Cette recomposition de la gauche sur laquelle parie Manuel Valls pour la présidentielle 2017<!-- --> | Atlantico.fr
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Manuel Valls cherche à préempter une partie de l’électorat de droite.
Manuel Valls cherche à préempter une partie de l’électorat de droite.
©Reuters

Faites vos jeux

Alors que l’un de ses proches, Jean-Marie Le Guen, appelait récemment à une recomposition du paysage politique français, Manuel Valls cherche à préempter une partie de l’électorat de droite.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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« Croyez-moi, je connais Manuel depuis longtemps. J'ai appartenu au même gouvernement que lui et je l'ai observé. Il fait de la politique 24 heures sur 24. Aucune de ses décisions n'est désintéressée ». Celui qui s'exprime ainsi est, en effet, devenu expert en vallsologie. Il connaît son manuel sur le bout des doigts et ne cesse, chaque jour, d'y ajouter quelques annotations, une subtilité nouvellement observée, un détail non encore exploité. Depuis quelques semaines, quelques mois peut-être, une chose le fascine, plus que tout autre. Il s’agit du petit chemin de pierres blanches que semble tracer le Chef du gouvernement. Et cet ancien ministre n’est pas le seul à observer l’ouvrage. A écouter chaque déclaration, à analyser chaque décision : 49.3 dégainé pour faire adopter au forceps la loi Macron, déclaration choc reprenant l’expression venue de la droite de « guerre de civilisation », standing ovation pour saluer la mémoire de Charles Pasqua. Autant de signaux qui ne sont pas anodins. Manuel fait de la politique 24h sur 24. Mais à quoi joue-t-il ? Que prépare-t-il ?

A ce titre-là, la tribune publiée par Jean-Marie Le Guen le 21 juin dernier dans le Point, n’est pas passée inaperçue. Le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui n’est autre que le bras armé de Valls à l’Assemblée, y explique : « la question sociale n'est plus l'élément moteur de la structuration du débat politique en France. (…) Face aux principaux défis de la mondialisation, ce n'est, pour moi, rien de moins que notre modèle de civilisation qui est désormais en jeu. Et cela, sous la forme d'une interrogation centrale, non sur notre identité nationale, mais sur notre communauté de destin, et notamment certains de ses éléments les plus essentiels : notre République, notre appartenance à une unité européenne, la laïcité, les droits de l'homme, le statut des femmes, etc » Et d’opposer : « La gauche en mouvement, ouverte, offensive (qui) doit inventer un projet qui la dépasse. (Qui) doit parler à tous les Français, de gauche comme de droite (et) doit impulser, porter et animer un nouveau compromis social et républicain » à une autre gauche, issue des « partis traditionnels, et (des) formes organisées du mouvement social, trop souvent enfermés dans leurs postures, leurs grilles de lecture, (qui ) peuvent avoir tendance à (…)  projeter dans l'avenir un passé que le présent a, en réalité, déjà effacé ».

Au PS, cette tribune est immédiatement comprise comme un ballon d’essai lancé pour le compte de Manuel Valls. Dans quel but ? « Manuel a acquis la conviction que la vie politique français est à un tournant majeur, que les grandes familles politiques qui l’ont composées jusqu’alors sont en voie de dislocation », explique un député qui ajoute : « pour lui on s’oriente vers une recomposition majeure. Il considère qu’il existe aujourd’hui un bloc républicain qui va de la droite du PS à la gauche des Républicains, une droite conservatrice qui va de la droite des Républicains au FN et une gauche archaïque qui va de la gauche du PS au parti communiste ». Le rêve secret de Valls serait donc de faire bouger les lignes, de casser les codes et les partis. Bref, d’être le fossoyeur d'un système qu'il pense moribond pour en inventer un autre… à son service. Si ça n’est pas pour 2017, pour 2022 au plus tard.

« C’est bien dans l’idée de créé des alliances nouvelles qu’il est allé au clash avec les frondeurs sur la loi Macron, explique un député de la gauche du PS.  A aucun moment il n’a cherché a engagé de réelles discussions. Il a voulu marqué sa victoire sur ce qu’il considère être une gauche archaïque. Il s’est alors rapproché de l’UDI, il y a eu des discussions directes avec des émissaires envoyés par Valls. Manuel voulait montrer qu’il y avait une majorité possible en dehors du bloc socialiste ». Cette fois-là Manuel Valls a échoué puisqu’il n’a pu éviter de recourir au 49.3. L’UDI n’a pas souhaité soutenir, collectivement, le premier ministre socialiste. Mais il ne désespère pas, à force de mains tendues, réussir à séduire cette partie-là de l’hémicycle et lancer une OPA. « Il pense qu’avec son profil libéral en économie et autoritaire, il est mieux placé que Juppé pour incarner le boc républicains qu’il a théorisé », estime un élu.

Mais à trop vouloir courir après la droite, Manuel Valls fait « des choix qui froissent une partie de sa majorité, explique l’un des candidats à la primaire des Républicains qui ajoute : demander aux députés socialistes de se lever pour rendre hommage à Charles Pasqua c’était dur. On voit bien où il veut en venir et le bénéfice qu’il espère en tirer mais contrairement à lui, je pense qu’il reste de vraies différences entre la droite et la gauche modérées notamment sur les sujets de société. En matière d’éducation, par exemple, la gauche veut recruter plus de profs moi, je veux qu’ils travaillent plus ».

Manuel Valls prépare ainsi l’avenir, proche ou plus lointain. Il a peu d’espoir pour 2017 mais se doit quand même d’être prêt. « Il se dit en effet que si François Hollande ne décolle pas dans les sondages en janvier ou février, que si toutes les études le donnent perdant dès le premier tour, les députés sortants vont trouver ça flippant, il va y avoir une pression énorme du groupe qui va commencer à réfléchir à une autre solution. On peut imaginer un scénario où des élus réclament des primaires », explique un député frondeur. Mais pour ça, encore faut-il que Manuel Valls s’impose dans les sondages or, selon une étude Odoxa La Dépêche du Midi, il vient tout juste de perdre 5 points de bonnes opinions pour tomber à 36 % de Français jugeant qu'il est un «bon Premier ministre» contre 62 % estimant qu'il ne l'est pas. Manuel Valls atteint ainsi le plus bas niveau qu'il n'ait jamais enregistré. La réussite de la manœuvre est aussi intimement dépendante du profil de son concurrent de droite. Si Sarkozy est désigné lors de la primaire des Républicains, Manuel Valls a un espace à préempter à droite. Face à Juppé, il devrait en revanche se gauchiser à nouveau. Sans garantie de succès.

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