Pourquoi les germes de la grippe se répandent plus rapidement lorsqu'il fait froid<!-- --> | Atlantico.fr
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Chaque année, dans le monde, environ 5 milllions de personnes sont contaminées par la grippe et près d'un million en meurent.
Chaque année, dans le monde, environ 5 milllions de personnes sont contaminées par la grippe et près d'un million en meurent.
©Reuters

A vos souhaits !

Le virus profiterait de l'air sec pour se développer. Atlantico apporte des précisions et explique comment tenter d'y échapper.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Dès que les feuilles commencent à tomber et que les températures baissent, chaque année, les nez, eux, se mettent à couler... Pour les plus chanceux, ce sont les seuls symptômes, mais, pour d'autres, ils s'accompagnent de fièvre élevée et de grosse fatigue, le tout avec un corps tout entier qui souffre. La grippe est arrivée.

Une rengaine connue de tous puisque la saison des virus arrive de façon systématique avec les premiers froids. Il est ainsi difficile de s'imaginer que les scientifiques n'ont qu'une mince idée des raisons pour lesquelles les germes se répandent dès que le thermomètre indique des températures proches de zéro degré. Stéphane Gayet, médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, apporte son expertise : "La grippe et d'une façon générale les infections respiratoires aiguës (IRA) d'allure grippale sévissent pendant la saison froide. C'est un fait avéré qui se vérifie chaque année. Les explications avancées jusqu'à présent étaient les suivantes : le froid fragilise le corps humain et le rend ainsi plus vulnérable aux infections virales respiratoires ; pendant la saison froide, l'ensoleillement est réduit, ce qui diminue la synthèse de vitamine D par la peau et affaiblit le système immunitaire de ce fait (cette vitamine étant nécessaire à une bonne immunité)."

Et le vice-président de l'Observatoire régional de la santé (ORS) d'Alsace de poursuivre avec une explication physiologique : "Le froid provoque une contraction (resserrement) des petits vaisseaux des fosses nasales et de la gorge, ce qui réduit le débit sanguin et donc l'apport de cellules de défense. Quand il fait froid, on se déplace davantage par transport en commun et on se concentre davantage dans les magasins et les lieux de réunion où il fait bien chaud. Mais ces explications n'emportent pas la conviction, elles manquent de puissance et même de pertinence. Pourtant, on s'en est contenté, faute de mieux. Il y a tellement de phénomènes que l'on n'explique encore pas ou pas bien en médecine…"

Au cours de ces cinq dernières années, les chercheurs ont finalement apporté un début de réponse qui pourrait permettre d'endiguer la vague d'infection. Ces derniers ont, en effet, mis en exergue quelque chose de plutôt étonnant. Lorsque l'on éternue à cette période de l'année, les germes restent en supension dans l'air plus longtemps. Stéphane Gayet explique ce phénomène : "Quand l'air est humide, les microparticules qui véhiculent les virus sont grosses et lourdes et sédimentent rapidement, car leur densité est forte (c'est en effet la teneur en eau qui détermine la densité)." Ainsi, elles tombent par terre et ne se propagent donc pas, limitant les risques de propagation de la maladie.

De plus, l'humidité de l'air n'est pas très favorable au maintien de l'intégrité de l'enveloppe du virus grippal. Le spécialiste des virus de préciser : "cette enveloppe virale – indispensable à l'expression du pouvoir pathogène du virus - a tendance à s'altérer et à perdre ainsi son pouvoir infectieux. Au contraire, quand l'air est sec, les microparticules sur lesquelles les virus circulent sont petites et légères – c'est-à-dire que leur densité est faible - et elles restent assez longtemps en suspension dans l'air. Il en résulte que leur concentration dans l'air et leur propagation aérienne sont beaucoup plus importantes. C'est donc une question de physique - ce que l'on appelle la thermodynamique - doublée d'une propriété virologique (moindre persistance du pouvoir infectieux du virus grippal en présence d'humidité)." Ainsi, en hiver, on respire un cocktail de cellules mortes, mucus, et virus provenant de tous ceux qui sont passés dans la pièce dans laquelle on se trouve. 

Un nouvel éclairage sur la grippe pourtant encore insuffisant. En effet, chaque année, dans le monde, environ 5 milllions de personnes sont contaminées par la maladie et près d'un million en meurent. Une partie de la puissance de la grippe s'explique par le fait que le virus évolue sans cesse. Le corps est ainsi rarement préparé à la nouvelle souche. Par conséquent, il est difficile d'adapter des vaccins efficaces pour lutter contre le virus. En outre, les gouvernements échouent souvent à convaincre les populations de se faire vacciner et ne peuvent les forcer. 

