Cambadélis élu à la tête du PS : opération "défrondisez les Frondeurs"<!-- --> | Atlantico.fr
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Le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis
Le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis
©Reuters

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La position de Jean-Christophe Cambadélis à la tête du PS a été officialisée jeudi soir 28 mai. A deux ans des élections présidentielles, faisons un point sur les enjeux qui attendent le nouveau patron du parti.

Michel  Urvoy

Michel Urvoy

Michel Urvoy est un éditorialiste politique, en poste chez Ouest France depuis 2007 et directeur de la rédaction du journal à Paris depuis 2009. 

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Frédéric  Métézeau

Frédéric Métézeau

Frédéric Métézeau est journaliste depuis 15 ans. Il a été journaliste pour France Bleu Nord, basé à Lille, et a présenté les informations sur France Inter avant devenir chef du service politique sur France Culture. Depuis août 2015, il est chef du service politique de France Inter.

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Atlantico : Suite au vote de la motion, Jean-Christophe Cambadélis vient d'être élu Premier secrétaire du PS. Quel sera son premier grand chantier en tant que Premier secrétaire du parti ?

Frédéric Métézeau : Comme Jean-Christophe Cambadélis a dépassé les 60% avec un score de 10 points supérieur, cela confirme qu'il est le rassembleur qu'il prétendait être.

A partir de maintenant, ses chantiers seront divers. Tout d'abord, il devra parvenir à contrôler les frondeurs qui représentent 30%, ce qui est moins que prévu, certes, mais il vaut mieux les avoir comme alliés. Pour y arriver, il donnera probablement des gages. Ce qu'il a déjà commencé à faire en parlant d'une réforme fiscale ou le CV anonyme. Avec l'officialisation de son rôle, il abordera peut-être les sujets du pacte de responsabilité ou encore du droit de vote des étrangers…

Il doit montrer qu'il n'est pas dans les jupes de François Hollande, qu'il existe en tant que tel. Il doit aussi prouver que le PS est un lieu où l'on réfléchit, où l'on peut tenter d'infléchir et d'améliorer la politique du gouvernement. Un des rôles de Cambadélis sera de démontrer que le PS n'est pas seulement une écurie servant à préparer la grande course de 2017. Mais que c'est aussi un endroit où l'on fait de la politique et où on ne craint pas de pointer du doigt ce qui ne va pas dans la politique gouvernementale. Son challenge va être de se montrer loyal, tout en prouvant qu'il a bien entendu les craintes et les colères des frondeurs.

Son autre immense chantier sera la gestion interne du PS dont le nombre de militants ne cesse de décroître et dont les finances sont dans le rouge. C'est un parti exsangue qui doit reconquérir des militants et réussir un départ en campagne alors que ses moyens financiers ne cessent de diminuer. En fait, Cambadélis est le chef d'une petite entreprise, une entreprise qui va assez mal !

Enfin, il y devra relever le défi des régionales, mettre la machine partisane en route à temps et s'assurer du respect de la parité !

Michel Urvoy : L’élection du Premier secrétaire avant le congrès, qui se tiendra début juin à Poitiers, enlève évidemment du suspense à ce rendez-vous habituellement très théâtral, voire dramatique. Son travail va consister à essayer de faire vivre le débat en interne, à éviter que les divisions ne s’exposent trop sur la place publique et à mobiliser les militants autour des résultats espérés dans les deux ans qui viennent. Mais c’est toujours très compliqué d’être le chef d’un parti au pouvoir.

La première de ses missions ne sera-t-elle pas de contenir les frondeurs ? Est-ce possible contenu de leur score de 30% obtenu pour la motion B ?

Frédéric Métézeau :Premièrement, on ne connaît pas précisément la tactique des frondeurs. Ensuite, la France étant une démocratie, les frondeurs ont tout à fait le droit de s'exprimer, de contester les lois. En outre, d'un côté purement disciplinaire, Cambadélis n'aura pas le loisir de faire grand-chose.

A partir du moment où l'autoritarisme est hors de jeux, Cambadélis et le parti qu'il dirige vont devoir composer avec les frondeurs. Il ne faut pas surreprésenter les critiques, le Premier secrétaire va tenter d'imposer une ligne sans pour autant exclure les contestataires du parti. Il va devoir leur signifier que le gouvernement reste majoritaire sans pour autant imposer sa ligne de façon brutale. S'il cherche à s'en faire des alliés , à nouveau, il lui sera nécessaire de titiller le gouvernement et de lui rappeler le Congrès du Bourget ainsi que ses promesses de gauche…

Michel Urvoy : Christian Paul espérait un meilleur score. Pourtant, il n’est pas si mauvais. Je ne vois pas pourquoi les 30% de Bruno Le Maire à l’UMP seraient un succès et les 30% des frondeurs un échec. En revanche, leur poids dans le parti n’augmente pas. Il est le reflet du rapport de forces à l’Assemblée. Donc, ils vont continuer à donner de la voix sur quelques sujets emblématiques comme la réforme fiscale ou le pacte de responsabilité.

