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La synchronicité, ce mécanisme qui expliquerait l'étrange pouvoir des coïncidences
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Bonnes feuilles

Certaines coïncidences ont un sens. Elles participent d'un phénomène mystérieux que Jung appelait "synchronicité". La synchronicité est inhabituelle, surprenante. Extrait de "Le pouvoir des coïncidences", de David Richo, publié chez Payot-Rivage (1/2).

David  Richo

David Richo

David Richo, psychothérapeuthe, enseigne au célèbre Institut Esalen, en Californie.

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Voici quelques exemples de synchronicité à des niveaux historiques et personnels.

La synchronicité caractérise le voyage vers l’illumination :

Le prince Gautama naquit dans une famille qui souhaitait le préserver du monde réel pour que sa curiosité le pousse plus tard à aller explorer celui-ci. Lors d’une promenade hors des murs du palais, il découvrit les réalités de la souffrance humaine : la maladie, la vieillesse et la mort. Le prince se tourna alors vers la pratique spirituelle de l’ascétisme, à un point si extrême qu’il mit sa santé en péril. Un jour une jeune fille vint lui apporter un bol de lait de riz, et il comprit la sagesse de la modération, de la voie médiane. Il s’assit sous un figuier en une méditation parfaite, ouvert à l’illumination, et elle finit par arriver.

Dogen Zenji parle de cette expérience d’illumination comme d’une synchronicité : « Quand l’étoile du matin apparut, moi et la terre immense avec tous ses êtres vivants devinrent simultanément des bouddhas. » Chaque événement de la vie de Gautama dessine une voie vers l’illumination. Chaque événement de notre vie est de la synchronicité quand il s’aligne pour rendre l’illumination possible à tout moment.

La synchronicité apparaît en une occurrence unique, parfois douloureuse, qui déclenche une chaîne d’événements oeuvrant pour le meilleur :

Joseph, dans l’Ancien Testament, fut vendu en esclavage aux Égyptiens par ses frères. Il prit du pouvoir en Égypte grâce à son don d’interprétation des rêves et à son intégrité personnelle. Ayant interprété le rêve de Pharaon, il sut se préparer en vue de la famine à venir. Quand ses frères, bien des années plus tard, souffrirent de cette même famine, ils vinrent trouver Joseph, qui put alors les nourrir et se réconcilier avec eux.

La synchronicité se trouve dans un événement qui semble dépourvu de sens au moment où il survient, mais qui se révèle plus tard de la plus haute signification :

Abraham Lincoln, par compassion pour un homme contraint de vendre ses biens, lui acheta un tonneau au prix qu’il en demandait : un dollar. Il ne l’interroga jamais sur ce qu’il contenait. Il le garda chez lui et l’oublia. Plus tard, Lincoln traversa une longue période de confusion et d’indécision, hésitant entre une profession juridique et le journalisme. Au milieu de ce dilemme, il remarqua le tonneau qu’il ouvrit machinalement. Il contenait une pile de livres de droit. Lincoln y vit un signe et intégra la profession qui allait le conduire à la politique et à la présidence. Les nombreuses synchronicités de la vie de Lincoln – et de celle de la plupart des grands personnages – montrent à quel point la synchronicité dirige notre destinée.

La synchronicité peut surgir sous la forme d’un rêve qui répond à une question préoccupante, ou d’un rêve qui prédit l’avenir :

Elias Howe, au XIXe siècle, inventa la machine à coudre. Mais il n’arrivait pas à concevoir un système où le fil passait à la fois dans l’aiguille et dans le tissu. Il y réfléchit longtemps, mais en vain. Sans cette aiguille, son invention était inutilisable. Une nuit, Elias, qui vivait dans le Massachussetts, rêva qu’il était en Afrique, face à des indigènes munis de lances étranges. Son attention fut attirée par la forme inhabituelle des pointes, dotées d’un trou oblong en leur milieu. Quand Howe s’éveilla, il comprit qu’il avait trouvé la solution à son problème.

La synchronicité se manifeste dans des décisions soudaines ou spontanées que nous prenons sans savoir pourquoi, et qui se révèlent plus tard signifiantes :

Fritz Perls, fondateur de la gestalt-thérapie, enseignait dans une université allemande au cours des années 1930. Le chef de son département lui demanda un jour, ainsi qu’à deux autres collègues, s’il serait intéressé par un poste en Afrique du sud. Les deux collègues commencèrent à poser des questions sur les aspects pratiques de cettemutation,mais Perls, lui, accepta aussitôt. Ils étaient juifs tous les trois et, quelques années plus tard, ses deux collègues étaient en camp de concentration tandis que Perls vivait en sécurité en Afrique. Il émigra ensuite en Amérique où il fit d’importantes contributions au domaine de la psychothérapie.

La synchronicité apparaît dans une coïncidence inhabituelle qui se révèle ensuite nécessaire ou adjuvante :

Au Nebraska, voici quelques années, aucun des membres du choeur de l’église ne se présenta pour la répétition le soir où la chaudière explosa. Ils eurent la vie sauve grâce à cette coïncidence. Avant cette soirée, tous les membres étaient venus ponctuellement chaque semaine à la répétition.

