Les réseaux sociaux meilleurs que ce qu'on imaginait pour la vie sociale réelle des ados<!-- --> | Atlantico.fr
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Facebook, Twitter ou encore les jeux de rôle en ligne multijoueurs semblent même essentiels au bon déroulement de la socialisation de la jeunesse.
Facebook, Twitter ou encore les jeux de rôle en ligne multijoueurs semblent même essentiels au bon déroulement de la socialisation de la jeunesse.
©Reuters

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Loin d'être aussi néfastes pour la socialisation de nos jeunes qu'on le croyait, les réseaux sociaux seraient d'incroyables outils pour les aider à mener leur vie sociale. D'après une récente étude, Facebook, Twitter ou encore les jeux de rôle en ligne multijoueurs semblent même essentiels au bon déroulement de la socialisation de la jeunesse.

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini est docteure en sociologie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et et actuellement chercheuse invitée permanente au CREM de l'université de Lorraine.

 

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Atlantico : D'après le Pew Research Center, les réseaux sociaux n'auraient pas autant d'inconvénients qu'on pourrait le croire, pour la vie sociale des adolescents. L'étude menée par le Pew Research Center fait état du constat inverse : internet et ses plateformes sociales (forums, Facebook, etc) auraient de nombreux effets bénéfiques. Internet permet-il réellement de consolider des relations existantes ? Comment ?

Nathalie Nadaud-Albertini :Les réseaux sociaux fonctionnent comme des intensificateurs de la socialisation existante. En effet, cela permet d’être ensemble même quand on est séparé par la distance physique. C’est-à-dire que les différentes plateformes sociales permettent de communiquer à son réseau ce que l’on vit, au moment où on le vit, et d’obtenir des réponses en temps réel. Les échanges et le partage d’expérience sont donc intensifiés. Qu’il s’agisse d’événements importants dans la vie des ados ou nettement plus anodins. En effet, l’activité sur les réseaux sociaux peut se limiter à « traîner ensemble », c’est-à-dire à passer du temps ensemble en partageant des éléments de vécu et de ressenti anodins, ou à partager des moments plus importants comme ce qui entoure le résultat d’un examen par exemple.
Ce vivre ensemble à distance n’était pas possible avant Internet. En effet, il y avait le téléphone, mais il ne permettait pas de garder le contact en permanence, car on ne pouvait pas appeler sans cesse. Tout d’abord, parce que cela revenait cher. Ensuite, parce que cela dérangeait les familles en occupant les lignes des deux domiciles. Egalement parce que les règles de savoir-vivre interdisent de téléphoner chez quelqu’un au-delà d’une certaine heure. Ou encore parce que le téléphone peut manquer d’intimité : un tiers peut toujours entendre ce qui se dit au cours d’une conversation à haute voix alors qu’il est plus difficile de suivre des échanges s’effectuant par écrit, comme sur Internet. Actuellement, les ados peuvent donc se livrer plus facilement sur les plateformes sociales que ceux des générations précédentes qui avaient au mieux le téléphone à leur disposition. Cette communication plus aisée contribue à renforcer les liens existants.

Un des mérites qui est mis en avant est la possibilité de créer de nouvelles relations au travers des réseaux sociaux. Néanmoins, sans avoir jamais rencontré quelqu'un, est-il possible de construire une relation, ou un lien durable ? 

Construire une relation durable avec une personne que l’on rencontre via les réseaux sociaux est tout à fait possible. Cela procède par étapes.
Souvent le premier contact se fait par le biais d’un centre d’intérêt commun qui fédère une communauté numérique. Les échanges commencent en ligne. Puis, percevant qu’elles ont des affinités dépassant l’intérêt commun, les personnes vont passer aux échanges privés. Si elles constatent qu’elles s’apprécient réellement, elles vont échanger leurs numéros de portable. Puis, viendra la première rencontre IRL (« in real life »). Parfois, elle se révèle rédhibitoire parce que les personnes avaient imaginé l’autre différemment que ce qu’il est. Parfois, elle s’avère fructueuse. Si les deux personnes résident suffisamment près l’une de l’autre pour se voir régulièrement, on se retrouve alors dans la même situation qu’une rencontre qui se serait effectuée sans les réseaux sociaux. Il y a de belles relations d’amitié ou parfois d’amour qui se créent ainsi. En fonction des degrés d’affinité avec les différents membres de la communauté numérique fédérée par un centre d’intérêt, elles décideront ou non de leur faire part de leur degré de leur intimité. Souvent, cela se fait au cas par cas, car il y a différents cercles  de proximité sur les plateformes numériques.

Quelles sont les raisons qui peuvent pousser les jeunes à passer par internet plutôt que par des méthodes de socialisation plus traditionnelles ? L'arrivée seule de ce nouvel outil a-t-elle suffit à tout changer ou fait-on face à d'autres pressions (financières, sociales, géographiques, familiales) en parallèle ?

En fait, Internet permet de passer outre certaines contraintes qui empêchent les ados de se rencontrer physiquement. Il peut s’agir de contraintes géographiques. Par exemple, deux amies n’habitant pas dans la même région ou le même pays ne peuvent pas se voir physiquement tous les jours, mais les réseaux sociaux leur permettent de rester en contact quotidiennement, ce qui était impossible avant Internet puisque seuls les échanges par téléphone et par courrier étaient possibles.
Les contraintes financières entrent également en ligne de compte. Je reprends l’exemple des deux amies vivant dans des zones géographiques éloignées. Se rencontrer physiquement implique de voyager, ce qui a un coût financier et donc limite inévitablement les rencontres. Les réseaux sociaux permettent de maintenir le lien entre les moments où elles vont se voir IRL.
Il existe également des contraintes sociales et familiales au sens où les parents actuels vont être plus inquiets que les parents des générations précédentes de savoir leurs enfants dehors. Ils ont davantage le sentiment que l’environnement dans lequel ils vivent n’est pas sûr, de sorte qu’ils craignent ce qui peut arriver sur le trajet (accident ou attaque) et limitent davantage les sorties de leurs enfants.

Finalement, faut-il voir la socialisation au travers des réseaux sociaux comme le futur des relations sociales ou plutôt comme un complément à des méthodes plus traditionnelles ? Pourquoi ?

Je pense qu’il s’agit davantage d’un complément de socialisation que d'un substitut, et ce pour plusieurs raisons. La première tient au fait que si l’on pousse jusqu’au bout l’hypothèse de relations sociales s'effectuant uniquement via les réseaux sociaux, on aurait un monde où soit les personnes ne sortiraient plus de chez elles, soit elles ne se parleraient plus de visu. Cela ressemble bien plus à un scénario de science-fiction qu’à quelque chose de plausible. Car les jeunes se rencontrent physiquement tous les jours, ne serait-ce que parce qu’ils vont au collège ou au lycée ou à la fac.  
La seconde raison concerne le fait que les relations via les réseaux sociaux entraînent une perception différente de ce que sont les personnes dans la vie quotidienne. D’une part, parce que, consciemment ou non, sur les plateformes numériques chacun procède à une mise en scène de soi. D’autre part, parce que chacun fait une sorte de projection sur l’autre en complétant par l’imagination certaines informations non communiquées. Par conséquent, lorsque deux personnes qui se connaissent par le biais de réseaux sociaux se rencontrent physiquement, la première impression est souvent un sentiment de décalage. C’est pourquoi, pour nouer un lien durable et capable de s’enrichir avec le temps, il est préférable que la rencontre IRL ne se fasse pas trop attendre, sinon le sentiment de décalage est trop fort et constitue un frein à la relation.

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