Comment le plus important accélérateur de particules pourrait (enfin) nous en apprendre plus sur la plus importante force qui régit l'univers<!-- --> | Atlantico.fr
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L'accélérateur de particules de Genève est en cours de préparation pour de nouvelles expériences qui débuteront en mars 2015.
L'accélérateur de particules de Genève est en cours de préparation pour de nouvelles expériences qui débuteront en mars 2015.
©Reuters

Le côté obscur de la force

L'accélérateur de particules de Genève est en cours de préparation pour de nouvelles expériences qui débuteront en mars 2015. Objectif : trouver des particules de matière noire.

Aurélien Barrau

Aurélien Barrau

Aurélien Barrau est professeur à l’Université Joseph Fourier, membre de l’Institut Universitaire de France et chercheur au Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie du CNRS.

Il a publié en mars 2013 Big Bang et au-delà - Balade en cosmologie (Ed. Dunod) qui explique, dans un langage clair et accessible, les dernières découvertes en cosmologie, et des Univers multiples paru chez Dunod en 2014.

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Atlantico : Le Grand collisionneur de hadrons (LHC) de Genève est sur le point d'être redémarré en mars 2015. Après avoir permis la découverte du boson de Higgs (voir ici), il pourrait contribuer à aider les scientifiques à en savoir plus sur la composition de la matière noire. Qu'est-ce que cette matière noire, et pourquoi s'agit-il d'une quête de première importance ?

Aurélien Barrau : La matière noire est certainement l’une des plus grandes énigmes de la science contemporaine. Non seulement parce que celle-ci perdure depuis plus de cinquante ans mais aussi parce qu’elle n’est explicable par aucun de nos modèles "standards".

De quoi s’agit-il ? Tout simplement de l’essentiel de la masse de l’Univers ! Et nous n’avons aucune idée de ce qui la constitue !

Les étoiles représentent l’immense majorité de la matière visible dans le cosmos. Mais, par plusieurs méthodes indépendantes, et donc avec une grande fiabilité, nous avons pu établir que la masse réelle est très supérieure à la totalité de la masse des étoiles. On appelle cette masse invisible la "matière noire".

De plus, il n’est pas possible de supposer que cette matière noire est cachée à l’autre bout de l’Univers. Celle-ci se trouve également présente au sein même de notre Galaxie. Elle est tout autour de nous, elle est cinquante fois plus abondante que la matière visible, mais sa nature demeure inconnue…

Quels sont les espoirs de réussite par le LHC ? Cela pourrait-il prendre plus de temps qu'escompté ?

Le LHC joue un rôle important dans la résolution de cette énigme pour une raison aussi simple qu’incroyable : on a pu établir que la matière noire ne peut pas être principalement composée des particule élémentaires connues ! Elle constitue donc non seulement une étrangeté pour notre compréhension de l’infiniment grand mais aussi pour notre compréhension de l’infiniment petit. Autrement dit, il doit exister de nouvelles particules élémentaires, qui n’ont pas encore été identifiées, et qui constituent cette étrange matière noire.

Or, le grand accélérateur LHC est justement une machine à créer de nouvelles particules. Il existe donc un espoir légitime que ce dernier apporte la solution à ce paradoxe en mettant en évidence ces étranges corpuscules, dont on ne connaît presque rien, et qui dominent la masse de l’Univers. Cela révolutionnerait également notre compréhension de la structure intime de la matière.

Si le LHC ne décèle aucune particule de matière noire en 2015, cela apportera-t-il tout de même des enseignements ?

Il est en effet tout à fait possible que l’énergie du LHC ne soit pas suffisante pour produire ces particules de matière noire. Ce serait naturellement une situation un peu décevante. Elle ne serait néanmoins pas stérile. En effet, ne rien voir, c’est déjà apprendre quelque chose. Cela signifierait que certains modèles, prédisant une observation auprès du LHC, seraient alors exclus. C’est aussi la manière dont la science procède : par élimination d’hypothèses. A défaut de corroborer une théorie, il serait alors possible d’invalider certaines théories et cela n’est pas dépourvu d’intérêt.

Bien que l’existence de matière noire soit quasi-certaine, parce qu’elle repose sur de la physique bien connue et bien comprise et est confirmée par beaucoup d’observations indépendantes, on ne peut jamais exclure qu’il existe une autre solution. Par exemple qu’en réalité celle-ci ne soit qu’un artéfact dû à une erreur interprétative. Mais, aujourd’hui, rien ne le laisse croire, tout à l’inverse …

Si nous parvenons un jour à connaître la nature exacte de la matière noire, cela permettra-t-il de mieux la "cartographier" dans notre univers ?

Non, pas réellement. A dire vrai la répartition de la matière noire dans l’espace est déjà assez bien connue. Elle ne l’est pas partout (par exemple pas au centre des Galaxies) mais pour l’essentiel, ses effets sont observés et il est donc possible de savoir où elle est. Cette découverte permettrait plutôt de connaître sa véritable nature, ce qui est sans doute plus important encore.

La matière noire est un défi immense qui mobilise un nombre considérable de chercheurs de par le monde. Il s’agit d’une de nos rares indications de l’existence d’une physique non-encore comprise. C’est donc un objet de réjouissance pour les chercheurs !

Propos recueillis par Gilles Boutin

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