"La Capacité de s'aimer", de Elsa Cayat : comment la technologie peut devenir le bras armé de l'obscurantisme <!-- --> | Atlantico.fr
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La technologie peut devenir le bras armé de l'obscurantisme.
La technologie peut devenir le bras armé de l'obscurantisme.
©Reuters

Bonnes feuilles

L'ultime livre de la "psy de Charlie Hebdo", assassinée lors de la tuerie du 7 janvier. Pour pouvoir aimer l’autre et être aimé, il faut d’abord être capable de s’aimer soi-même. Un bréviaire anti-haine, pour ne plus vivre dans un monde "déshabité". Extrait de "La Capacité de s'aimer", de Elsa Cayat et François-Xavier Petit, publié aux éditions Payot (1/2).

Elsa  Cayat

Elsa Cayat

Elsa Cayat, psychanalyste, est l'auteur de "Le désir et la putain" (avec Antonio Fischetti) et de "Un homme + une femme = quoi ?"

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Or, c’est précisément de cette non-mise en question du savoir, de sa simple application pratique, que le technicien peut prendre le savoir utilisé pour un savoir incarné. C’est à ce joint que se branche la technocratie dont les « experts » sont les nouveaux prêtres. Et si le technocrate se nie au point de sacrifier sa pensée, le bénéfice qu’il tire de cette négation est son identification au pouvoir absolu qu’il prête à tort à tel ou tel savoir scientifique dont il instrumentalise des fragments pour faire autorité et faire ainsi entrer l’homme dans un système réifié, en annihilant toute possibilité de contradiction. C’est par la fétichisation du savoir qu’il peut faire croire qu’il n’y a pas d’alternative à la position choisie. C’est en cela d’ailleurs que l’idéal technocratique contient en lui-même un potentiel de dérive totalitaire.

Mais en quoi l’idéal technocratique, guidé par une exclusion de la pensée si antinomique à la science, parvient-il à aspirer la science derrière laquelle il s’abrite ? Au nom de la preuve, au nom « du savoir scientifiquement prouvé », ce qui l’érige en mythe. La technique parvient à se substituer à la science, en mettant le dernier mot de la science dans la preuve expérimentale,c’est-à- dire dans la technique, en reléguant à un épiphénomène ce qui fait le centre, la palpitation de la démarche scientifique, à savoir la réflexion. Par quoi elle occulte que la « preuve » ne peut en aucun cas démontrer que l’ensemble de la théorie sous-tendant une hypothèse sur le fonctionnement du réel est totalement vrai.

C’est d’ailleurs en cela que les autres formes de recherche scientifique non fondées exclusivement sur l’expérimentation sont invalidées par l’idéal technocratique. Les types de connaissances discursives argumentés sont trop complexes pour être simplement instrumentalisés à des fins de pouvoir. Un pouvoir qui ne peut devenir ici qu’un pouvoir d’exclusion de tout ce qui ne rentre pas dans les rails du savoir fragmentaire, utilisé comme mots d’ordre auxquels l’homme est censé se soumettre sans discuter.

Extrait de "La Capacité de s'aimer", de Elsa Cayat et François-Xavier Petit, publié aux éditions ©Editions Payot & Rivages, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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