Duel au sommet : le Japon accepte de relever le défi posé par les Etats-Unis pour une bataille géante de robots<!-- --> | Atlantico.fr
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Un combat de robots va avoir lieu entre le Japon et les Etats-Unis.
Un combat de robots va avoir lieu entre le Japon et les Etats-Unis.
©Reuters

RoboCop vs Goldorak

Provoquée par Megabots, une startup américaine spécialisée dans la construction de robots, la firme japonaise Japan's Suidobashi Heavy Industry a accepté de mener un duel de robots géants. Et l'enjeu d'un tel événement est moins futile qu'il n'y paraît.

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah est écrivain et journaliste, spécialisé dans les jeux vidéo, les nouvelles technologiques, la musique et la production musicale.

Il est l'auteur de nombreux best-sellers tels que La Saga des jeux vidéos, Les 4 vies de Steve Jobs, Rock Vibrations, Le Livre de la Bonne Humeur, Bill Gates et la saga de Microsoft, etc. Daniel Ichbiah a aussi écrit : Qui es-tu ChatGPT ?

Parmi les biographies musicales écrites par l’auteur figurent celles du groupe Téléphone, de Michael Jackson, des Beatles, d’Elvis Presley, de Madonna (il a également publié Les chansons de Madonna), des Rolling Stones, etc. 

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Atlantico : Récemment, la société américaine Megabot spécialisée dans la conception de robots géants a lancé un défi à son homologue japonais Japan's Suidobashi Heavy Industry. La firme américaine a proposé un duel entre les deux robots emblématiques. Sur quel robot faut-il parier ? Pourquoi ?

Daniel Ichbiah : Les combats de robots, c'est quelque chose de relativement ancien aux États-Unis : les premières compétitions datent de la fin 1980 et début 1990. En 1994, la première émission de combat de robots est mis sur pied : il s'agit de Robot Wars, organisée par Marc Thorpe à San Francisco (Californie).
Dans cette émission, on a souvent assisté à des scènes qui pourraient rappeler David et Goliath. Les gros robots sont loin d'être toujours les gagnants. Créer un mastodonte ou un tank n'est pas nécessairement la bonne stratégie quand on sait qu'un des aspect primordiaux de ce genre de compétitions, c'est l'intelligence artificielle. Le rêve d'un robot immense et colossal, c'est un fantasme américain. Dans les faits, les véritables robots de combats ressemblent plus à des drones aujourd'hui. Un petit robot ultra-léger capable de voler pourrait tout à fait fatiguer un robot plus imposant. D'autant plus que les robots ont des points névralgiques, qu'il suffit d'endommager pour le mettre hors-circuit. Une machine montée sur roues ne peut pas se déplacer si celles-ci sont malmenées. Concevoir un robot capable d'identifier ce genre d'aspects donnerait l'avantage à la firme japonaise. 
Bien entendu, le robot japonais (qu'on a toujours pas vu) doit disposer d'une force minimale, sans quoi il se ferait rouler dessus, mais il est important de pouvoir jouer sur d'autres aspects comme la vélocité que pourrait apporter une petite taille. Cela étant, le défi étant lancé par une petite startup américaine, il est possible que d'ici à la conception du robot de Suidobashi, celle-ci n'existe plus. Dans tous les cas, créer un terminator n'est pas la solution.

Au Japon, l'imaginaire autour du robot géant est très développé. Cela pourrait-il influer le résultat du duel ? Dans quelle mesure cela a-t-il contribué à l'avancée en robotique du Japon ?