Stéphane Gayet explique pourquoi et comment ce virus de la grippe évolue si vite : "Il s'agit d'un virus dont le génome (matériel génétique qui détient l'information fondamentale de la particule virale) est instable. Cette instabilité est essentiellement liée au fait que l'acide nucléique (ARN ou acide ribonucléique) qui constitue le génome du virus est segmenté : les zones entre les segments sont ténues et fragiles ; elles s'altèrent facilement. Il en résulte que l'ARN du virus grippal se modifie beaucoup plus facilement que celui d'un virus à ARN non segmenté, comme celui de la rougeole ou celui de la rubéole." On a donc affaire ici à un virus d'une grande variabilité : il change sans cesse, souvent modérément, parfois énormément. 

Et les conséquences sont immédiates : "Il s'en suit que l'immunité développée à la suite d'une infection ou d'une vaccination grippale est faiblement efficace l'année suivante. Les modifications importantes du virus grippal A s'opèrent chez l'animal (oiseaux et porcs) qui sont ainsi les incubateurs de nouveaux virus grippaux humains de type A. Quand le virus a énormément changé (cassure de son ARN), c'est comme un tout nouveau virus qui sévit et dès lors l'immunité des années précédentes est sans effet. Les épidémies meurtrières et historiques de grippe (pandémies) sont ainsi liées à de très profondes modifications de l'ARN viral de virus grippaux de type A."

Si la grippe se propage plus vite en hiver qu'en été, cela est dû tout simplement à la composition de l'air. En effet, l'air est un mélange gazeux, constitué essentiellement d'azote ou N2 (4/5e) et d'oxygène ou O2 (1/5e). Il véhicule également de nombreux éléments, en particulier de la vapeur d'eau (H2O). Cette vapeur d'eau est donc un gaz, comme N2 et O2. Les gaz sont invisibles, à la différence des brouillards (microgouttelettes) qui, eux, sont visibles, car ce sont des liquides. Stéphane Gayet d'éclairer : "Il est en effet fondamental de bien faire la différence entre la vapeur d'eau (eau gazeuse qui est invisible) et le brouillard d'eau (eau liquide qui est visible). Plus il fait chaud, et plus l'air peut contenir de vapeur d'eau. Ainsi, en été, l'air est riche en vapeur d'eau : il est humide. Alors qu'en hiver, l'air est pauvre en vapeur d'eau : il est sec. Mais pourquoi dit-on donc qu'il fait humide en hiver ? Quand il fait froid, l'air qui se charge en eau ne peut pas la conserver et la dépose sur toutes les surfaces qu'il rencontre (phénomène de condensation). Les murs sont dès lors humides et c'est également le cas de notre peau et de nos muqueuses. Nous avons donc une impression d'humidité de contact, mais l'air est sec, justement parce qu'il rejette très vite l'humidité dont il a pu se charger temporairement. C'est comme une personne ayant de bons revenus, mais qui serait très généreuse et fort dépensière : bien que gagnant correctement sa vie, elle est toujours sans le sou. Mais son entourage s'en trouve bien, car il bénéficie de sa générosité."

Voici quelques conseils pour éviter au maximum la propagation du virus :

- Dans les maisons et appartements, veiller à maintenir l'air intérieur suffisamment chaud et humide, ce qui peut réduire le risque de 30 %.

- Un apport de vitamine D peut être bénéfique en cas de faible exposition aux rayons solaires.

- Dans les transports en commun et les lieux de rencontre, le port d'un masque est une pratique mal vécue en France, alors qu'elle peut réduire le risque de contamination virale de 80 %. Une astuce consiste à porter un masque et à le dissimuler derrière un cache-nez.

- La transmission par contact est au moins aussi importante et souvent plus. On récolte des particules virales en touchant des éléments qu'ont touchés des personnes infectées et sur lesquels elles ont toussé. Il est de ce fait capital de se laver ou de se désinfecter les mains avant de les porter sur une muqueuse (yeux, lèvres, bouches ou nez). Il ne faut jamais toucher sa bouche avec ses mains sans les avoir nettoyées avant. Cette circonstance est très fréquente : aliment, chewing-gum, bonbon, cigarette…

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