La synchronicité peut apparaître comme une réponse à une question sur le futur ou sur la réalité d’un monde spirituel :

Un soir, Concetta, une femme d’âge moyen dont la mère venait de mourir, était assise avec son père dans la maison où elle avait grandi. Son mari devait venir la chercher en voiture plus tard pour la ramener à la maison. Tandis que son père somnolait, Concetta se rappelait sa mère en se demandant s’il y avait un paradis ou une quelconque forme de vie après lamort. Soudain, elle s’entendit dire : «Maman, s’il y a un autre monde, envoie-moi une tranche de pizza ». Peu après, son mari l’appela d’une pizzeria pour lui dire qu’il ne pourrait pas venir la chercher mais que son frère allait venir à sa place. « Très bien », dit-elle. Elle était sur le point de raccrocher quand Tony ajouta : « Et à propos, il t’apporte une tranche de pizza. »

La synchronicité se manifeste dans notre façon de découvrir notre destinée par le biais des gens et des événements :

Mère Teresa était née en Albanie. À l’âge de quinze ans, elle entendit parler de femmes qui travaillaient comme missionnaires parmi les pauvres. Elle brûlait d’un ardent désir de les imiter. À dix-huit ans, n’ayant jamais vu un couvent de sa vie, elle quitta son foyer pour entrer chez les soeurs de Lorette, missionnaires en Inde. Bientôt, Mère Teresa se retrouva en train d’enseigner à Calcutta, mais le couvent et l’école étaient protégés par de hauts murs et fréquentés par des jeunes filles riches, et elle ne fut pas autorisée à travailler dans les taudis où elle se sentait appelée. À trente-huit ans, elle reçut une autorisation spéciale du pape pour réaliser son rêve. Elle ressentit une profonde solitude en enseignant aux pauvres toute seule, sans argent, sans fournitures ni soutien fraternel. Un jour, elle vit une femme à l’agonie dans la rue et demeura près d’elle. Cette expérience élargit la portée de sa mission et elle se mit à s’occuper des pauvres et des moribonds. Une religieuse vint la rejoindre. Aujourd’hui, des milliers de religieuses et de laïcs poursuivent son oeuvre à travers le monde. Sa destinée commença par un voeu et s’acheva par une oeuvre en faveur des nécessiteux, mettant à contribution les possesseurs des richesses de ce monde. C’est grâce à ces rencontres et une suite d’événements simples que son destin put s’accomplir comme le monde et elle-même avaient besoin qu’il s’accomplisse.

Il y a de la synchronicité dans la façon dont un handicap physique et/ou une blessure émotionnelle devient le début de notre mission dans la vie ou du déploiement de nos talents. L’archétype du guérisseur blessé prospère sur cette synchronicité :

Les propres malheurs de Helen Keller, qui était sourde et aveugle, furent le catalyseur qui lui permit de trouver sa destinée au service des autres. Le film My Left Foot en est un autre exemple : Christy Brown, atteint d’infirmité motrice cérébrale et incapable de se servir de ses mains, utilisa son pied gauche pour exprimer son talent de peintre et d’écrivain.

Dans notre propre vie, nous avons pu être maltraités dans l’enfance et nous demander maintenant comment cela nous a aidés à devenir plus forts et à montrer davantage de compassion aux autres. « J’ai été négligé, ce qui m’a appris à être autosuffisant. J’ai été exclu, et je suis donc plus attentif à inclure les autres. » Nos blessures sont souvent les ouvertures vers la meilleure et la plus belle partie de nous-mêmes. Nous nous rappelons tous la cruelle marâtre des contes de fées. Dans un conte, cet archétype est souvent un élément nécessaire pour que le héros ou l’héroïne devienne un personnage puissant et riche. Les histoires de héros et d’héroïnes commencent souvent par une blessure, une perte ou une injustice, et se terminent par des actes héroïques de restauration et d’amour qui transmettent des dons : « Il faut précisément tout ce mal et toute cette douleur pour que survienne la grande émancipation », dit Nietzsche.

La synchronicité peut nous ouvrir à notre travail psychologique ou à notre sentiment d’un monde situé au-delà de la pensée scientifique rationnelle :

L’une des patientes de Jung était une jeune femme résistante à sa forme de traitement transpersonnel archétypal parce qu’elle était trop « dans sa tête ». Un jour, elle lui confia un rêve où elle tenait en main un scarabée doré. Tandis que Jung l’écoutait, il fut distrait par le tapotement d’un insecte contre la vitre. Il ouvrit la fenêtre et l’insecte entra dans la pièce. C’était un Scarabaeidae, un proche équivalent du scarabée du rêve de sa patiente. Il virent l’un et l’autre une synchronicité dans cet événement, et la patiente devint plus ouverte à la dimension spirituelle de sa vie.

La synchronicité est à l’oeuvre quand quelque chose survient qui donne substance à une croyance ou à une philosophie de la vie :

Dans Les Archétypes et l’Inconscient collectif, Jung raconte une histoire touchante qui a conforté sa conviction que les hommes ont toujours espéré une vie après la mort, et qui illustre le pouvoir de l’amour : « En Haute-Égypte, près d’Assouan, j’ai regardé un jour dans une ancienne tombe égyptienne qui venait d’être ouverte. Juste derrière la porte d’entrée se trouvait un petit panier d’osier contenant les restes d’un nouveau-né enveloppé de chiffons. À l’évidence, la femme d’un maçon avait hâtivement déposé le corps de son enfant mort dans la tombe du seigneur à la dernière minute. Elle espérait sans doute que, quand le grand homme monterait dans la barque du soleil pour renaître, le petit passager clandestin pourrait partager son sort, se trouvant dans l’enceinte sacrée à portée de la grâce divine. »

Extrait de "Le pouvoir des coïncidences", de David Richo, publié chez @Payot-Rivage, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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