Ces animaux qui sont réceptifs aux mathématiques et qui savent même compter <!-- --> | Atlantico.fr
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Les chevaux sont capables de compter.
Les chevaux sont capables de compter.
©Gianni Giansanti / Agence Sygma

Singes savants

Le calcul et le dénombrement ne sont pas des propriétés spécifiques à l'homme. De nombreuses études ont permis de démontrer l'existence de capacités numériques diverses chez plusieurs espèces animales.

Il semblerait que compter ne soit pas l'apanage de l'homme seulement, certains animaux seraient, eux aussi réceptifs aux mathémiques et certaines races meilleurs que d'autres. Petit tour d'horizon d'histoires ou d'études scientifiques qui ont mis en avant ces capacités hors norme.

Wilhelm von Osten et son cheval Hans sont sans doute les plus célèbres. En 1891, ce professeur à la retraite décide d'enseigner les mathématiques à son cheval.  Il commence avec de simples additions et soustractions. Hans donne ses réponses en tapant du sabot. Le retraité allemand s'aperçoit vite que son champion peut faire encre plus fort. Il propose donc à l'animal de résoudre multiplications, divisions et autres fractions. Petit à petit la réputation de l'animal s'étend en Europe et attirent curieux et sceptiques. 

Au final, le conseil allemand de l'éducation enquête même sur le cas de ce cheval. Le psychologue Oskar Pfungst fait passer des tests à Hans pour mesurer ses capacités. Ces exercices répétés mettent au jour qulque chose de louche : la personne qui pose la question au cheval doit connaître la réponse. En définitive, Hans répondait à des signes non verbaux de son propriétaire comme des mouvements de tête lorsqu'il était tout proche de la bonne réponse.

Mais, il en fallait plus pour décourager von Osten qui continua ses tours en compagnie de son fidèle cheval, partout à travers l'Allemagne devant un public conquis. Mais les scientifiques spécialistes n'ont pas été convaincus et ont continué leurs recherches. Depuis lors, il a été constaté que le comptage est une combinaison de plusieurs compétences, dépendantes les unes des autres.

(photo Wikimedia)

D'autres animaux sont ainsi capables de "compter". Les lions du parc national du Serengeti en Tanzanie ont ainsi la capacité à se rendre compte s'il manque un des leurs dans le groupe. Karen McComb, une scientfique anglaise de l'Université du Sussex, à Brigthon, a pu mettre en avant la capacité des lionnes à dénombrer leurs adversaires. Ainsi, elles n'attaquent que celles dont le groupe comprend moins de membres. Elle a diffusé des rugissements d'autres groupes de fauves et les cinq femelles se sont précipitées vers le groupe qui ne comptait que trois adversaires. Les animaux vivant et se déplaçant en groupe doivent aussi savoir s'il y a des absents. Ce n'est ici pas une question de talent, mais bien une capacité vitale dont il s'agit. Car, en dénombrant leurs adversaires, ils évaluent leurs chances de réussite, selon la chercheuse.

(photo Pixabay)

De son côté, le Dr Timofieff a procédé à diverses expériences avec des chevaux, des chiens, des chats, des oiseaux, etc. Il raconte l'histoire d'un chien qui comptait les os qu'on lui donnait. L'animal avait pour habitude de les cacher en des endroits différents. Un jour, le docteur lui en présenta vingt-six que l'animal enterra immédiatement en vingt-six cachettes. Le jour suivant, on ne lui donna rien à manger et on le laissa dans le jardin. L'animal, ayant faim, se mit à déterrer ses os. Après qu'il en eut sorti dix, il s'arrêta quelques minutes, semblant réfléchir au chiffre des os qu'il lui restait encore à déterrer puis il recommença à chercher. Cette fois-ci, il retira ses os un par un jusqu'au nombre de neuf et, après quelques instants de réflexion, il en exhuma encore six autres. Il considéra alors sa tâche comme terminée car il s'installa pour faire un somme. Mais soudain, se ravisant, comme s'il s'était souvenu qu'il lui restait encore un dernier os, il se leva, courut au jardin et finalement revint, rapportant le vingt-sixième os. 

