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Les risques d’AVC et de maladies cardiovasculaires augmentent lorsqu’on travaille plus de 55 heures par semaine.
Les risques d’AVC et de maladies cardiovasculaires augmentent lorsqu’on travaille plus de 55 heures par semaine.
©Pixabay

Travailler plus...

Une vaste étude publiée ce jeudi 20 août dans la revue médicale britannique The Lancet a analysé les données fournies par d'autres recherches portant sur 600 000 personnes originaires d’Europe, des États-Unis et d’Australie.

Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico : Une vaste étude publiée, ce jeudi 20 août dans la revue médicale britannique The Lancet, a analysé les données fournies par des études portant sur 600 000 personnes originaires d’Europe, des États-Unis et d’Australie, des chercheurs ont découvert que travailler plus de 55 heures par semaine augmentait de 33 % le risque de faire un AVC et de 13 % celui de développer une maladie des coronaires (les artères nourricières du cœur) par rapport à un travail hebdomadaire de 35 à 40 heures. Pourquoi ce stade est-il fatidique ?

Christophe de Jaeger : Le premier élément à souligner est l’importance du travail publié. Il repose sur plus de 600000 personnes actives et relie un paramètre simple à mesurer (le temps de travail) et des maladies extrêmement graves que sont les maladies cardio-vasculaires et en particulier les accidents vasculaires cérébraux. Il faut rappeler que les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de morbidité et de mortalité dans nos pays occidentaux. En réalité, pour répondre à votre question, si l’on regarde le détail des chiffres publiés, on se rend compte que le risque minimum d’accidents cardio-vasculaires existe pour une durée de travail de 35-40h et va ensuite progressivement en augmentant jusqu’à atteindre un maximum (et le seuil de significativité statistique) chez les personnes travaillant plus de 55 heures par semaine. Ce risque augmente également pour les personnes travaillant moins de 35h par semaine, mais cette augmentation n’atteint pas le seuil de significativité statistique. En revanche, dès que l’on atteint le seuil des 55 heures hebdomadaires, alors la différence par rapport à une population qui travaille entre 35 et 40 h devient excessivement significative.

En France, seuls 8,7 % d’employés réalisent plus de 50 heures de travail par semaine, selon des chiffres publiés en avril par l’OCDE. Le lien entre heures de travail et maladies cardio-vasculaires n'est-il pas plutôt lié à un rapport au stress, et ainsi être capable de toucher aussi bien une population travaillant moins que 55 heures, mais avec un niveau de stress élevé ?

Le stress, et en particulier lorsqu’il devient chronique, est un authentique facteur de risque favorisant la survenue des maladies cardio-vasculaires (accidents vasculaires cérébraux et maladies coronariennes, des cancers, des maladies neuro dégénératives telle que la maladie d’Alzheimer). Le stress agit par lui-même en modifiant nos équilibres physiologiques, fragilisant l’organisme et en favorisant son vieillissement que l’on peut évaluer objectivement par la mesure de l’âge physiologique. Les personnes stressées chroniquement vont vieillir plus vite et être plus victimes des maladies chroniques menant à terme à la perte d’autonomie. Mais le stress chronique mal géré est également à l’origine, en partie ou totalement, des autres facteurs de risque cardio-vasculaires que sont le tabagisme, le surpoids, l’hypertension artérielle, la sédentarité, le diabète, etc…

La durée du travail n’est pas en soi un facteur de risque cardio-vasculaire. En revanche, il existe des comportements délétères très marqués dans la population travaillant régulièrement plus de 55 heures par semaine et liés au stress : la sédentarité, le surpoids, la consommation en excès de sucres et de boissons alcoolisées, etc… D’autre part, il n’existe pas de différence entre homme et femme. Les risques sont les mêmes. Ce stress aux conséquences si désastreuses sur la santé des gens n’est évidemment pas réservé aux employés travaillant plus de 55 heures par semaines. Le stress peut toucher également des personnes à mi-temps, des personnes au chômage, du fait du risque de précarité. On peut donc dire que dans une situation pathogène donnée (le stress), plus on y est exposé, plus les risques de maladies augmentent.

La vraie nouveauté de cette étude publiée dans le Lancet est de faire apparaitre la durée du travail comme un vrai indicateur de risque d’accident médical devant nécessiter des mesures de dépistages et de prise en charge plus poussée que dans les populations travaillant entre 35 et 40 h par semaine.

Comment peuvent se prémunir les personnes concernées par un telle charge de travail ?

