Opération reconduction : comment François Hollande est en train de ressusciter sa candidature pour 2017<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande n'a pas fait une croix sur 2017
François Hollande n'a pas fait une croix sur 2017
©Reuters

Retour aux sources

Invitation d'Alexis Tsipras à Paris, bras de fer avec les sociétés d'autoroutes, François Hollande tente un retour aux sources pour renouer avec son aile gauche. Pourra-t-il transformer l'essai ?

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : François Hollande a invité en tant que chef de l'Etat, le nouveau premier ministre grec Alexis Tsipras, à se rendre à Paris. Alors que le président de la République récolte effectivement dans les sondages les fruits de sa gestion des récents drames, est-il en train de renouer avec son aile gauche à grands coups de signaux symboliques ?

Christophe Bouillaud : Effectivement, cette visite politique d'Alexis Tsipras à Paris peut s'inscrire dans une stratégie qui vise à envoyer des signaux à son électorat de gauche. Il veut leur montrer qu'il reste un président de gauche. C'est une stratégie qui avait déjà été définie à la fin de l'automne par François Hollande

L'un de ses problèmes majeurs, c'est que sa popularité a atteint un niveau extrêmement faible à gauche, auprès des électeurs du PS, des Verts et du Front de gauche. François Hollande sait qu'il a besoin de cette base pour le soutenir lors des élections. Sans elle, il risque de ne pas arriver à dépasser le premier tour de l'élection présidentielle en 2017. Plus immédiatement, le PS risque une déroute d'une ampleur insoupçonnée aux élections départementales et régionales.

Cette rencontre devrait se dérouler avant le prochain Conseil européen prévu le 12 février. François Hollande souhaite-il récupérer politiquement le discours anti-troïka de Syriza ou, en tous cas, renouer avec son discours de campagne présidentielle ?

On va retrouver les ambiguïtés et contradictions de François Hollande, mais aussi du commissaire européen Pierre Moscovici. C’est-à-dire que les socialistes français, les petits groupes de dirigeants du Parti Socialiste français, tiennent depuis un an ou deux ans, une sorte de double discours.

D'un côté, ils affirment se battre en Europe pour une relance économique et une approche macro-économique différentes. Mais de l'autre, au niveau de la politique budgétaire française, ils suivent une ligne d'austérité et n'hésitent pas à affirmer qu'ils sont tout à fait prêts à faire beaucoup d'économie. A les entendre, on en aurait même jamais fait autant.

Donc il y a une sorte d'ambiguité totale, presque une schizophrénie de la part du PS. Cela se voyait d'ailleurs très bien au moment de l'élection européenne de juin 2014. Le PS faisait campagne pour Martin Schulz, le candidat du PSE, au nom de la lutte contre l'austérité. Alors que dans le même moment, ce dernier nous disait que nous allions faire beaucoup d'austérité en France. C'était une campagne illisible et incompréhensible des socialistes.

De la même manière, François Hollande va recevoir Alexis Tsipras et va probablement tenir un double discours. Il va lui dire qu'il faut casser l'austérité, mais que dans le même temps, la Grèce doit tenir ses engagements. Ce qui n'est pas possible. On ne peut pas faire à la fois de l'austérité et de la relance économique de type keynésien à l'échelle de l'Europe.

Le gouvernement semble prêt au bras de fer avec les sociétés d'autoroutes, en refusant la hausse des prix prévue au 1er février. François Hollande se serait-il converti à la devise des Syriza et autres Podemos : "si, on peut" ?

J'ai l'impression que toute l'attitude de François Hollande montre un grand opportunisme. On va finir par se dire qu'il est comme ce politicien de la 4e République dont on disait qu'il changeait constamment d'avis.

Les convictions politiques de François Hollande ne sont pas nouvelles. Sa conviction du socialisme, nous l'avons vu pendant le début de son quinquennat qui nous a offert une illustration du socialisme qu'il souhaitait appliquer dès le départ. C'est comme lorsqu'il prétend être écologiste. On ne peut pas dire que toute sa carrière politique ait été fondée sur un combat écologique. Si cette idée avait été sa première préoccupation, dixit, il se serait engagé chez les écologistes en 1974. Or, il a préféré s'investir chez les socialistes sous l'égide de Jacques Delors.

Je ne le crois pas vraiment convaincu par les thèses de Syriza ou Podemos. Il les considère plutôt comme des joyeux drilles qu'il faut arriver à maîtriser. Fondamentalement, Alexis Tsipras et François Hollande ne sont pas du tout de la même génération. Ils n'ont pas les mêmes convictions. Il s'agit de deux gauches différentes entre le PS et Syriza et personne n'est dupe, que cela soit du côté de Syriza ou Podemos. En revanche, ils ont besoin de trouver un compromis européen.

