Fin de la politique de l’enfant unique, pollution stratosphérique, endettement et ralentissement économique... la Chine se dirige-t-elle vers un effondrement comparable à celui de l'URSS ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La Chine se dirige-t-elle vers un effondrement comparable à celui de URSS ?
La Chine se dirige-t-elle vers un effondrement comparable à celui de URSS ?
©Reuters

Débâcle

En raison des problèmes démographiques qui menacent le pays, Pékin a officiellement annoncé jeudi 29 octobre la fin de la politique dite de l'enfant unique. Reste, que la démographie n'est pas la plus grosse menace qui pèse sur le parti communiste chinois. D'autres mesures sont attendues d'ici la fin de la semaine, notamment en matière d'écologie et d'économie.

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio est président de l'institut de recherche Asia Centre.

Ancien élève de l'École normale supérieure et de l'Université de Pékin, il enseigne par ailleurs à l'IEP Lyon, à l'Ecole Centrale Paris, à HEC ParisTech, à l'École des Mines Paris Tech et à Lille I.

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Atlantico : Dans les années 70, certains avaient prévu l'effondrement de l'URSS en raison des dynamiques démographiques. Quel poids peut avoir cette menace pour la Chine ?

Jean-François Di Meglio : Même si effectivement on peut faire des comparaisons démographiques et que l'on peut dire que, plus qu'à l'URSS c'est au Japon du début des années 90 (la "décennie perdue") que la pyramide démographique inversée que la Chine aura à endurer pendant plusieurs années ressemble, la principale différence est que ce choc démographique a été anticipé par les dirigeants chinois qui savent avant tout tirer parti des erreurs des autres pays en étudiant l'histoire. La menace principale est peut-être que "la Chine deviendra vieille avant d'être riche", mais c'est le risque (non encore avéré) maximal que peut causer à ce stade le "choc démographique à l'envers". Il faut se souvenir que la Chine parvient en effet à créer les 10 millions d'emplois nécessaires à ne pas augmenter le nombre des sans-emplois venus grossir la masse des personnes en âge de travailler chaque année, avec ou sans qualification. Et aussi souligner que le phénomène de l'urbanisation va en quelque sorte agir aussi en "amortisseur" de ce choc à l'envers. Imaginons ce qu'aurait été une Chine qui aurait eu une démographie "normale" mais qui aurait dû néanmoins passer par la case "urbanisation" qui s'annonce et va pousser environ 20% de la population chinoises vers les villes dans les 15 à 20 années à venir.


Tassement de la croissance, défi écologique, arrêt de la politique de l'enfant unique : la Chine semble confrontée à des défis majeurs. Quelles sont les menaces qui pèsent le plus aujourd'hui sur le Parti Communiste Chinois ?

Certainement la plus grande menace est la plus difficile à parer : c'est celle d'un "Tchernobyl" ou plutôt d'un Bhopal ou d'un "Toulouse" chinois, ou même d'un Tianjin amplifié, c'est-à-dire une catastrophe écologique soudaine, faisant sans qu'on puisse le dissimuler des victimes nombreuses et génératrices de ressentiment contre la modernisation violente qu'a subie le pays, souvent au risque de la sécurité environnementale. La réaction à la catastrophe de Tianjin l'été dernier a montré que c'est une préoccupation majeure des autorités, et que l'évènement lui-même a servi d'argument supplémentaire pour amplifier la propagande concernant la lutte anti-corruption, et sans doute la lutte elle-même, tant ce risque est lié au laxisme complaisant lié aux solidarités politiques

La seconde menace est sans doute d'une dégradation écologique "au ralenti", dégradant l'espérance de vie, la qualité générale des conditions de vie et créant un ressenti négatif quant au mode de développement choisi. Là encore, les mesures, et la propagande adéquate, sont identifiées, avec la poussée des "éco-cities" vraies ou illusoires, et certainement un changement du mix énergétique réduisant la part du charbon, qui est le principal responsable de la pollution et des incidents de santé liés à la pollution.

Bien sûr le troisième risque est l'arrêt de l'enrichissement général, ressenti ou réel, qu'un très fort tassement de la croissance pourrait déclencher. On n'en est pas encore là. Seules les classes vraiment les plus aisées se plaignent (mollement) de la situation, l'adhésion au régime installé avec Xi Jinping depuis 2012 reste forte, en particulier du fait de sa composante populiste.

Quelles sont les réponses prioritaires que le parti doit donner ?

A défaut de pouvoir tout changer de fond en comble et de pouvoir faire accéder tout le monde à la consommation en changeant le modèle de développement économique vers moins d'investissement (donc de pollution, d'industrialisation), ce qui arrivera néanmoins dans un délai de 10 à 20  ans le Parti s'intéresse à la "vie des gens normaux". Le rêve chinois se décline au niveau de la famille, avec la satisfaction (théorique) de ne plus avoir de contrainte et de pénalité pesant sur la décision conjointe de la procréation, niveau le plus intime de la liberté individuelle, qui était reniée jusqu'ici. De même la liberté de circulation, pénalisant les migrants s'installant de façon "illégale" en ville en provenance de la campagne, est une mesure touchant directement la vie personnelle et intime. La perception s'installe donc que le Parti s'intéresse aux personnes. Même si la situation économique se dégrade marginalement, ce serait déjà un changement important et bienvenu.

Dans la pire situation naturellement, l'exploitation du sentiment nationaliste latent est toujours possible et peut effectivement pousser à des velléités plus ou moins guerrières, réelles ou proclamées. Mais cette carte ne serait abattue qu'en cas de danger profond et réel. On n'en est pas du tout là. Les réponses prioritaires, au-delà des statuts individuels, vont aller vers l'assainissement de l'économie, y compris si cela passe par une période de "purge" ralentissant la croissance. Des réformes, culminant avec la réforme des prix et des marchés financiers, devront se produire, mais pour l'instant l'environnement a besoin d'être stabilisé (et l'équipe dirigeante peut-être d'être modifiée, sans doute à l'occasion du XIX ème Congrès du Parti communiste en  2017) avant que ces grandes réformes soient effectives. 

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