La bombe grecque : l’Europe menacée d’une nouvelle crise à la 2008 en raison du pourrissement de la situation<!-- --> | Atlantico.fr
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L’immobilisme coupable de la zone euro face au dossier grec pourrait gâcher la reprise et provoquer une crise du type "Lehman Brothers".
L’immobilisme coupable de la zone euro face au dossier grec pourrait gâcher la reprise et provoquer une crise du type "Lehman Brothers".
©DR

Pénalités de retard

En l’espace de quelques séances boursières, les taux d’intérêts de la plupart des pays de la zone euro se sont envolés. L’immobilisme coupable de la zone euro face au dossier grec pourrait gâcher la reprise et provoquer une crise du type "Lehman Brothers".

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Depuis le 28 avril dernier, c’est-à-dire en l’espace d’une semaine, le taux d’emprunt à 10 ans de l’Etat français a plus que doublé. D’un point bas record de 0.33% atteint à la mi-avril, le taux français est passé à 0.86% au cours de la séance de ce 6 mai 2015. Si d’un point de vue nominal (une hausse de 0.53 point) le résultat n’est guère impressionnant, la progression de 160% en moins d’un mois interpelle. Et il n’est pas question que de la France.

En effet, au courant des mêmes séances de ce début de mois de mai, l’Allemagne a vu son taux à 10 ans être multiplié par 5, passant d’un niveau inférieur à 0.10% pour atteindre 0.55%. Pour l’Espagne, la hausse nominale devient plus sérieuse, passant de 1.20% à 1.86% (+0.66%) en l’espace d’un mois. Même chose pour l’Italie qui passe de 1.20% à 1.90%. En quelques jours, la plupart des pays de la zone euro ont vu s’envoler le bénéfice de la baisse des taux qui s’était installée depuis le début de l’année 2015.

Au même moment, les bourses européennes décrochaient, perdant entre 5 et 10% de leur valeur selon les pays, pour effacer également une partie des gains enregistrés depuis décembre 2014. Et ce n’est pas fini. Car après la forte baisse de l’euro survenue au cours des derniers mois, pour atteindre le seuil de 1.05 USD le mois dernier, la monnaie unique est revenue à un niveau de 1.13 USD.

Au-delà du constat de la brutalité des mouvements financiers de ces derniers jours, les causes restent à être identifiées. Car deux forces apparemment contradictoires sont en place; une bonne voire une très bonne nouvelle qui est celle de la révision à la hausse des anticipations de croissance et d’inflation, et une mauvaise nouvelle qui est la montée en puissance d’une crise grecque potentiellement dévastatrice.

Mais dans un premier temps et de façon totalement contre-intuitive, la hausse des taux est à placer au rang des bonnes nouvelles. En effet, parce que les taux d’intérêts à long terme reflètent, pour une large part, l’addition des anticipations de croissance et d’inflation, la hausse récente n’est donc rien d’autre que la traduction, dans la réalité, de meilleures anticipations de croissance au sein de la zone euro. Mais également d’un rétablissement progressif d’une inflation supérieure à son niveau actuel, c’est-à-dire plus proche de 2% que de 0% sur le moyen terme. Il n’est ici pas nécessaire d’être magicien pour se rendre compte que les taux bas constatés en Europe depuis plusieurs années ne sont que le corolaire de l’absence de croissance du continent.

Mais, depuis l’intervention de la Banque centrale européenne en janvier dernier, et la mise en place d’un programme d’assouplissement monétaire de grande ampleur, la donne a changé. En l’occurrence, les prévisions formulées par la Commission Européenne le mardi 5 mai font état d’une croissance européenne de 1.5% pour 2015, soit 0.2 point de plus que la dernière mouture réalisée, puis de 1.9% pour l’année 2016. Du côté de l’inflation, les prévisions font état d’une hausse des prix de 0.1% pour 2015, puis de 1.5% en 2016. L’ensemble des prévisions faites sont à la hausse et justifient donc une bonne part de la hausse des taux enregistrée au cours des dernières séances.

Dans un second temps, un autre facteur, moins flatteur, vient troubler le jeu européen. Car la question de la dette grecque en particulier, et de la Grèce en général, n’est toujours pas réglée. Pendant que les européens durcissent le ton pour faire céder le gouvernement Syriza, et lui faire admettre la poursuite du programme austéritaire, le Premier ministre Alexis Tsipras continue de jouer sa propre musique. C’est-à-dire la contestation pure et simple de la validité intellectuelle du programme économique destiné à ses compatriotes. C’est-à-dire une situation de blocage total, et d’incompréhension mutuelle, entre l’ex-Troïka et la Grèce.

Le résultat de ce combat de coqs est une probabilité de plus en plus forte d’une Grèce mis au ban de la zone euro. Une perspective qui, bien que parfois souhaitée par quelques-uns, devrait susciter un peu plus d’interrogations parmi les dirigeants de la zone euro.

Ainsi, selon Bill Emmot; "Pourquoi la Grèce pourrait être le nouveau Lehman", ou encore Eric Rosengren, Président de la Réserve fédérale de Boston, qui déclarait dès la mi-avril 2015 :

"Je voudrais dire à certains analystes européens qui pensent qu’une sortie de la Grèce de la zone euro ne sera pas un problème, que certains pensaient que Lehman Brothers ne serait pas un problème". "Je ne serais pas si confiant, juste parce que l'économie grecque est petite par rapport à la taille de l'économie européenne, que quelque chose comme ça ne serait pas une dislocation majeure. Je pense que tout le monde devrait être un peu inquiet"

Et cette perspective de dislocation, faisant aujourd’hui partie d’un scénario crédible, provoque également une révision des primes de risque au sein de la zone euro, entrainant de ce fait une hausse, bien que marginale, des taux d’intérêts. Comme cela est le cas de l’Espagne, de l’Italie, de l’Irlande ou du Portugal.

La zone euro subi les contraintes de forces opposées, entre une réelle amélioration des perspectives économiques, fruit des efforts de Mario Draghi et de la BCE, et un blocage politique aussi grotesque qu’irresponsable de la part des dirigeants européens, sur la situation de la Grèce. Il est encore possible de tout gâcher.

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