Que peut espérer Benjamin Netanyahu de sa tournée américaine pour préciser la relation entre Israël et les Etats-Unis ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Benjamin Netanyahu
Benjamin Netanyahu
©Reuters

Diplomatie

Benjamin Netanyahu entame une visite aux Etats-Unis, invité par les Républicains du Congrès. Israël et son traditionnel allié américain sont dans une période de refroidissement de leurs relations, en témoigne l'absence de rencontre prévue entre le Premier ministre israélien et Barack Obama.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : Benjamin Netanyahu démarre une visite aux Etats-Unis sur invitation des élus républicains au Congrès. Il ne devrait pas rencontrer Barack Obama, avec qui les relations sont de plus en plus tendues. Quelles sont les causes de la discordes entre les deux alliés traditionnels ?

Frédéric Encel : Ils sont parvenus au pouvoir très concomitamment, début 2009, et immédiatement les relations se sont avérées difficiles. D'abord, Netanyahou préfère les Républicains qu'il connaît bien et dont il est idéologiquement proche, et Obama aurait souhaité un travailliste comme interlocuteur. Ensuite, le premier ministre israélien - suivi en cela par nombre de ses compatriotes - a trouvé en Obama un président moins empathique que plusieurs de ses prédécesseurs, à commencer par le Born again George W. Bush. De fait, c'est un réaliste, certes ami d'Israël mais pas inconditionnel, qui trouve à "Bibi" des accents messianiques qui l'agacent. 

Sur le fond, la gestion par Netanyahou du dossier palestinien a très vite déplu à Obama et, dès juin 2009, ce dernier lui imposait de reconnaître la perspective d'un Etat ainsi qu'un gel de plusieurs mois des implantations. De son côté, le numéro un israélien reproche depuis plus d'un an à son vis à vis une volonté de parvenir à un accord sur le nucléaire iranien au détriment de l'Etat juif. 

On en est là, mais sachons raison garder ; la brouille, sérieuse, concerne deux hommes et deux administrations, dont l'une condamnée à court terme, mais pas deux nations. Jamais les liens technologiques, culturels, militaires entre Israël et les Etats-Unis n'ont été si étroits et, du reste, tout fâché qu'il est, Obama n'a jamais menacé son allié de sanctions économiques ou diplomatiques en plus de six années de pouvoir ! 

Israël a-t-elle aujourd'hui toujours besoin d'une "protection" américaine ? Dans quelle mesure Jérusalem peut ne plus stratégiquement à devoir tenir compte des positions diplomatiques de Washington ?

L'Etat hébreu, sur certains dossiers lourds, a besoin du soutien américain au Conseil de sécurité, où le droit de veto joue un rôle majeur. Militairement, les chasseurs bombardiers américains, vendus et aménagés dans des conditions préférentielles, sont aussi extrêmement précieux à Tsahal. Sur le plan économique, l'aide US demeure importante - plus de 3 milliards de dollars annuels au titre du traité de paix de Camp David de 1978 - mais en part relative de la montée en puissance de l'économie israélienne depuis les années 1990 et surtout 2010, le rapport de force s'est modifié ; d'où, sans doute, une diplomatie moins complexée, ou plus agressive, de la part des derniers gouvernements israéliens en poste. 

En réalité, même si Israël s'émancipe parfois du grand allié pour des initiatives politiques ou militaires locales, les grandes décisions stratégiques sont toujours prises avec ou en fonction de l'allié.

2016 sera une année électorale aux Etats-Unis et Barack Obama ne pourra pas se représenter. Faut-il y voir une manœuvre stratégique de la part des Républicains dans le cas d'un retour aux affaires ? Comment pourrait évoluer la relation entre les deux pays ?

Clairement, Obama est démonétisé. Non seulement il achève son second et dernier mandat dans deux ans, mais encore est-il minoritaire au Congrès, et notamment au Sénat. Netanyahou sait et sa marge de manoeuvre n'en est que plus considérable ces jours-ci. Quant aux Républicains, ils jouent en effet sur le "levier" israélien - comme sur d'autres - dans leur guérilla anti-Obama et en vue des prochaines présidentielles. 

Mais fondamentalement, les rapports entre Israël et les Etats-Unis dépassent les considérations politiques ou politiciennes à courte vue, et sans doute le futur tandem au pouvoir s'entendra-t-il mieux, ressemblant davantage aux rapports très étroits entres les deux sociétés et les deux systèmes de valeurs. 

Si Israël peut à ce point se permettre de s'opposer à la position de l'administration américaine, pourquoi Benjamin Netanyahu, qui se présente devant les électeurs israéliens le 17 mars, se rend-il aux Etats-Unis ? Quels soutiens cherche-t-il ? 

Manifestement, la campagne électorale s'inscrit dans la démarche de Netanyahou. Il apparaît à Washington, aux yeux de son opinion, à la fois comme protecteur du pays contre un péril imminent - l'Iran - et comme fort et audacieux car "bypassant" l'homme le plus puissant du monde, et chez lui par surcroît. Cela dit, il faut se souvenir que la potentielle bombe iranienne est un vrai cauchemar pour les Israéliens dans leur grande majorité, et que l'actuel chef du gouvernement dénonce cette éventualité depuis plusieurs années déjà. Maintenant ou un peu plus tard, il aurait donc fait le voyage, avec ou sans l'accord d'Obama... 

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