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Batman : ce héros mythologique
aux 1001 vies
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Super héros

Jeudi, Batman revient à Bercy sous la forme d'une comédie musicale. L'homme chauve-souris, héros mythologique d'aujourd'hui, semble devoir renaître indéfiniment, chaque fois coloré d'une teinte différente, selon l'époque dans laquelle il évolue.

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet est chercheur au Centre d’Etudes sur l’Actuel et le Quotidien (Université Paris V René Descartes). Il est docteur en Sociologie. Sa thèse s’intitule : "L’esprit du jeu dans les sociétés post-modernes. Anomies et socialités : Bovarysme, mémoire et aventure." Il a également collaboré à l’ouvrage dirigé par Michel Maffesoli et Brice Perrier : L’homme postmoderne.

Ses thématiques de recherche sont : le jeu, le risque, la morale, les nouvelles technologies, la science fiction et la bande dessinée.

Il est membre de la rédaction des Cahiers Européens de l’Imaginaire et l’un des trois fondateurs de La Tête qui manque.

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Atlantico : La comédie musical "Batman live" débute ce mercredi à Paris Bercy. Un nouveau long métrage est par ailleurs en préparation. Comment expliquer ce succès de l’homme chauve-souris ?

Aurélien Fouillet : Batman est un phénomène parmi d’autres. D’autres super-héros d’après-guerre resurgissent dans la bande-dessinée, le cinéma ou le jeu-vidéo. Superman et Spiderman, par exemple. Aujourd’hui, cette émulation des super-héros permet de redécouvrir une forme d’utopie, un fond social mythique, qui se cristallisent aussi bien à travers Batman, les X-Men ou même encore Harry Potter. Cette légende contemporaine répond à une appétence pour le mythologique. C’est un moyen d’échapper au monde dans lequel nous vivons, ou plutôt d'en chercher les signifiactions possibles.

Mircea Eliade explique qu’entre le monde sacré et le monde profane, seul le monde sacré existe. C'est-à-dire que seul le monde sacré donne un sens aux choses. C'est d'ailleurs le rôle de tous les mythes que d'expliquer pourquoi les choses et le monde sont tels qu'ils sont. La post-modernité a comme caractéristique de ne plus s'appuyer sur les grands récits et les grandes idéologies. Pour trouver des explications aux objets et aux personnes, nous nous dirigeons donc naturellement vers des mythologies contemporaines, comme par exemple les comics, ces bande-dessinées américaines. Comme pour les anciens mythes, il y a une multitude d’interprétations : le Batman de Frank Miller (Dark Knight) ou de Neal Adams sont plus sombres que celui de Bob Kane.

Dans tous les cas, ils dessinent Batman comme un anti-héros, un nanti milliardaire qui hésite en permanence entre justice et vengeance. Frank Miller explique d’ailleurs que là où Superman est Apollon, l’homme parfait, Batman est Dyonisos, le personnage ambivalent, complexe et tapageur.

Pourquoi le Batman moderne - de Tim Burton, de Frank Miller ou de Neal Adams - est-il plus sombre que celui des origines ?

Il est plus sombre mais en même temps, son univers s’adapte en conséquence. Le Joker de Moore (Kiling Joke) est un méchant beaucoup plus exacerbé mais aussi beaucoup plus drôle avec une ironie et un cynisme démesurés. La noirceur de Batman et l’humour du Joker se répondent.

Depuis dix ou quinze ans, il y a énormément de séries dans lesquelles les héros meurent et d’autres naissent, créant un bouleversement comparable à la naissance mythique du monde contemporain. Ainsi, chez Marvel, dans la série Civil War, Captain America et Iron Man doivent abandonner l’anonymat pour travailler pour le gouvernement. Il y a alors deux camps. Ceux qui acceptent suivent Ironman. Ceux qui refusent rejoignent Captain America. Mais celui-ci est tué. C’est un grand chamboulement dans l’univers de Marvel ! [NDLR : Attention, spoiler sur Batman !] De la même façon, dans les derniers soubresauts de Batman, Bruce Wayne meurt. Là aussi, dans la plus pure tradition mythologique, on apprend finalement que Batman n’est pas mort mais seulement envoyé dans le passé où il redécouvre ses propres origines dans la préhistoire.

Quel écho de la société actuelle peut-on trouver dans l’univers de Batman ? La crise, par exemple, a-t-elle des répercutions dans le célèbre comics ?

Il y a toujours eu des parallèles évidents dans la mythologie. Dans la légende, Prométhée vole le feu aux dieux pour le donner aux hommes. Il est alors puni par Zeus. C’est l’illustration du risque encouru par l’homme qui s’émancipe grâce à la modernité. Les gens sont prévenus : ils risquent de perdre le contrôle de l’outil nouveau. C’est un mythe récurrent que l’on retrouve dans Frankenstein.

L’outil qui permet d’échapper à notre condition entraine dans la mythologie des grands chaos, des grands désordres. Ce retournement apparaît  dans notre société au travers de la crise économique ou écologique. Et justement, nos mythes, les comics, retranscrivent ce bouleversement. Le Bruce Wayne d’aujourd’hui, à la tête de sa multinationale ultramoderne, recrée du mystère comme Houdini au début du siècle par le jeu des technologies de Wayne Enterprise et de son costume de chauve-souris. 

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