(photo Wikimedia)

Autre exemple rapporté par le scientifique Brian Butterworth de l'University College de Londres au Royaume-Uni. Les animaux utilisent aussi leur capacité à compter pour trouver un compagnon de la bonne espèce. Ainsi, puisqu'elles se ressemblent souvent physiquement, les grenouilles comptent le nombre d'impulsions dans leur croassements. Ces animaux évaluent aussi la durée et le volume des cris de leurs congénères. Si les grenouilles comptent pour s'accoupler, les abeilles vont se servir de ce don pour les aider à se repérer.

(photo Pixaby)

Une abeille "ouvrière" vole de sa ruche à la recherche de nourriture. Une fois qu'elle a récolté assez de pollen, elle doit rentrer. Dans les années 1990,des scientifiques ont placé structures de tentes le long des itinéraires des abeilles. Ces derniers ont constaté que les abeilles se rappelaient leur chemin en comptant le nombre de points de repère situés entre la nourriture et la ruche. 

(photo Pixaby)

Les oiseaux, de manière générale sont également meilleurs que la plupart des mammifères en matière de comptage. Si l'on montre à des corvidés (famile des corbeaux) un écran contenant un certain nombre d'objets, ils peuvent alors trouver un dessin représentant des objets différents mais contenant la même quantité. De même, les merles de Nouvelle-Zélande deviennent manifestement contrariés s'ils sentent qu'ils ont été floués sur leur nourriture.

Mais, le plus célèbre des oiseaux "savants" est Alex. Irene Pepperberg est une éthologue qui étudie les capacités cognitives des animaux, mais ses travaux portent particulièrement sur la compréhension du langage humain par les perroquets. En effet, elle a travaillé avec un gris du Gabon, Alex, de 1977 à 2007. Le Dr Pepperberg a acheté Alex dans une animalerie à Chicago lors de ses recherches à l’Université Purdue. L’entraînement qu’utilisait Pepperberg était basé sur une technique de modèle/rival.

Le vocabulaire d’Alex comportait environ 150 mots qu’il utilisait régulièrement et comprenait plus de 1000 mots. Le plus surprenant, ce n’est pas le nombre de mots qu’il connaissait, mais le fait qu’il comprenait réellement le sens des mots et qu’ils les utilisaient de façon constructive dans une conversation. Durant les travaux de Pepperberg, Alex devait répondre à certains objectifs comme prêter attention aux différences entre deux objets dont la couleur, la forme. la taille ou la matière. Au total, il pouvait également compter jusqu’à six, incluant le zéro. Le 6 septembre 2007, Alex est mort, à l'âge de 31 ans. Il aura donc été un objet d'études durant trente ans.

Malgré tout, cet animal si intelligent qu'il soit, trouvera toujours des espèces meilleures que lui en calcul, tels les poussins.

(photo Wikipedia)

En effet, les poussins sauraient compter à peine sortis de l'oeuf. Les poussins, à seulement 3 jours d'existence, peuvent identifier des quantités plus ou moins grandes. C'est le constat de Rosa Rugani de l'Université de Padoue en Italie qui a présenté des preuves, en janvier 2015, que le comptage de ces volatiles va beaucoup plus loin. L'Italienne pense que les poussins comptent par ligne allant de gauche à droit comme les hommes. Et cette découverte est une grande première. 

Pour parvenir à ces résultats, la scientifique a montré à 60 poussins nouveau-nés une carte avec cinq points afin qu'ils se familiarisent avec cette dernière. Plus tard, si on leur montrait une carte avec seulement deux points, ils se dirigeaient vers la gauche, alors que si on leur montrait un plus grand nombre, ils marchaient vers la droite. Mais l'expérience s'arrête là car pour le chiffre 20 qui est double, cela ne fonctionne pas puisque les bébés vont à gauche.

