De l’eau sur Mars : pourquoi le scoop de la Nasa ne mérite pas le bruit qu’il a fait<!-- --> | Atlantico.fr
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La présence d'eau à l'état liquide sur la planète rouge est désormais avérée.
La présence d'eau à l'état liquide sur la planète rouge est désormais avérée.
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Un plouf qui fait flop

L'attente aura été longue : dès jeudi 28 septembre, la NASA a commencé son effet d'annonce. Et si, de fait, il s'agit d'une découverte importante, la nouvelle n'a rien d'aussi spectaculaire qu'on aurait pu le croire, comme en témoigne la présence surprise de John Grunsfeld, l'un des astronautes les plus titrés de la NASA.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Après un effet d'annonce qui a démarré ce jeudi 24 septembre, la NASA a enfin annoncé sa découverte ce lundi 28 septembre. La présence d'eau à l'état liquide sur la planète rouge est désormais avérée. Comment peut-on expliquer un tel phénomène ?

Olivier Sanguy :Un contexte rapide : on sait qu’il y a de l’eau sur Mars et depuis maintenant longtemps. Mais cette eau existe soit sous forme solide, de la glace donc, soit sous forme de vapeur. En effet, normalement, l’eau liquide n’est pas possible sur Mars en raison des conditions de température et de pression atmosphérique qui règnent à la surface de la planète rouge. Pour faire simple, lorsque de la glace d’eau «fond» sur Mars, elle se sublime et passe donc directement de sa forme solide à celle de gaz donc de vapeur d’eau. Mais depuis des années, des images des sondes qui tournent autour de Mars, notamment Mars Global Surveyor et Mars Reconnaissance Orbiter (cette dernière fonctionne toujours) montrent des traces sombres sur des pentes. Des traces qui font penser à l’action de l’eau liquide s’écoulant le long de ces pentes. On les appelles RSL pour Recurring Slope Lineae soit traits ou lignes récurrentes sur des pentes. De 50 cm à 5 m de large pour des longueurs de centaines de mètres, elles apparaissent en été à l’équateur et jusqu’à des latitudes moyennes pour ensuite disparaître puis revenir à l’été suivant. Mais l’eau liquide ne pouvant exister à la surface de Mars, comment expliquer ces RSL ? La réponse apportée par la conférence de presse de la NASA du 28 septembre est qu’il s’agit bien d’eau liquide, mais extrêmement salée par des perchlorates. Ceux-ci agissent comme le sel qu’on répand sur les routes en hiver pour éviter que ne se forme du verglas. Sur Mars, cette eau chargée de perchlorates reste liquide jusqu’à -70 °C ! C’est ainsi qu’elle peut s’écouler le long de pentes sur certains reliefs malgré les basses températures et la faible pression.

Quelles ont été les recherches qui ont permis cette découverte ? Comment ont-elles été menées ?

Il s’agit d’un travail qui s’étale sur plusieurs années. C’est un chercheur d’origine népalaise, Lujendra Ojha du Georgia Institute of Technology aux USA, qui s’est penché sur l’hypothèse des saumures, ces eaux chargées de perchlorates. Il travaille avec Alfred McEwen, responsable scientifique de la caméra haute résolution HiRISE de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter qui a acquis plusieurs images montrant l’apparition des RSL l’été, leur disparition à l’automne puis leur réapparition à l’été suivant. C’est grâce à un autre instrument de Mars Reconnaissance Orbiter qu’ils, avec d’autres scientifiques, en sont arrivés à la conclusion exposée ce 28 septembre. L’instrument en question est le spectromètre CRISM qui a détecté la signature spectrale des perchlorates là où il y a des RSL. Cela montre que ces écoulements sont bien de l’eau très salée. Certes, CRISM n’a pa observé les écoulements eux-mêmes, mais les traces laissés par ceux-ci. Les indices sont suffisants pour qu’on puisse affirmer que de l’eau liquide s’écoule sur Mars, selon certaines conditions bien précises toutefois.

Fondamentalement, qu'est-ce que cette découverte a de profondément révolutionnaire ? Est-elle susceptible de modifier la perception dont nous imaginions Mars ou la façon dont nous menons nos recherches spatiales ?

La découverte n’est peut être pas si révolutionnaire en tant que telle. Ces écoulements et le rôle éventuel de l’eau liquide sont étudiés depuis plusieurs années. La nouveauté, est que l’on dispose de mesures associées à un travail sérieux qui démontrent que ces écoulements sont constitués de saumures : on répond donc au pourquoi, à savoir comment de l’eau liquide peut subsister à la surface suffisamment longtemps pour faire les fameuses traces sombres. Certes, on peut dire que l’annonce de la NASA prend l’eau en ce sens qu’elle est moins spectaculaire que spéculée par certains, mais elle prend aussi l’eau en ce sens qu’elle adresse bien la problématique de l’eau liquide sur Mars ! En fait, l’intéressant réside ailleurs. On a donc des perchlorates hydratés qui coulent sur Mars. Mais d’où vient cette eau ? S’agit-il d’eau mélangée au sous-sol sous forme de glace comme on l’envisage depuis longtemps ? Ou bien les perchlorates piègent-ils l’humidité contenue dans l’air martien comme cela a été évoqué lors de la conférence de presse ? Ce serait très intéressant car Mars serait alors une planète moins aride que ce qu’on pensait jusqu’à maintenant !

Enfin, la présence d'eau sur la planète rouge est-elle susceptible de favoriser la présence d'une vie comparable à celle sur Terre ?

Cette eau là pas vraiment. Chargée de perchlorates comme elle doit l’être, on ne peut pas dire que ce soit un environnement favorable au vivant, même si des organismes extrémophiles pourraient, conditionnel fortement de rigueur, s’en accommoder. Les perchlorates sont toxiques et certains font même d’excellents carburants pour fusées ! Pas vraiment la recette idéale pour la vie… Surtout, ces écoulements sont trop épisodiques pour laisser le temps aux mécanismes du vivant d’agir. En revanche, en étant plus général, on peut constater que l’eau est peut-être plus présente sur Mars que ce que l’on pouvait théoriser de façon prudente. Or, la vie telle que nous la connaissons a besoin d’eau liquide. Le rover Curiosity a de plus déjà démontré que de l’eau liquide, sans perchlorates, avait coulé sur la planète rouge il y a fort longtemps, voici environ 3 milliards d’années lorsque les conditions de température et pression étaient différentes. Mars a donc été habitable, mais pas forcément habitée, nuance importante. Malgré tout, on voit très bien que les missions successives apportent chacune des pièces du puzzle martien. Rien que la preuve que des microbes ont pu par le passé se développer sur Mars serait d’une importance capitale : on démontrerait alors que la vie a éclos ailleurs que sur Terre.

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