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Les phénomènes de type darwinien sont des phénomènes qui se traduisent sur un très grand nombre de générations.
Les phénomènes de type darwinien sont des phénomènes qui se traduisent sur un très grand nombre de générations.
©Reuters

Allô Houston ...

Soumis à des contraintes différentes de celles présentes sur la Terre, les futurs colons de l'espace pourraient être sujets à des mutations physiques et génétiques importantes. Dans un futur peut-être pas si lointain, la théorie de Darwin sera aussi extra-terrestre.

Francis Rocard

Francis Rocard

Francis Rocard est responsable du programme d'exploration du système solaire au CNES depuis 1989. Astrophysicien, il s'est beaucoup intéressé à l'exploration de planètes comme Mars, Saturne et Titan. Il a notamment écrit Mars, une exploration photographique chez Xavier Barral en 2013.

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Atlantico : Un astronome américain a récemment affirmé que les futurs humains qui iront coloniser l'espace seront sujets à des mutations physiques et génétiques dues au changement d'environnement. Est-ce vraiment réaliste ?

Francis Rocard : Ce qui est sûr, c'est que la théorie de l'évolution de Darwin, théorie bien admise maintenant, affirme que les espèces animales, et l'homme est un animal parmi les autres, subissent des évolutions liées à leur environnement. Notamment par des mutations génétiques, et quand ces mutations sont favorables à l'espèce, cette dernière prend le dessus sur l'espèce précédente. C'est ce que traduit la théorie de l'évolution. Si vous envoyez des hommes dans des voyages extrêmement longs, avec un séjour sur une planète supposée habitable, cela induit un moment critique pour les radiations que subit l'équipage, et donc probablement des mutations génétiques ce qui peut se traduire par des maladies. Les radiations à haute dose provoquent des maladies, des cancers, c'est un problème pour la survie de l'équipage. Après, vous avez l'environnement propre à l'endroit où ils vont s'installer, un endroit habitable, avec une gravité plus faible par exemple, ce qui va aboutir à des êtres humains probablement plus grands puisque moins tassés par la gravité. Inversement, une gravité plus forte peut conduire à des espèces qui pourraient réduire en taille.

A quel genre de modifications physiques peut-on s'attendre ? La gravité différente de celle de la Terre est-elle le seul facteur en jeu ? Quels sont les autres ?

Le gravité est certainement un paramètre important, et il n'y a aucune raison que la gravité soit strictement la même. G. Flammarion citait cet exemple dans ses écrits : "si des martiens habitent sur Mars, avec la pression plus faible sur cette planète, les sons se propagent moins bien", et, Flammarion a donc émis l'idée que les martiens devraient avoir de grandes oreilles pour compenser cette pression plus faible. On sait que sur Terre, où la gravité est imposée, la morphologie de l'Homme ne permet pas à celui-ci de grandir indéfiniment, puisqu'il arrive un moment où sa taille et son poids feraient que ses os ne résisteraient pas. La résistance de l'os au niveau des genoux fait que l'Homme s'écraserait du fait de la pression considérable qui s'exercerait au niveau de la surface de ses os. Il ya une mutation physiologique de la taille des êtres humains qui est liée à la gravité.

Les radiations provoquent des modifications génétiques, et ces modifications provoquent des changements à très long terme des espèces. A forte dose, les radiations sont dommageables aux espèces vivantes et peuvent créer des maladies très problématiques, des cancers, des leucémies etc. Là où se posera l'Homme, il faudra qu'il soit dans un environnement protégé des radiations, ce qui n'est pas le cas de la surface lunaire, ce qui n'est, en général, pas le cas de Mars. Sauf, peut-être, dans les zones où un champ magnétique local existe. C'est peut-être là qu'on mettra les hommes pour qu'ils subissent moins de radiations.

Avons-nous des exemples d'espèces terrestres ayant subi un changement d'environnement, volontaire ou non, contraintes de s'adapter ?

Je reprendrai ce qu'Yves Coppens relate fréquemment : le cas d'espèces qui, suite à une baisse du niveau des océans, se sont déplacées sur une presqu'île devenue ensuite une île quand les eaux sont remontées. Dans cette espèce, on peut comparer les individus qui sont restés sur l'île et ceux qui sont restées sur le continent. On observe de façon assez général que les individus insulaires sont de plus petite taille que ceux qui sont restés sur le continent. C'est un phénomène qui a été observé dans l'Histoire.

Les voyages de longue durée dans l'espace sont-ils aussi concernés ? A quelle vitesse peut-on s'attendre à voir les colons de l'espace évoluer ?

Les phénomènes de type darwinien sont des phénomènes qui se traduisent sur un très grand nombre de générations. Il n'y a pas de phénomène attendu à court terme sauf celui, très préoccupant, des maladies liées aux radiations. Celui dernier est un phénomène qui peut se déclencher à l'échelle de la première génération de colons, mais ensuite les évolutions seront extrêmement lentes, à l'échelle de siècles.

Ce qui est sûr, dans les voyages interstellaires,  c'est qu'on sait que la lumière met quelques années à atteindre l'étoile la plus proche. Donc, les colons qui vont partir ne seront pas ceux qui vont arriver.Les voyages seront ceux de type "Enterprise", avec un vaisseau qui va emporter une petite colonie avec des familles entières et les adultes qui partiront seront décédés au  moment de l'arrivée. On est dans du très long terme, la première génération vivra uniquement le voyage et la deuxième génération vivra l'arrivée. D'ailleurs le schéma que certains imaginent, sur du très long terme, pour la colonisation de la galaxie se fait par ensemencent  de colonies terrestres qui iraient s'installer sur des planètes habitables qu'on ne connait pas encore aujourd'hui mais qu'on pourrait identifier dans quelques années. Ces colonies s'installeraient sur ces planètes et ensuite évolueraient pour constituer une nouvelle génération, ce qui n'est pas rien. Ensuite ce phénomène pourrait se répéter à nouveau. C'est comme ça que l'ensemencement de la galaxie est concevable à l'échelle de celle-ci qui est, malheureusement, d'une taille considérable. Ainsi, cet ensemencement se chiffre en millions d'années, c'est du très long terme. Cela peut s'apparenter à de la science-fiction, mais c'est le seul concept qui nous est accessible à cause de la limitation de la vitesse de voyage imposée par Einstein et de la vitesse de la lumière qu'on ne pourra jamais dépasser. Les voyages intra-galactiques sont extrêmement longs et ne pourront se faire que par des procédés de ce type.

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