains. Dès le départ, les conditions sont réunies pour une dévastation de la planète ». Aux Galápagos, Charles Darwin a su le premier qu’il existait une continuité entre les objets du monde. Et que leur interaction permettait - ou pas, si on l’interrompt- la survie de tous.

Santa Fé. Un banc de dauphins passe « à midi » comme disent les naturalistes. » Près de deux siècles après les premiers pas de Darwin aux Galápagos, ses études sont intactes, et d’avant garde, permettant d’autres sortes d’explications comme la génétique, rappelle un chercheur de la « Darwin Foundation ».  

Les Galápagos et l’Antarctique sont au XXI siècle  les seules  régions  du globe où des vivants non humains vivent en harmonie, à égalité avec le genre  humain, en une interaction pacifique et amie. «  Aujourd’hui émergent des sciences sociales et de l’anthropologie des positions qui appellent des rapprochements avec l’éthologie [Baratay2010 ; Kohler 2011] 3. L’empathie et l’intuition servent souvent de guide, de méthode et d’outil pour interpréter l’animal et entrer en relation avec lui. Cette démarche peut paraître profane aux théoriciens des sciences éthologiques en ce qu’elle n’appartient pas au cadre strict et objectif de leur discipline mais elle est susceptible de générer de nouveaux questionnements (…) (…) Comment l’animal et l’humain parviendront-ils, dans les sociétés de demain, à construire de nouvelles mixités ? »

Avant de rentrer à Paris,  nous  faisons une randonnée  autour des falaises  d’Espanola où nichent de nombreux Albatros des Galápagos (Diomedea irrorata). Depuis toujours,  pour apprendre à voler, les jeunes  se jettent du haut  de ces falaises, portés par des vents extrêmement puissants, ils déploient leurs ailes et y parviennent. Emerveillée, j’assiste à cet envol inaugural, puis, dans un champ de lave,  j’admire la danse nuptiale des Albatros parvenus à maturité. Claquement de becs dans le silence ; ballet rituel, lent, majestueux.  Le mâle et la femelle se sont choisis. Une figure de la séduction rythmée depuis  la nuit des temps.

17 septembre 1836. «  Pendant ma promenade, je rencontrai deux immenses tortues, chacune d’entre elles devait peser au moins deux cents livres ; l’une dévorait un morceau de cactus. Quand je m’approchai d’elle, elle me regarda avec attention puis s’éloigna lentement. L’autre poussa une sorte de coup de sifflet et rentra sa tête sous sa carapace. « écrivit Charles Darwin deux jours après son arrivée aux Galápagos.  Aujourd’hui, près de deux siècles plus tard, grâce à la Fondation Darwin, à ses contributeurs et mécènes de tous les pays (les donateurs sont bienvenus, budget annuel : 3 millions de Us dollars…), les Galápagos  résistent à presque tout, y compris aux touristes. Dernier exploit de la Fondation Darwin, championne de la « Révolution de l’Evolution », le programme de  conservation des requins- tigre et des requins- baleines, inauguré en 2014, perdurera-t-il en. 2016 ?  L’immense domaine sous- marin des Galápagos est  un trésor qui perdure.  Pas encore d’eaux polluées.

Dernier jour dans les îles chères  à Darwin.  Ses émules maintiennent le cap. La « Darwin Station » tient bon.
Sur une plage de Santa Fé, avant  notre dernier embarquement à bord du zodiac qui va nous ramener  vers la coque du Pacifique, deux iguanes terrestres  endémiques se  tiennent enlacés.

Deux siècles après sa visite, les espèces découvertes par Darwin sont intactes. Et grâce à d’autres modes de relation entre humains et non- humains, le miracle  de la diversité perdure.

Pour combien de temps ?

Galápagos, y aller ?

Paris- Quito

ou

Paris-Guyaquil

Puis Quito-Baltra ( Galapagos)

ou Guyaquil- Baltra ( Galápagos)

 avec LAN, TAME, ou AVIANCA.  (300 USD environ A/Retour)

Puis sur place,  dans l’archipel des Galápagos,  avionnettes et/ ou bateaux taxis pour découvrir  des îles. Concernant les « bateaux croisières » se méfier : Il y a le pire et le meilleur. Le pire : des navires  aux « activités » (sic) réglées comme du papier à musique à l’anglo-saxonne, où l’on passe sa vie enfermé dans une clim perpétuelle… Le meilleur, les petits navires équatoriens. Depuis certaines îles, avionnettes et bateaux –taxis plus "lodges" sont une autre possibilité.

Le  voyage  depuis l'Europe - avec escales et décalage horaire - est long, donc éprouvant. Si vous avez vingt ans, voyagez en éco. Si vous en avez quarante, la classe affaire s’impose. Pour deux mille euros A/R de moins qu’Air France sur un parcours identique, KLM a beaucoup amélioré le confort de la sienne.  Il s’agit de vrais lits, Les repas sont devenus excellents, les vins fins. Service attentif. Sur place, se méfier des agences locales, qui, depuis Quito ou Guyaquil, prennent des marges importantes sur la moindre nuitée. Mieux vaut se fier depuis la France à Booking.com. qui en fonction du remplissage de certains hôtels, peut proposer des tarifs très avantageux (L'hôtel « Royal Palm », par exemple, sur les hauteurs de Santa- Cruz non loin des élevages de tortues géantes). De toute façon,  une expédition coûteuse,  mais c’est le voyage d’une vie.  On ne va pas aux Galápagos en famille. On n’y va pas non plus pour « faire les îles » ni pour « bronzer » ou « « se ressourcer ». Encore moins pour faire du « shopping ». Un signe qui ne trompe pas : il n’y a pas de cartes postales dans les îles chères à Darwin.

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