Arnaud Montebourg prend la défense des marques horlogères tricolores… et raconte n’importe quoi<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Arnaud Montebourg a raconté n’importe sur les marques horlogères tricolores.
Arnaud Montebourg a raconté n’importe sur les marques horlogères tricolores.
©Reuters

Mal réglé

Prolixe et charismatique, généreux mais brouillon, l’ex-ministre socialiste du Redressement productif a conservé tous ses réflexes en matière d’enfumage médiatique.

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

Voir la bio »

Double faute pour Arnaud Montebourg quand il monte au filet pour promouvoir son association "Vive la France". Angle d’attaque : la défense de l’horlogerie française. Élément de langage : sur le plateau de BFM Business, face à Nathalie Lévy (News & Compagnie), l’ancien ministre de l’Économie et du Redressement productif frime en exhibant une montre Marc L.A.B, jeune maison horlogère indépendante (dès la minute 03:10 de la vidéo).

Il en vante le design français et l’assemblage à Morteau, "dans le Jura". Première faute : Morteau, un des pôles survivants de l’horlogerie française, c’est dans le Doubs. Zéro en géographie français pour le ministre qui défend le pavillon national. Seconde faute quand Nathalie Lévy lui demande si, par hasard, les composants de la montre ne seraient pas fabriqués en Chine ou au Bangladesh (minute 03 :49). Arnaud Montebourg se reprend les pieds dans le tapis en affirmant que "ce n’est ni en Chine, ni au Bangladesh" – ce qui est une contre-vérité manifeste. À partir d’un joli coup de crayon franco-américain (L.A. pour Los Angeles, B. pour Biarritz), 98 % des composants de cette montre March LA.B sont usinés en Asie (Chine ou ailleurs), les ateliers de Morteau ne réalisant que l’assemblage final – ce qui suffit pour prétendre au "fabriqué en France".

Expert en bullshitologie politico-médiatique, Arnaud Montebourg a des excuses. Contrairement à ce qu’il raconte sur le plateau, il est aujourd’hui quasiment impossible de créer une montre « française » (100 % tricolore) à un prix accessible. Ne serait-ce que parce qu’il n’existe pas de mouvement mécanique ou électronique Made in France. Une seule manufacture de montres est capable de réaliser son propre mouvement mécanique, en France, dans ses ateliers de la région parisienne, mais BRM (Bernard Richards Manufacture) doit malgré tout acheter certains des composants essentiels de son mouvement R50  en Suisse ou ailleurs dans le monde.

Cliquez pour agrandir

Une entreprise de Morteau, Péquignet, avait tenté de lancer un "mouvement manufacture français", mais en trichant tellement avec ce mouvement réalisé pour l’essentiel en Suisse que tout s’est terminé par un dépôt de bilan et une reprise de la marque sur des bases plus saines.

Rappelons à l’ancien ministre socialiste que l’industrie horlogère française a été sabordée, au début des années 1980, par les gouvernements socialistes qui avaient entrepris de la restructurer, après le naufrage de Lip, pour en faire une sorte de Kombinat bureaucratisé et planifié à la soviétique. Un échec programmé, qui a désertifié ce secteur autrefois brillant de l’économie tricolore. Au même moment, un entrepreneur de génie, le francophone et helvéto-libanais Nicolas Hayek ("père" de la Swatch), reformatait l’industrie suisse, tombée aussi bas que sa grande sœur française, mais sur des bases privées et avec des principes de liberté économique qui ont assuré sa spectaculaire renaissance internationale. Cherchez l’erreur tricolore…

Il existe en France un certain nombre de marques françaises, parfaitement honorables et renommées, qui produisent des montres en France, dans un style souvent très français, mais ces montres – considérées comme "françaises" et souvent ornées d’un fier "Fabriqué en France" – doivent se contenter de mouvements suisses ou asiatiques, de cadrans, d’aiguilles et de bracelets exotiques. Le meilleur exemple en est sans doute la renaissance en cours de la maison Lip, dont le sourcing est aujourd’hui très majoritairement asiatique.

La France est loin d’avoir développé toutes les capacités productives (composants, mouvements, boîtiers, bracelets, etc.) qui permettraient l’émergence de manufactures authentiquement « françaises ». Une filière horlogère purement tricolore relève aujourd’hui du vœu pieux, même s’il existe quelques tentatives d’en constituer une, dans l’est de la France, en unissant les efforts de différentes structures dans la micro-mécanique (laboratoires, R&D, prototypage, usinage, etc.) : ne rien attendre avant la fin de la décennie 2010. Ça viendra sans doute, mais ce n’est pas pour tout de suite et ce n’est pas une raison, Monsieur le Ministre, pour raconter n’importe quoi à la télévision…

Cliquez pour agrandir

Cliquez pour agrandir

Cliquez pour agrandir

Cliquez pour agrandir

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !