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Films, séries : de quelles angoisses  les zombies sont-ils l'exutoire ?
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Bonnes feuilles

Visages et corps décharnés, titubant à travers les villes, marchant comme des somnambules : dans l’imaginaire occidental, les zombis suscitent l’effroi et servent d’exutoire aux angoisses et aux fantasmes les plus crus et parfois les plus farfelus.Ces morts-vivants, qui ont pour patrie d’origine Haïti, nous fascinent, nous inquiètent, tout en excitant notre curiosité. Qui sont-ils au juste ? D’où viennent-ils ? Existent-ils seulement ? Avec son double regard de médecin légiste et d’anthropologue, Philippe Charlier a enquêté en Haïti, interrogeant des prêtres vaudou, assistant à des funérailles, observant des rituels, inspectant des cimetières, et examinant avec ses collègues des patients considérés comme zombis. Extrait de "Zombis-Enquête sur les morts-vivants", de Philippe Charlier, publié chez Tallandier éditions (1/2).

Philippe Charlier

Philippe Charlier

Philippe Charlier est maître de conférences des universités (UVSQ), chercheur au Laboratoire d’Éthique Médicale et de Médecine Légale (EA 4569, Paris-Descartes) et praticien hospitalier (AP-HP, CASH de Nanterre). Il est spécialisé en médecine légale et en anthropologie.

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Depuis bientôt un siècle, les zombis ont servi d’archétype à la crainte du retour des morts. Ils représentent autant la personnalisation des altérations physiques post mortem (normalement invisibles car cantonnées à l’intérieur du cercueil) que la crainte des erreurs de diagnostic de décès (fausse déclaration de mort avec inhumation injustifiée).

Dans l’imaginaire occidental, ils ont servi d’exutoire aux angoisses et aux fantasmes les plus crus et parfois les plus farfelus. D’abord limités à la zone géographique des Caraïbes, les zombis vont ensuite devenir un copier/coller du mythe du vampire, et se diffuser massivement au continent nord-américain. Pour preuve, la profusion de films ou de séries télévisées ayant trait au phénomène des zombis, principalement issus de l’industrie cinématographique américaine : Vaudou. I walked with a Zombie (Jacques Tourneur, 1943), La Nuit des morts-vivants (George A.Romero, 1968) qui s’érige en parabole des maux de l’Amérique, la saga ResidentEvil, la série télévisée The Walking Dead (cinq saisons au total, et un véritable succès planétaire), etc.

Mais ces êtres monstrueux n’ont en fait rien à voir avec le véritable zombi, celui du vaudou haïtien. Ils représentent plutôt une sorte d’actualisation du mythe médiéval du spectre putréfié (le « revenant putride ») : ces morts-vivants sortent de terre, poursuivent hors le sol leur putréfaction et transforment les humains en zombis par simple contact ou morsure. Pour survivre, ils doivent tantôt manger des cerveaux, tantôt sucer du sang… Comme si la zombification était une maladie transmissible, sorte d’allégorie moderne de la peur ancestrale de la peste.

Le terme zombi revêt trois significations assez proches les unes des autres :

La première, qui n’est plus acceptée dorénavant, renvoie aux petits enfants morts sans baptême, dont on capte l’âme pour se porter chance.

La deuxième correspond à un esprit fantôme qui, volé au cadavre au moment de sa mort, circule, détaché d’un corps, comme une âme errante. Il peut être de forme humaine ou n’avoir aucune forme particulière, comme un nuage animé.

Enfin, le dernier type – et le plus communément admis – est l’individu à qui un poison a été administré, qui le met dans un état cataleptique. On le fait alors passer pour mort et on l’enterre, avant de l’exhumer du cimetière deux ou trois jours plus tard pour le produire comme zombi.

Avec un double regard médico-légal et anthropologique, il m’a semblé intéressant de repartir aux sources : pourquoi Haïti, cette île des Caraïbes, s’inscrit-elle dans l’imaginaire collectif comme le territoire historique des zombis ? À quoi correspondent les zombis ? Se résument-ils à de simples victimes d’un poison animal ? Ne sont-ils qu’une création littéraire reprise par l’industrie cinématographique ? Jouent-ils un rôle social, moral ou politique ? Les travaux de Wade Davis, un ethnobotaniste nord-américain, ont défriché le sujet dans les années 1980 en identifiant une molécule mise en cause dans la zombification. Mais la recherche avance-t‑elle encore ? L’étude médicale et scientifique de nouveaux cas de zombis permet-elle d’en savoir plus sur le processus de leur « fabrication » ? Je suis donc parti réaliser une enquête anthropologique sur les traces de ces êtres entre deux mondes. Une enquête anthropologique entre vie et mort.

Extrait de "Zombis-Enquête sur les morts-vivants", de Philippe Charlier, publié chez Tallandier éditions, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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