La stratégie de Syriza et Podemos, c'est d'utiliser le pouvoir national pour influer sur leschoix européens. L'Europe est tout de même fondée sur l'inter-gouvernemental. Donc à partir du moment où vous accédez au pouvoir d'un pays membre, vous siégez au Conseil européen, dans différents conseils, et vous pouvez avoir une influence et jouer sur plusieurs tableaux. Par exemple, le premier représentant étranger reçu par Alexis Tsipras fut l'ambassadeur de Russie. C'est une manière pour lui de signaler qu'il peut jouer sur les relations diplomatiques.

En France, je ne suis pas sûr que ce soit la stratégie du Front de gauche de créer une coalition des partis d'extrême-gauche européens, car pour le moment il n'en a pas les moyens. Pour ce faire, le Front de gauche doit attendre que la droite revienne au pouvoir. Pour le moment, il reste à la traîne du Parti Socialiste qui est au pouvoir, il n'est donc pas le mieux placé pour incarner l'opposition.

Si François Hollande récupère ce discours anti-troïka (Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Commission européenne), et  anti-corruption des élites (durant l’affaire Cahuzac), est-ce une stratégie électorale qui viserait à récupérer un électorat perdu qui s'est retourné vers le Front national et vers le Front de gauche ? Cela peut-il être payant pour obtenir un bon score électoral lors de l'élection partielle du Doubs de ce dimanche, ainsi que les élections départementales et régionales à venir ?

Le premier challenge pour François Hollande, c'est de faire en sorte que les électeurs socialistes se mobilisent. Le problème électoral de la Gauche, c'est la démobilisation de l'électeur socialiste. Les gens se mobilisent mais ils ne vont pas voter. Ils ne vont ni voter pour le Front de gauche, ou pour l'UMP, ou pour le FN, ils préfèrent tout simplement s'abstenir et rester chez eux.

Le grand enjeu de l'année qui suit, c'est de voir si quelque chose peut mobiliser les électeurs afin de faire en sorte que même le socialiste déçu ait envie de se déplacer pour aller voter.  Les élections départementales vont être un vrai test national, puisque tous les cantons vont devoir se prononcer. On verra à ce moment si l'électeur socialiste, y compris celui qui vient des quartiers populaires, a eu envie de s'exprimer.

Le parti grec Syriza est la première force politique du pays, de même pour le parti espagnol Podemos avec 28,2% d'intentions de vote. A la faveur des bons scores des partis d'extrême-gauche en Europe, François Hollande aurait-il peur en France de se faire doubler par sa gauche lors de la prochaine présidentielle ?

Il faut préciser qu'il y a une petite différence entre l'Espagne et la Grèce. Le score que l'on attribue à Podemos est entièrement dû aux sondages, mais on ne sait pas si les gens vont vraiment voter pour eux. A l'inverse du parti grec Syriza qui avait déjà fait un très bon résultat lors des élections de 2012. Le parti n'était pas passé loin de la victoire et le fait qu'il gagne les dernières élections démontre qu'il s'est enraciné.

Pour l'élection présidentielle de 2017 en France, il est très peu probable que la gauche de la gauche française arrive à faire quoi que ce soit, parce qu'elle sera tenue par la plupart des Français peu politisés comme aussi responsable de ce qui s'est passé sous la présidence de François Hollande. Donc les électeurs qui souhaiteront se débarrasser de François Hollande voteront soit pour l'UMP, soit pour le FN.

Effectivement, il peut y avoir une coalition des Gauches, mais seuls les gens les plus politisés, qui sont une minorité, seront capable de faire la distinction entre François Hollande et le reste de la Gauche. Cela va se voir assez vite pendant les élections départementales. Il y aura sans doute des tentatives de regroupement des forces à la gauche du PS mais mon intuition m'indique que cela ne va pas les mener très loin. Enfin, il ne faut pas oublier que malgré les bons scores actuels du chef de l'Etat, les gens se prononcent sur des critères économiques. Or encore aujourd'hui, nous avons battu un record du chômage. Au-delà des phrases politiques, l'opinion va rapidement revenir au problème du chômage et de l'emploi.

Le nouveau bon de popularité de François Hollande dans les sondages, avec une progression allant de 21 points de popularité jusqu'à 40% d'opinion favorable, peut-il lui permettre de bénéficier d'une nouvelle marge de manœuvre pour proposer en toute confiance des réformes importantes ?

Il a une petite fenêtre d'opportunité, de l'ordre de quelques semaines, pour proposer quelque chose qui sort de l'ordinaire, comme une réforme. Il va montrer qu'il veut s'attaquer au problème du chômage avec autre chose que la loi Macron. Cette loi sera adoptée, mais personne ne croit sérieusement qu'elle va résoudre le problème du chômage. Ce n'est pas en passant de 5 dimanches par an ouvert à la possibilité de travailler dans certains lieux, que cela va changer l'économie française.

Je pense qu'il manque d'idée, d'audace. La seule idée qui est dans l'air en ce moment au Parti socialiste, c'est le service civique universel. Mais il s'agit d'une proposition dangereuse, car les jeunes ne vont pas accepter de passer un an au service de l'Etat sans être payés.

Propos reccueillis par Sarah Pinard

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