À la suite de la Seconde Guerre Mondiale, le Japon a connu une situation particulièrement humiliante. Occupé par les États-Unis de 1945 à 1952, le pays a notamment du faire face au licenciement de tous les grands directeurs d'entreprises qui avaient participé à l'effort de guerre. Dans un pays  de culture impériale ou l'obéissance est une valeur essentielle, un acte pareil est fort de symbole. Pendant ces sept ans d'occupation, le Japon s'est évadé dans un univers virtuel : c'est à partir de là que s'est développée une culture vidéoludique avec des emblèmes comme Astroboy, Godzilla ou Goldorak. Mais pendant que le Japon cherchait un exutoire dans l'imaginaire, les pays d'Europe et les Etats-Unis connaissaient une pleine excroissance qui les a ancrés dans le réel.
Peu à peu le robot est entré dans la culture japonaise, ce qui a permis d'en inonder le marché beaucoup plus facilement. Pour une majorité de la population (mondiale, cette fois), un robot c'est une machine humanoïde. Or, les robots japonais sont ceux qui s'en approchent le plus. Capable, pour parties, de reproduire des comportements humains, à même de marcher sur deux jambes (ce qui n'est pas le cas des robots américains et qui est particulièrement compliqué à réaliser), les robots japonais, du fait de leur ancrage dans la culture, ont fait l'objet de nombreux travaux. En termes de ressemblance humaine et de locomotion mécanique, les japonais sont de loin les meilleurs. Le premier robot humanoïde capable de marcher voit le jour en 1993. Il s'agit du P1 d'Honda. En 1996, le P2 est capable de descendre et de monter des escaliers. Honda indiquait avoir dépensé 100 millions de $ sur ce projet : simuler la marche humaine est quelque chose de très compliqué et les japonais ont près de 18 ans d'avance sur ce point. Un retard pareil ne se rattrape pas. Cependant, à l'inverse des États-Unis, le Japon a tendance à se spécialiser sur la réalisation de robots visant à aider et rassurer les personnes dans le besoin ; pas dans les robots de combats.

Google a fait beaucoup d'achat dans le domaine de la robotique, ces dernières années. Les progrès réalisés sont-ils aussi spectaculaires que les acquisitions ? Comment expliquer un tel retard de la part des Etats-Unis ?

D'un point de vue purement technique, les États-Unis sont profondément en retard en termes de fabrication. Ils sont incapables de réaliser des robots humanoïdes et peinent beaucoup à les faire marcher. Le meilleur exemple dont ils disposent, c'est le BigDog, un robot quadrupède qui ressemble (très vaguement) à chien, réalisé par Boston Dynamics en 2008. 
Les États-Unis restent, néanmoins, les seuls à avoir jamais réalisé un best-seller en robotique : ils sont les créateurs de Roomba, le robot aspirateur apparu en 2002. Celui s'était vendu à plus de cinq millions d'exemplaires en 2009. S'il reste très simple sur l'aspect déplacement, il est cependant bien développé en terme d'intelligence artificielle : il est capable d'éviter les objets, les meubles, les murs, les animaux de compagnie, etc. C'est l'un des aspects ou les États-Unis s'en sortent le mieux : Google, par exemple, est particulièrement avancé sur ces problématiques. C'est également le cas des drones. Fondamentalement, il s'agit d'ordinateurs mobiles, équipés de capteurs et capable de décider de son mouvement en fonction de ce qu'il perçoit.
Les recherches menées par les américains en robotique sont essentiellement à visées militaires. (BigDog a été testé en Afghanistan en 2009). Le DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) a beaucoup investi dans des projets d'exosquelette et de robot-costume, qui visent à créer un soldat du futur.

Doit-on lire dans ce duel de robots géants le fantasme de fans, ou des enjeux plus sérieux à l'image des parties d'échecs entre les Etats-Unis et l'URSS en 1945 ?

Dans la mesure ou le défi est lancé par Megabot, une startup américaine, et relevé par la Japan's Suidobashi Heavy Industry, une firme japonaise, le combat n'a rien d'un enjeu politique. C'est même, pour tout dire, un coup d'esbroufe.
Si le robot japonais s'avère être un mastodonte à l'image de son homologue américain, le combat promet d'être spectaculaire. Au moins sur les écrans. Dans les faits, le duel relèverait alors du fantasme, puisqu'une véritable utilisation des robots en combat ne repose pas sur la force. Il n'y a qu'à voir comment l'armée américaine utilise les drones dans ses interventions ! La Seconde Guerre Mondiale n'a pas été remportée que par la bombe atomique, mais aussi par l'invention du radar (qui correspond, somme toute, à de l'intelligence artificielle) qui permettait de localiser l'ennemi ! 

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