Quel pourra-t-être son rôle entre François Hollande et les frondeurs ? Est-ce que son élection en tant que premier secrétaire change quelque chose dans le rapport de force avec Hollande ? Est-ce que cette élection est la validation de son retour en grâce ?

Frédéric Métézeau : Il n'aura pas à cogérer avec les frondeurs étant donné que sa motion a remporté 60% d'adhésion. Il a donc les mains libres pour diriger le parti. Par contre, il dispose d'un moyen de pression face à cette opposition menaçante : les investitures. Si les frondeurs souhaitent être investis par le PS en 2017 ils devront donc se monter un minimum solidaire avec la majorité !

Quant à son rapport de force avec François Hollande, le président de la République n'a pas besoin d'intermédiaires pour parlementer avec les frondeurs, il l'a d'ailleurs montré lors de la réception qu'il a organisée avec eux à l'Elysée. La mécanique avec les frondeurs est simple face à l'échéance de 2017 : soit ils restent soudés au PS, soit ils adoucissent leur opposition et si cela leur est impossible alors ils n'auront de choix que de quitter le PS comme a pu le faire Jean-Luc Mélanchon !

L'obsession de François Hollande à l'approche des élections présidentielles, sera une obsession tactique. Il devra éliminer un maximum de candidatures supplémentaires à gauche (Front de gauche pou Europe Ecologie les Verts), pour espérer une place au second tour. Il lui faudra donc renvoyer l'ascenseur à ces partis politiques à l'aube des élections législatives, par exemple via des accords électoraux.  

A l'inverse, le rapport de force qui lie Cambadélis à Manuel Valls risque d'évoluer. Cambadélis largement élu, la balance penche inévitablement vers lui dans un contexte où Manuel Valls est révocable à tout moment.  

Cambadélis n'avait pas besoin d'un retour en grâce mais plutôt d'une onction des militants, ce qu'il obtient via ce suffrage et son élection.

Michel Urvoy : Cette élection est d’abord l’illustration que Jean-Christophe Cambadélis est un bien meilleur Premier secrétaire que son prédécesseur Harlem Désir. Ancien militant trotskiste, il connaît les ficelles de l’organisation, sait mobiliser, dramatiser quand il faut, analyser. C’est un homme intelligent, structuré, qui offre de la hauteur de vue. Ensuite, oui, je pense que dans le cœur de l’électorat de François Hollande il y a un petit sursaut de confiance. Ce qui prouve que l’unité des socialistes dépendra plus des résultats que des tractations internes.

Quel pourra être son rôle dans la perspective de la candidature d'Hollande en 2017 ? L'une de ses missions ne sera-t-elle pas de batailler contre l'éventualité d'une primaire à gauche ?

Frédéric Métézeau : Sa place n'est pas facile, surtout lorsque l'on pense à la malédiction du parti de président sortant lorsqu'il est candidat à sa réélection. Il suffit de s'en référer aux précédents : François Mitterrand en 1988 qui, en recentrant le PS, l'amène à sa perte pour les 14 années à venir ; Jacques Chirac qui en fondant l'UMP mène son parti d'origine, le RPR, à sa perte… 2017 risque fortement de ne pas déroger à la règle. En rassemblant l'ensemble de la gauche tout en gérant les diverses crises (crise économique, Daesh, les relations franco-russes…), il ne pourra pas être que le candidat du PS.

Cambadélis devra bien sûr batailler contre les frondeurs et ne pas hésiter à les mettre au carré s'ils ne se résignent pas à l'idée d'une absence de primaire. Une primaire serait dévastatrice pour François Hollande. Si le président donne des meetings, il descendra alors de son piédestal. Ce serait un abaissement pour lui. D'autant que s'il n'était pas désigné candidat, il perdrait toute crédibilité au sein de sa famille politique et sur la scène internationale !

Michel Urvoy : A partir du moment où il existe une ligne majoritaire incontestable à défaut d’être nette, et à partir du moment où François Hollande serait candidat, il n’y aurait plus de primaire. L’histoire politique le montre : il n’y a pas de place pour s’opposer à un président sortant, candidat à sa propre succession. C’est le président qui a le leadership de l’action, qui maîtrise le calendrier, qui dispose des meilleures tribunes.

Est-il réellement fidèle à François Hollande ? Ou dispose-t-il d'un agenda personnel ?

Frédéric Métézeau : Il paraît peu probable que Cambadélis se montre déloyal envers le président de la République : il n'a jamais rêvé d'être ministre, ni d'être président, son but a toujours été d'être nommé ou élu patron du PS. Il sera donc, très certainement, dédié et dévoué au président tout en gardant sa "petite musique". 

Michel Urvoy : Jean-Christophe Cambadélis est un homme loyal vis-à-vis du président, même s’ils ne sont pas forcément d’accord sur tout. Mais il sait que son intérêt n'est pas de s’y opposer. Au contraire, il a tout à gagner, dans la perspective d’une promotion future, en réussissant la remise sur pied du PS et en oeuvrant à une union suffisamment large de la gauche pour permettre une candidature unique, la seule chance pour François Hollande d’accéder au second tour !

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