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Législatives en Egypte : la stratégie Sissi pour contenir les pulsions islamistes du pays
©Reuters

Elections, piège à ... islamistes

Deux ans après l'arrivée au pouvoir du maréchal Sissi, les premières élections législatives auront lieu en Egypte du 17 octobre au 2 décembre. En l'absence des Frères musulmans, le parti salafiste Al-Nour représente la tendance islamiste. Un atout pour Sissi.

Haoues Seniguer

Haoues Seniguer

Haoues Seniguer est maître de conférences en science politique à l'Institut d'Études Politiques de Lyon (IEP)

Il est aussi chercheur au Triangle, UMR 5206, Action, Discours, Pensée politique et économique à Lyon et chercheur associé à l'Observatoire des Radicalismes et des Conflits Religieux en Afrique (ORCRA), Centre d'Études des Religions (CER), UFR des Civilisations,Religions, Arts et Communication (CRAC), Université Gaston-Berger, Saint-Louis du Sénégal.

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Atlantico : Deux ans après l'arrivée au pouvoir du maréchal Sissi, les premières élections législatives auront lieu en deux phases en Egypte du 17 octobre au 2 décembre. Quel est le sens de ces élections législatives en Egypte quand on sait qu'une partie de la population proche des Frères musulmans ne sera pas représentée ?

Haoues Seniguer : Des élections, y compris dans des régimes autoritaires à l’image de l’Égypte sous la présidence de Abdelfattah al-Sissi, sont utiles pour légitimer des dirigeants à l’interne mais aussi et surtout à l’externe, auprès des chancelleries étrangères partenaires du pays. L’élection permet aussi de donner d’utiles indications, aux élites dirigeantes en particulier, au sujet de l’état général de l’opinion publique, notamment via l’indicateur vital que constitue le taux de participation. Évidemment, en l’absence du courant des Frères musulmans représenté de façon significative au cours de ces élections, et malgré son enracinement de plusieurs décennies dans la société égyptienne, les dés sont largement pipés.

Quel rôle vont jouer les islamistes dans les élections législatives en Egypte ?

La réponse dépend en partie de la manière d’identifier les "islamistes" dont vous parlez. S’il s’agit des islamistes tendance Frères musulmans, alors ces derniers, très certainement, dénonceront ce qu’ils considèrent comme une mascarade, puisque, selon eux, al-Sissi aurait usurpé le pouvoir en destituant le Frère Mohamed Morsi, et ce, lors du coup d’État militaire du 3 juillet 2013. Mais il faut insister sur le fait que salafistes comme islamistes Frères musulmans ont un logiciel religieux commun: réislamiser la société et rendre l'islam central ou le plus central possible dans les dispositifs législatifs.

Des Frères musulmans aux salafistes, que pèsent les islamistes à l'heure actuelle dans la société et la vie politique égyptienne ?

Il est précisément difficile de répondre avec exactitude à cette interrogation, au moins du point de vue politique, dans la mesure où la meilleure manière d’objectiver le poids réel des acteurs en présence serait d’organiser des élections libres et concurrentielles. Or, comme on l’a précédemment souligné, d’une part, le régime égyptien est de type militaro-autoritaire, ce qui ne prélude pas d’une transparence absolue dans les opérations de vote, et d’autre part, les Frères musulmans seront, comme déjà souligné, absents du scrutin. De nombreux salafistes, en revanche, soutiennent le président-maréchal, à l’instar du parti al-Nour crée en 2011 à la faveur de la révolution égyptienne.

Quels sont les relations entre le maréchal Sissi et le parti salafiste Al-Nour ?

Le parti al-Nour soutient le maréchal Sissi, jouant, ainsi, à fond la carte du pragmatisme ou du fait accompli. Ce sont moins les convictions religieuses du président que les membres du parti salafiste affectionnent particulièrement que l’autonomie qu’il peut leur donner dans le champ religieux, à la condition que ceux-là ne le concurrencent pas et/ou ne le contestent pas au plan politique.

Qu'est-ce qui différencie, voire oppose, les Frères musulmans et les Salafistes d'Al-Nour ?

Ce qui les différencie se situe à la fois au niveau du rapport à l’islam et du rapport au politique : les premiers ont une lecture moins littéraliste des textes religieux et sont dans une logique beaucoup plus adaptative et plus souple par rapport à leur environnement sociopolitique, ce qui est beaucoup moins évident chez les seconds. En effet, ceux-là cultivent une vision très littéraliste du corpus religieux et se disent prêts à se satisfaire de n’importe quel pouvoir politique à la condition que celui-ci soit musulman et qu’il les laisse adopter le comportement religieux qu’ils jugent adéquat et souhaitent adopter dans l’espace public. 

Quel est l'enjeu majeur de ces élections pour le maréchal Sissi ? 

Sans doute tester sa popularité et chercher à démontrer qu’il reste le seul vrai maître du jeu sociopolitique en Égypte, tout en voulant donner le sentiment de jouer la carte de la démocratie électorale. 

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