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Apple veut révolutionner la télé mais doit renoncer à son rêve (pourquoi, comment, what’s next)
©Reuters

Télé partout

Apple veut sortir une télévision révolutionnaire associée à un service qui permet d'accéder à tous les contenus comme on le veut. Mais pour ce faire, il faut amener des partenaires qui sont très réticents...

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Apple est en train d'abandonner son rêve pour transformer la télévision. En tous les cas Les Moonves, le PDG de CBS, une des plus grosses chaînes de télévision américaines, a déclaré qu'Apple a mis son projet "en attente." La firme de Cupertino se concentrerait sur une offre moins ambitieuse pour permettre aux consommateurs de regarder la télévision à travers son App Store, rapporte Bloomberg.

Mais quel est ce rêve d'Apple ? A peu de choses près, c'est le rêve des consommateurs. 

Voilà ce à quoi ressemble le rêve d'Apple, comme le relatait Henry Blodget de Business Insider il y a quelques années.

Du point de vue du consommateur, c'est très simple : Apple sortirait une télévision. Pour Gene Munster, analyste spécialiste d'Apple, cette télévision serait--évidemment--la meilleure télévision de la planète, magique, très belle, et deux fois plus chère que toutes les autres télévisions du marché. 

Cette télévision remplacerait les "box" des fournisseurs d'accès (équivalents de Freebox, Canalsat, etc.) et contre un abonnement mensuel, permettrait d'accéder à tous les contenus--films, séries télé, etc.--imaginables, le plus souvent pour un prix modique. 

Cela ressemblerait au rêve de la plupart des consommateurs : permettez-moi de regarder ce que je veux, quand je veux, sans avoir à payer une fortune. 

Pourquoi ce rêve n'est-il toujours pas une réalité ? Pourquoi est-il "en attente" ?

Parce que pour ce faire, Apple doit amener dans son camp par partenariats une énorme séries de parties prenantes : les fournisseurs d'accès, les chaînes de télévision, et les producteurs de contenu. 

Aux fournisseurs d'accès, Apple dit, en somme : laissez-nous prendre le contrôle de votre relation avec votre client et retirer toute la valeur de votre écosystème en prenant le contrôle de qui accède à votre contenu. 

Aux chaînes de télévision, Apple dit : laissez-nous prendre votre contenu, le packager comme nous l'entendons et facturer ce que nous voulons.

Aux producteurs de contenu, Apple dit : vendez-nous votre contenu et laissez-nous le distribuer comme nous l'entendons, et vous prendrez ce qu'on vous donnera. 

Car c'est ça le noeud du sujet. Avec son projet, Apple prendrait le contrôle de la relation avec les clients (et donc serait la marque principale), de la distribution, et des prix, sur le marché des contenus TV. Pas étonnant que les autres acteurs de l'écosystème refusent.

La stratégie d'Apple est de contrôler toute la chaîne de valeur : le hardware, le software, mais aussi la distribution du contenu, comme c'est le cas avec la musique sur iTunes ou les livres sur iBooks.

Mais avec iTunes, les labels étaient terrifiés par le piratage--et, à l'époque où les premiers accords étaient conclus, Apple était une marque de niche et leur confier la distribution de la musique était plus une petite tentative sans grand risque qu'une véritable décision stratégique. Avec iBooks, les maisons d'éditions sont terrifiées par Amazon et son Kindle. 

Mais la télévision n'a pas encore été disruptée, et le business de la télé reste encore très rentable. Les chaînes de télévision ne sont pas encore en position de faiblesse. Et surtout, ce qui fait la valeur des chaînes, c'est le "bundle". Une chaîne de télévision, c'est plusieurs programmes avec des valeurs ajoutées différentes. Si les téléspectateurs ont accès aux séries individuellement, beaucoup d'autres programmes deviennent non rentable, et beaucoup de valeur s'évanouit. Les fournisseurs d'accès ne veulent pas céder non plus, car ils ont la relation avec le client et l'infrastructure nécessaire, mais veulent protéger leur valeur en ne devenant pas un simple "tuyau". De plus, un écosystème complètement fragmenté ferait sans doute une pression vers le bas des prix, dont personne ne veut.

D'où la stratégie, beaucoup moins ambitieuse, d'Apple de paser par l'App Store pour permettre aux chaînes de télévision de distribuer leur contenu. C'est une très forte demande des consommateurs d'être capable de voir son contenu sur tous ses appareils, y compris iPhone et iPad. Mais cette stratégie est aussi un cheval de Troie : avec des centaines de millions d'iPhones et iPads en circulation, à partir du moment où Apple aura cette audience, elle pourra faire pression sur les chaînes de télévision pour potentiellement obtenir plus de contenus sur de meilleurs termes. Les chaînes de télévision ne sont pas dupes, mais savent également qu'à l'ère digitale elles doivent diffuser leurs contenus sur de nombreux supports.

Donc, le rêve continue. En attendant, la télé d'Apple reste dans les laboratoires top secret de Cupertino.

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