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Snapchat, l’application à 19 milliards de dollars qui cachait en réalité un média en plein boom
©Reuters

Petite appli deviendra grande

Snapchat, ce n'est plus seulement cette petite application qui permettait d'envoyer des contenus à durée de vie très limitée. Aujourd'hui la start-up californienne propose un espace pour les annonceurs, un accès à du contenu exclusif via de grands médias, des mini-séries mettant en scène le quotidien des internautes, et bien d'autres possibilités.

David Fayon

David Fayon

David Fayon est responsable de projets innovation au sein d'un grand Groupe, consultant et mentor pour des possibles licornes en fécondation, membre de plusieurs think tank comme La Fabrique du Futur, Renaissance Numérique, PlayFrance.Digital. Il est l'auteur de Géopolitique d'Internet : Qui gouverne le monde ? (Economica, 2013), Made in Silicon Valley – Du numérique en Amérique (Pearson, 2017) et co-auteur de Web 2.0 15 ans déjà et après ? (Kawa, 2020). Il a publié avec Michaël Tartar La Transformation digitale pour tous ! (Pearson, 2022) et Pro en réseaux sociaux avec Christine Balagué (Vuibert, 2022). 

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Atlantico : En novembre 2013 Facebook proposait de racheter Snapchat pour 3 milliards de dollars, sans succès. Aujourd’hui la valorisation de l’application est estimée entre 16 et 19 milliards d’euros. Comment expliquer qu’en si peu de temps une application permettant de partager des contenus à durée de vie limitée soit à ce point montée en puissance ?

David Fayon : Notons que Facebook a ensuite acquis WhatsApp pour 22 milliards de dollars et qu’il n’est pas en reste pour demeurer le leader des réseaux sociaux. Par exemple Instagram, bien que racheté, poursuit sa croissance et Facebook développe des services venant concurrencer LinkedIn dans le domaine professionnel.

La valorisation de Snapchat, entreprise créée en 2011 par des étudiants de l’université de Stanford dans la Silicon Valley, est avant tout due au nombre d’utilisateurs inscrits et à sa croissance spectaculaire. Pour autant, très peu d’informations sont détenues par l’application lors de l’inscription (mél, date de naissance) ce qui ne permet pas de donner des ciblages performants. En outre, le succès de Snapchat est indéniable surtout chez les adolescents qui délaissent la télévision au profit du smartphone. Ceux-ci en entrant de plein pied dans la vie active sont de potentiels gros consommateurs. Aussi il existe de la place pour un marché dans l’écosystème Snapchat car tout ce qui gravite autour du mobile est stratégique étant donné le temps passé derrière le micro écran et la consultation répétée en flux continu. Le mobile devient d’une certaine façon plus important que la réunion de ses clés, de ses papiers d’identité et de son argent. On le voit bien avec Snapchat qui propose Snapcash – en partenariat avec la société Square – pour le transfert d’argent entre utilisateurs. Enfin, le fait que les vidéos – de 1 à 10 secondes – soient éphémères – bien que l’on puisse les enregistrer est une réponse à des besoins d’utilisateurs qui craignent pour leur anonymat et leurs traces numériques. Ajoutons que Snapchat est pour les adolescents un espace où leurs parents sont peu présents contrairement à Facebook. Facebook est plus concomitant de la génération Y et se répand chez les générations X et boomers alors que Snapchat arrive avec la génération Z. Ses codes sont différents, le support aussi. Alors que Facebook s’adapte au mobile en devenant "responsive design", Snapchat est conçu d’emblée pour le mobile (iPhone et Android).

Snapchat a lancé en janvier "Discover", une section de l’application qui permet d’accéder à du contenu exclusif via des médias comme CNN, Cosmopolitan, Vice ou encore Yahoo News. En outre, tout un chacun peut lancer sa propre série, avec des épisodes de 10 secondes mettant en scène la vie quotidienne. Snapchat serait donc devenu un média à part entière, et non plus cet outil sympathique que Facebook voulait ajouter à sa collection ?

Cela fait partie de la stratégie de développement de Snapchat : allier vidéo et mobile via du contenu apportant une valeur ajoutée pour l’utilisateur. Le début de la monétisation du service, avec Discover, commence. Cela permet de créer un espace publicitaire pour des annonceurs partenaires.

Le succès des formats vidéo courts comme Vine (application de Twitter pour des vidéos de 6 secondes) est une tendance de société. Le temps nous est compté et nous souhaitons aller à l’essentiel. Les mini séries de 10 secondes avec, les SnapperHero, permettent d’autre part de se mettre en scène à l’heure où l’ego est roi. Je dirais que Snapchat est un canal additionnel qui séduit et trouve progressivement de nouveaux usages. Quant à Facebook, même si l’application principale devient complexe et n’a pas été nativement conçue pour le mobile, ce réseau social a la capacité de développer des fonctions analogues mais avec des clauses générales d’utilisation qui évoluent et sont souvent léonines. Une méfiance de certains internautes s’est donc installée.

Outre ces exemples, qu’est-ce qui permet aujourd’hui de dire que Snapchat devient une plateforme aux multiples possibilités ?

De nombreuses marques sont prêtes à payer pour rencontrer leur cible là où leur temps de cerveau est disponible. Snapchat est ainsi une forme de Coca-Cola pour certains adolescents.

Snapchat a accru ses possibilités comme par exemple, le fait de discuter entre utilisateurs par vidéo, ce qui concurrence le téléphone et Skype. Et toujours pour la maîtrise du temps et le multitâche, le fait que les utilisateurs peuvent lire la musique et enregistrer la vidéo simultanément est une fonctionnalité intéressante. Snapchat devient un écosystème pour la vidéo, la musique et l’image pour le mobile.

Quelles sont les limites de l’expansion de Snapchat ? L'appli sera-t-elle contrainte de rompre à un moment donnée avec son ADN de départ ?

Snapchat a connu une attaque le 1er janvier 2014 avec près de 5 millions de comptes piratés et a connu d’autres mésaventures via des attaques par déni de service. Snapchat devra veiller à améliorer sa sécurité et les caractéristiques techniques "sous le capot", certes non visibles pour l’utilisateur mais ô combien importantes.

Tout dépendra aussi de la stratégie de Snapchat. Mais l’application ne couvre qu’une partie infime de l’écosystème du Web si l’on compare au GAFA qui ont une stratégie d’expansion tout azimut, qui dégagent (sauf Amazon) des profits à deux chiffres et ont une politique de croissance externe impressionnante. D’ailleurs les GAFA ont une capitalisation boursière qui dépasse l’ensemble des sociétés du CAC 40 et avec seulement 286 000 employés. De nombreux concurrents arrivent tant aux Etats-Unis qu’en Asie et même en Europe. La course à la taille critique est un préalable indispensable avant l’étape de monétisation de l’audience. Je crois plutôt que Snapchat conservera son ADN initial et ira chercher d’autres fonctions/usages à greffer… à moins qu’ils ne veuillent se faire racheter au moment opportun.

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