Mais, en juin 2015, Christopher Harshaw de l'Université d'Indiana à Bloomington a démontré que l'étude de Rugani était faussée. Il souligne que les poussins nouveaux nés montrent souvent des capacités innées à tourner à gauche ou à droite, et cela aurait faussé les données. Plus récemment, Samuel Shaki de l'Université Ariel en Israël s'est également montré sceptique. En août 2015, il a fait remarquer que les poussins associent la densité à leur côté droit, et la légèreté, à la gauche.

Ainsi, pour l'instant on ne sait pas si les poussins peuvent vraiment concevoir une ligne numérique mentale. 

(photo Pixaby)

Sans surprise, les capacités des singes sont proches de celles des hommes. Tetsuro Matsuzawa de l'Université de Kyoto, au Japon, a étudié les primates pendant quarante ans. Il a montré en 1985 la capacité d’association de symboles (pour des chiffres arabes) chez le singe, correspondant à la taille de collections comportant de 1 à 6 objets. Il réitère l’expérience en 1991 jusqu’à la taille de 9 objets. De son côté, le "singe savant" Sheba associe aussi des symboles en chiffre arabe à des collections d’objets mais on voit chez ce singe les prémisses de la compréhension de la cardinalité : lorsque les collections sont trop grandes (à partir de trois objets), le singe essaie de manipuler ces objets, les sépare puis les regroupe, etc…

Le scientifique japonais était proche d'Ai, une femelle chimpanzé de 39 ans. Dans les années 1980, cette dernière est devenue le premier animal à compter en utilisant des chiffres arabes : elle comprenait des symboles comme "1" et "2" . Elle a appris à regarder un écran de points sur un écran d'ordinateur, et appuyez sur le symbole numérique pour désigner le nombre de points indiqués. Elle réussissait à associer le chiffre 5 à cinq pommes sur une image.

Les chimpanzés peuvent aussi réaliser des opérations mathématiques s'ils ont une récompense au bout, comme du chocolat à grignoter comme l'a démontrée une expérience menée en 1987. Les chercehurs ont présenté deux bols avec chacun une quantité de chocolat. Pour recevoir la récompense, les chimpanzés ont dû compter, comparer et correctement juger quel bol avait la plus grande quantité. Et ils ont réussi, avec après l'effort, le réconfort d'un bon chocolat.

(photo Wikipedia)

Que ce soit les humains ou les chimpanzés, selon Butterworth, la capacité de compter réside dans la même partie du cerveau appelée le néocortex. Ce n'est autre que la couche extérieure des hémisphères cérébrauxLe néocortex (ci-dessous) constitue la matière grise. Le sillon intrapariétal, présent chez les primates et chez les hommes, est impliqué dans le traitement numérique. 

(photo Wikipedia)

Mais cette explication seule ne peut suffire puisque les amphibins n'ont pas de neo-cortex et on l'a vu les grenouilles peuvent "compter". Ces dernières utilisent en effet, la partie auditive de leur cerveau. De même, une étude a prouvé, en 2015, que des neurones spécifiques dans le cerveau des oiseaux sont utilisés pour dén ombrer. Helen Ditz de l'Université de Tübingen en Allemagne a constaté que les corbeaux possèdent ces neurones spécifiques dans une région connue sous le nom "endbrain" que les êtres humains n'ont pas.

Des mystères demeurent donc quant à la capacité des animaux à compter. Si les animaux qui savent compter ont quelque chose en commun et cela ne se trouve pas dans leur anatomie , mais il pourrait être dans leur ADN. En théorie il y a tout de même un peu de matériel génétique commun, qui serait primordial pour permettre à l'animal de compter et cela daterait d'une époque où les ancêtres des hommes n'étaient encore que du poisson. Butterworth espère encore trouver des réponses en étudiant le poisson zèbre. Certains poissons zèbres sont en effet intrinsèquement meilleurs avec les chiffres que d'autres, tout comme les humains , et il veut savoir ce qui sépare ces poissons les uns des autres. Son but est de trouver un mécanisme commun qui permet à tous les animaux, du poisson aux humains, de compter.

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