La durée du travail en elle-même n’est pas la cause des maladies. On peut travailler énormément, être en bonne santé et bien vieillir. En revanche, cela implique de ne pas tomber dans les pièges de cet allongement de la durée de travail. Il faut également rappeler que travail, pas plus que durée de travail ne sont synonymes de stress. On peut, faut il encore le rappeler, ne pas travailler, ou travailler peu, et être extrêmement stressé par cette situation, si évidemment, elle n’est pas désirée.

Le stress entraine toute une série de comportements délétères contre lesquels il faut lutter activement. Cette prévention active qui est au cœur de notre métier de médecin physiologiste. Le premier comportement délétère est certainement la sédentarité. Le travail prend du temps et lorsqu’il est stressant, il va devenir obsédant et remplir votre vie de telle façon que vous n’avez plus de temps pour aucune autre activité et en particulier, une activité physique. Parfois, ce n’est pas qu’une question de temps, mais également d’énergie : après une journée de travail, on n’a plus qu’une envie, c’est de prendre un « verre » et tenter d’oublier… Cette sédentarité va conduire au surpoids et ceci d’autant plus facilement qu’avec le stress, on va plus facilement vers des aliments sucrés… et souvent en grignotant, apportant ainsi à l’organisme une importante quantité de calories inutiles. Le cercle vicieux commence. A cela va s’associer des troubles du sommeil, de la sexualité, du couple… qui chacun vont s’aggraver l’un l’autre, menant à terme aux maladies (hypertension artérielle, hypercholestérolémie, diabète…), puis en final, aux accidents de santé.

Les solutions existent, mais nécessitent avant tout une vraie motivation de la personne à aider. Car le plus souvent les simples conseils du genre « faites du sport, mangez moins, ne buvez plus » ne suffisent pas, voire découragent. Avec une prise en charge adaptée, en se fixant des objectifs raisonnables et personnalisés, on peut totalement modifier le profil à risque de ces travailleurs, les rendant le plus souvent plus efficaces. Et n’oublions pas : plus efficace, rime avec une durée de travail nécessaire plus faible.

Il existe plusieurs niveaux de prise en charge : la lutte contre la sédentarité est un élément important du risque. Il faut donc bouger, reprendre ou augmenter une activité physique, et cela, régulièrement. Une activité physique régulière va non seulement diminuer le risque de maladie cardio-vasculaire, mais également avoir un effet anti stress en soi. Il faut savoir diminuer sa prise d’alcool (idéalement l’arrêter). Manger plus sainement… Avoir des pensées positives… Tout cela s’organise et il faut savoir accepter une aide pour évaluer son risque personnel et mettre en place les bonnes stratégies, qui encore une fois, sont toujours très personnelles.

Quels sont les autres principaux facteurs de risques des maladies cardiovasculaires ?

Les grands facteurs de risques de maladies cardio-vasculaires sont l’hypertension artérielle, la tabac, l’hypercholestérolémie, le diabète, la surcharge pondérale, la sédentarité et comme lien fort et aggravant de ces différents états : le stress. On peut agir sur tous ces facteurs indépendamment, mais agir sur le stress serait de loin la stratégie la plus intéressante, car on le retrouve dans presque tous les autres facteurs de risque. Le stress conduit à l’hypertension artérielle, le stress conduit à la surcharge pondérale, qui favorise l’hypertension, le diabète…

Nous avons médicalement des prises en charge très efficaces contre des maladies telles que l’hypertension artérielle, ou le diabète. Mais le vrai intérêt est d’intervenir avant la survenue de tels troubles. Tenir compte de la durée de travail comme élément de dépistage, par exemple, pour la médecine du travail me parait très important. Mais avant de penser à la médecine, cette durée du travail doit également être un indice pour la personne elle-même. Travailler trop vous prive de nombreux plaisirs de la vie qui contribue à notre bonheur et à notre santé. Chacun doit y penser pour soi.

Pour terminer, cette étude nous confirme très largement l’implication du stress dans les maladies cardio-vasculaires, mais en la liant au temps de travail, elle peut permettre d’utiliser ce paramètre comme signal d’alerte pour la personne elle-même et pour la médecine du travail afin de mettre en place des stratégies de dépistage et d’actions afin de réduire le risque de maladies qui comme je l’ai déjà dit, ne sont pas que cardio-vasculaire, mais également cancéreuse et neurodégénérative (maladie d’Alzheimer).

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