Big Bang, la théorie qui pourrait tout changer : ce ne serait pas l’origine de l’univers<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Big Bang ne serait pas le commencement de tout.
Le Big Bang ne serait pas le commencement de tout.
©Reuters

Révolution

C'est une idée qui fait son bonhomme de chemin dans la communauté scientifique : le Big Bang ne serait pas le commencement de tout. Autrement dit, contrairement au modèle standard actuel il est possible que l'Univers ait existé de toute éternité.

Aurélien Barrau

Aurélien Barrau

Aurélien Barrau est professeur à l’Université Joseph Fourier, membre de l’Institut Universitaire de France et chercheur au Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie du CNRS.

Il a publié en mars 2013 Big Bang et au-delà - Balade en cosmologie (Ed. Dunod) qui explique, dans un langage clair et accessible, les dernières découvertes en cosmologie, et des Univers multiples paru chez Dunod en 2014.

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Atlantico : Une hypothèse agite actuellement la communauté scientifique : le Big Bang de serait pas à l'origine de l'univers. En quoi consiste cette découverte ?

Aurélien Barrau : Il est sans doute prématuré de parler de découverte. C’est un modèle qui a suscité des centaines d’articles de recherche et beaucoup d’interventions à des conférences internationales. Nous n’avons à ce jour aucune certitude. Mais le fait est qu’un faisceau d’indices tend aujourd’hui à remettre en cause l’idée ou l’image d’un Big Bang en tant qu’instant originel de l’Univers. Il est en effet possible que ce que nous pensions être le "début" ne soit en réalité qu’un point de passage ou un goulet d’étranglement entre l’actuelle phase d’expansion de l’Univers et une phase de contraction qui l’aurait précédée.

On parle alors de Big Bounce (grand rebond) à la place du Big Bang.

Naturellement, il s’agirait d’une immense révolution puisqu’au lieu d’avoir une origine, comme le suggère le modèle usuel, notre univers réinvestirait l’éternité ! Il aurait alors toujours été là et ce que l’on croyait être le Big Bang ne serait qu’un état extraordinairement dense (autour de 10^93 g/cm^3) qui séparerait deux états distincts : celui de "tassement" et celui de "dilatation" de l’espace. Il deviendrait donc enfin possible d’évoquer l’avant Big Bang (ou plus exactement donc l’avant Big Bounce).

Comment cette nouvelle théorie a-t-elle émergé ?

A ce stade ce modèle est purement théorique. Mais il repose sur des approches fiables et sous contrôle de physique mathématique.

En physique, nous avons deux grandes théories : la mécanique quantique, d’une part, qui décrit très bien l’infiniment petit, et la relativité générale, d’autre part, qui décrit très bien l’infiniment grand. Hélas ces deux approches sont extrêmement difficiles à concilier. Depuis près d’un siècle les plus grands esprits s’y emploient sans succès évident. Heureusement, la situation a changé il y a quelques décennies. De nouvelles pistes sont apparues, en particulier la "gravitation quantique à boucles". Celles ci permettent, en quelque sorte, de penser de l’autre coté du Big Bang.

Ces modèles – fondés sur une physique relativement bien connue et comprise – font apparaître une structure granulaire de l’espace qui serait composée de petits "atomes", à l’instar de la matière elle même. Mais ces atomes d’espace évolueraient de façon quantique, c’est à dire en partie aléatoire !

Quelle(s) théorie(s) remet-elle en cause ?

C’est naturellement la relativité générale d’Einstein qui serait ici remise en cause. Mais il s’agit moins de la remplacer que de la prolonger. La gravitation quantique demeure fidèle à l’esprit de la relativité, elle tente simplement d’intégrer également les leçons de la physique de l’infiniment petit, c’est-à-dire de la physique quantique.

L’avènement d’une telle théorie serait d’une immense portée, comparable aux révolutions que nous avons connues au début du vingtième siècle.

Dans le domaine de la cosmologie, c’est donc tout l’histoire de l’univers très jeune qui se trouverait radicalement modifiée puisque le Big Bang ne serait plus qu’un "point de passage", rebaptisé Big Bounce. Contrairement au modèle standard actuel, l’Univers aurait donc existé de toute éternité.

Mais les conséquences vont au-delà. Elles se déploient par exemple dans le domaine des trous noirs. Ceux-ci pourraient totalement changer de statut. Ils deviendraient en particulier des astres en rebond. En fait au sens strict, il n’y aurait plus des trous noirs.

A quelles nouvelles recherches ce nouveau modèle ouvre-t-il la voie ?

Le futur immédiat de ces avancées, c’est évidemment le lien avec l’observation. Des calculs, aussi élégants et subtils soient-ils, ne suffisent pas. Il faut des indices expérimentaux. Et je dirais que c’est la bonne nouvelle : bien que l’on parle ici de choses extraordinairement lointaines, il n’est plus exclu que des traces visibles demeurent !

Par exemple en scrutant le rayonnement cosmologique fossile (celui-là même qu’observe le satellite européen Planck), nous espérons pouvoir dans les prochaines années trouver des vestiges des cette phase de contraction avant le grand rebond. Voire des restes de l’ère de gravitation quantique. C’est une perspective extrêmement excitante et novatrice. Les physiciens attendent ce moment depuis très longtemps…

Y a-t-il des conséquences plus... philosophiques?

Incontestablement la "naissance" de l’Univers ex-nihilo, telle que suggérée par le modèle standard, est plus que délicate à penser d’un point de vue métaphysique. Que, finalement, l’univers ait pu exister éternellement – comme on le suggère ici – est certainement un pas remarquable vers une plus grande cohérence. Il se pourrait même qu’en réalité l’image du monde devienne cyclique puisqu’il aurait pu y avoir plusieurs Big Bounce, en écho avec certaines cosmogonies anciennes.

Au-delà, il s’agit ici du grand récit de nos origines. D’une science fondamentale qui ne cherche pas les applications ou les retombés économiques et se concentre sur les questions essentielles du savoir "pour le savoir". Espérons que celle-ci, comme la philosophie, les arts et la littérature ne soit pas totalement oubliée par notre société consumériste qui semble bien peu s’en soucier …

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