Presse sous perfusion ? Marine Le Pen contre La Voix du Nord, dernier épisode de la guerre des subventions <!-- --> | Atlantico.fr
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Le presse française est-elle indépendante ?
Le presse française est-elle indépendante ?
©Flickr/NS Newsflash

Prise de position

La une de La Voix du Nord du lundi 30 novembre attaquait farouchement Marine Le Pen. A la suite de cet assaut, la présidente du FN a dénoncé la collusion entre médias et politiques, estimant que la ligne éditoriale du quotidien était due à un financement socialiste. Une déclaration qui fait étrangement penser à l'affaire Valeurs Actuelles, que Fleur Pellerin avait privé desdites subventions...

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Voix du Nord, voix de ses maîtres

En titrant sur l’arrivée du Front National à la tête du conseil régional du Nord-Picardie et sur les inquiétudes que susciterait cette imminence, la Voix du Nord a fini de jeter un masque levé depuis plusieurs semaines déjà sur la collusion de plus en plus malsaine entre la presse subventionnée et le pouvoir qui la subventionne. Après les affaires Verdier et Guénolé, c’est donc au tour de la presse régionale de se tirer une balle dans le pied en faisant cause commune avec un système dont le rejet est grandissant au sein de l’opinion publique.

La Voix du Nord et ses 4 millions d’euros de subvention

Au seul titre des subventions accordées par le ministère de la Culture, la Voix du Nord perçoit 4 millions d’euros annuels: 3,7 millions au titre de la Voix du Nord elle-même, et 250.000 euros au titre de Nord Eclair. Ce petit coup de pouce a évidemment un prix: il oblige à défendre un système qui sera désormais à coup sûr remis en cause par le Front National en cas de victoire électorale.

Les pleines pages consacrées par le quotidien à la lutte contre le Front National ne peuvent que surprendre. Le directeur de la publication doit forcément se douter que sa prise de position apparaîtra, aux yeux de l’opinion publique, comme une défense corporatiste de son financement, avant d’être une participation objective au débat.

S’agissant d’un parti, le Front National, qui dénonce la collusion du "système", la démarche est fondamentalement maladroite.

La presse subventionnée et la tentation de la soumission

Cette affaire s’inscrit dans un contexte malsain où le pouvoir hollandiste est de plus en plus traversé par la tentation autoritaire vis-à-vis de la presse. Le spectacle est assez comique d’ailleurs. Depuis mai 2012, le pouvoir exécutif ressemble à un triomphe de la docilité en cascade: François Hollande a écarté du pouvoir tous les gêneurs qui à leur tour caporalisent l’ensemble du "système" et interdisent toute forme de pluralisme.

C’est le cas avec Fleur Pellerin, sous-dimensionnée pour les postes qui lui sont confiés. Celle-ci n’a pas hésité à inventer de nouveaux critères dans l’attribution des aides à la presse, qui lui permettent de servir les amis du pouvoir et de tarir les soutiens aux dissidents. On notera que Valeurs Actuelles devrait être "puni" pour son impertinence au titre de cette nouvelle politique de gauche.

L’évolution discrète du pouvoir exécutif ne manque pas d’inquiéter. Elle souligne que la profonde crise politique que le pays traverse se traduit par une partialité grandissante de l’Etat et une stratégie de repli sur "le système" qui ressemble de plus en plus à une forteresse assiégée. On ne peut évidemment évoquer ce point sans faire le parallèle avec la fièvre obsidionale qui domine les esprits gouvernementaux. Avant même la proclamation de l’état d’urgence, Valls pilotait en réalité un virage autoritaire dont la sécurité est devenue le prétexte commode.

La poutinisation de François Hollande

Les petits caniches de la gauche au pouvoir, Bruno Leroux en tête, peuvent bien aboyer autant qu’ils veulent contre les violations de Droits de l’Homme en Russie. Ils peuvent rouler le bonhomme Poutine dans toute la boue qu’ils veulent: la méthode de gouvernement qui se met en place en France n’a rien à envier à ces logiques qui paraissent scandaleusement autoritaires au pied de l’Oural.

Que n’aurait pas dit la gauche si Poutine, dans la foulée des attentats tchétchènes en Russie, avait décrété un état d’urgence se traduisant par l’assignation à résidence de militants écologistes manifestement étrangers à ces attentats, et avait conduit une politique d’aide à la presse godillot comme celle à laquelle nous assistons en France? Les mots de "dictature" et de "coup d’Etat" auraient fusé.

Ceux-là mêmes qui justifiaient la dangereuse politique anti-russe de l’Allemagne en Ukraine au nom de la démocratie sont les premiers à justifier, au nom de cette sacro-sainte démocratie, les entorses de plus en plus flagrantes à l’impartialité de l’Etat et au droit. La France a non seulement annoncé au Conseil de l’Europe qu’elle violait désormais la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme, mais elle pousse le vice jusqu’à piquer sa presse prétendument pluraliste à l’étrange morphine d’une dictature dont on n’aurait pu soupçonner l’existence il y a encore quelques mois.

C’est ainsi que les démocraties finissent: par la lente soumission à l’autorité, sous l’effet d’une passivité, d’une résignation, d’une complaisance des élites qui illustrent avec excellence les ravages produits par la décadence morale de toute une classe sociale. La confort plutôt que la liberté ! L’affection plutôt que la vertu ! La collusion plutôt que le droit !

Dieu ! Que l’agonie du régime est longue, glauque et navrante.

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