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Pourquoi Google santé sera demain un médecin crédible
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Diagnostic en trois clics

Le géant américain se lance dans la diffusion de contenus à caractère médical, pour aider les internautes à se renseigner sur leur santé, ou éclairer d'un début de diagnostic pour des symptômes inquiétants. Malgré toutes les précautions et les réserves sur ce type de démarche, forcément à visée commerciale, Google a les moyens de ses ambitions.

Jean-François Thébaut

Jean-François Thébaut

Jean-François Thébaut est cardiologue, membre du Collège de la Haute Autorité de la Santé, président de la Commission amélioration des pratiques professionnelles et de la sécurité des patients.

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Atlantico : Google a annoncé qu'il allait sous peu faire remonter ses propres contenus aux questions que se posent les internautes sur leur santé. Les réponses seront présentées sous forme de fiches rédigées par un médecin et apparaîtront dans le carré en droite de l'écran, appelé le "Knowledge graph". Que sait-on pour le moment de ce projet ?

Jean-François Thebaut : On voit bien que la santé est un marché colossal, 20% des requêtes  sur les moteurs de recherches dit-on. Ce marché ne peut qu’exacerber les appétits des géants de l’internet que sont  Google et ses acolytes du Gafa.

L’une des réponses actuelles de Google pour avoir accès à ce marché gigantesque est d’étendre l’application Knowledge graph au domaine de la santé ou plutôt des maladies, en l’enrichissant de fiches techniques, théoriquement non commerciales, préécrites par un comité médical. Disponible depuis 2012 en France, Knowledge graph est un automate applicatif qui a pour objet d’améliorer la qualité des réponses aux requêtes en présentant à droite de l’écran des items présélectionnées, de manière automatique avec les liens les plus pertinents en rapport avec l’intitulé de la question. Cette présentation encadrée distingue théoriquement ces informations des listes des annonces publicitaires commerciales également sur la droite.

Quelle crédibilité accordée à ces informations relativement à des services comme Doctissimo ?

Tout dépend de la qualité des sources utilisées et de la crédibilité scientifique des médecins experts, et donc de la transparence, qui procèdent en amont  à la production de ces fiches et tout dépend du degré de précision tant diagnostic que thérapeutique que ces fiches ont l’ambition de proposer. Dans l’application Knowledge graph classique les premières informations, descriptions ou définitions sont directement issues de wikipédia, donc sans contrôle de Google. On voit bien qu’en matière de santé le risque d’une information inexacte est trop grand pour que Google accepte de le prendre. Manifestement Google ne peut ni ne veut prendre le risque de laisser son moteur de recherche choisir lui même le contenu. En matière de santé, le contenu aura donc vocation à être verrouillé et les sites référencés choisis parmi les sites scientifiques reconnus ce qui serait plutôt un gage de qualité ou du moins de sécurité.

Ce type de moteur de recherches présélectionnées est un procédé qui se repend assez largement aux USA, permettant ainsi aux médecins de retrouver rapidement des informations précises adaptées aux cas de leurs patients. Ce dispositif dit "openinfo bouton"  en technologie HL7 a été mis à disposition en open source par l’organisation des vétérans (VHA) aux USA

Ce nouveau service permettra-t-il de faire "le ménage" dans une offre d'information de santé qui n'est pas toujours des plus fiables ?

C’est vrai  qu’en matière de santé, comme pour tous les autres domaines d’ailleurs, dans la jungle foisonnante des sites internet, en dehors des sites institutionnels officiels et des sites des associations d’usagers, il est difficile pour les internautes de se retrouver, d’être certains de la qualité des réponse et  de la sécurité des conseils et des attitudes proposés et d’être à l’abri d’une démarche mercantile, frauduleuse voire même crapuleuse pour ne pas dire parfois sectaire. Mais la question évidemment à poser est celle de l’exhaustivité des réponses apportées par le moteur de Google et du choix  des sources médicales utilisées qui ne doivent pas être partisanes et qui doivent être actualisées.

Qu'apportent-ils relativement à une consultation avec médecin de visu ou même en ligne ?

Si  l’information est claire, pertinente, éclairée, non partisane et prudente, elle pourra permettre de rassurer ou d’orienter à bon escient les patients dans leur parcours de soins en fonction de l’urgence potentielle des signes ressentis. C’est ainsi que procède par exemple l’application "grave pas grave"mise au point par le SAMU de France et proposée gratuitement  par la MAAF en association avec La Tribune. En France aucun site internet ne remplace une consultation médicale, en dehors des téléconsultations organisées dans le cadre d’un programme de télémédecine autorisé par les ARS.

L'objectif de Google est de "montrer les symptômes typiques et les traitements, [d']expliquer si c'est contagieux, qui est concerné, et bien plus encore". Quelles sont les limites de ce genre de services en matière de santé ? Quels sont les risques à s'auto-diagnostiquer ? 

Il est  toujours très important de diffuser des informations validées et fiables. Cela permet aux usagers et aux patients de décider au mieux de l’attitude à avoir tant pour inciter à ne pas se négliger que pour les rassurer, voire à agir sans retard en cas d’urgence. C’est une aide très importante pour que les patients puissent se prendre en charge le mieux possible. Mais cela ne remplace jamais l’avis personnalisé des professionnels. Même les maladies les plus graves peuvent prendre des apparences atypiques. A l’inverse le risque d’une surmédicalisation est bien sur présent et peut malheureusement conduire aussi  à une hypochondrie cybernétique comme n’importe quel dictionnaire médical.

Quels sont les risques qu'un tel service peut présenter en matière de protection des données sur la vie privée ? 

La protection des données de santé à caractère personnel en France est théoriquement bien garantie par la législation (CNIL). Ainsi les données ne peuvent être recueillies que sur des sites sécurisés et des hébergeurs garantissant la confidentialité. Les industriels français sont très vigilants au respect de ces normes. Mais ces précautions ne s’appliquent malheureusement que dans le contexte médical au sens propre du terme et en France. Dans les autres situations les risques sont alors directement proportionnels au niveau d’usage de l’application. Le premier risque est bien sur celui de l’exactitude et de l’a bonne interprétation des données recueillies pour ne pas conduire à une erreur ou un retard diagnostique. Mais il existe potentiellement bien d’autres risques comme  celui du ciblage comportemental (behavorial targeting) à visée commercial, celui du repérage géographique par la géolocalisation que permet ces applications ou celui de l’abus de la crédulité ou par l’escalade progressive de l’angoisse qui rend vulnérable les individus. Google garantit peut être l’information initiale, mais surement pas celles qui sera délivrée au fur et à mesure du vagabondage internet de site en site. De même il n’est pas nécessaire d’être un grand clerc pour deviner l’usage commercial que pourra faire Google de ces données de navigation.

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