Couple : qui se ressemble s’assemble et cela produit bien des dégâts <!-- --> | Atlantico.fr
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Les partenaires des couples naissants sont souvent (même sans le savoir) attirés par des caractéristiques communes.
Les partenaires des couples naissants sont souvent (même sans le savoir) attirés par des caractéristiques communes.
©Google Maps

Origine du couple

Codes sociaux, éducation, harmonie vestimentaire, valeurs communes... Les partenaires des couples naissants sont souvent (même sans le savoir) attirés par des caractéristiques communes. Une attitude qui s'explique par l'appréhension de la vie commune, mais qui a de réels conséquences sur la société, notamment en termes de mixité sociale.

Gérard  Neyrand

Gérard Neyrand

Gérard Neyrand est sociologue, est professeur à l’université de Toulouse), directeur du Centre interdisciplinaire méditerranéen d’études et recherches en sciences sociales (CIMERSS, laboratoire associatif) à Bouc-Bel-Air. 

Il a publié de nombreux ouvrages dont Corps sexué de l’enfant et normes sociales. La normativité corporelle en société néolibérale  (avec  Sahra Mekboul, érès, 2014) et, Père, mère, des fonctions incertaines. Les parents changent, les normes restent ?  (avec Michel Tort et Marie-Dominique Wilpert, érès, 2013).
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Atlantico : Pourquoi aime-t-on vivre avec une personne qui nous ressemble ?

Gérard Neyrand : Cela fait longtemps que les choses fonctionnent comme cela. Les personnes partagent un certain nombre de choses communes : elles ont les mêmes codes sociaux, les mêmes façons de décrypter le monde et des valeurs communes. La vie conjugale, qui est extrêmement impliquante, est plus facile avec des personnes qui ont la même façon de voir les choses et qui ont été socialisées de la même manière.

Jusqu'à récemment, les modes de constitution des couples se faisaient au sein des cercles de proximité : on rencontrait des personnes qui nous ressemblaient, que ce soit au bal ou dans la sphère professionnelle. Il y avait ainsi une double détermination, à la fois socio-culturelle et socio-économique.

L'homogamie a-t-elle un jour disparue ? Est-elle de nouveau favorisée ?

L'homogamie n'a jamais disparu. De nombreux écrits de différents écrivains à travers l'histoire le montrent. Au temps de Louis XIV, Molière a par exemple basé toute son œuvre sur les contradictions entre les logiques homogamiques et les sentiments amoureux qui peuvent transformer ces logiques sociales. Il y a toujours eu une tendance à prendre son conjoint dans son univers proche et l'homogamie n'a jamais été vraiment remise en question. Toutefois, elle a connu des variations importantes. On peut citer notamment la naissance des sites de rencontres qui ont constitué une ouverture et ont participé à un certain dépassement de la logique homogamique : des sites généralistes comme Meetic ont permis à des personnes qui avaient peu de chances de se rencontrer dans la vie de pouvoir le faire.

Aujourd'hui des sites de rencontre prônent la renconte entre personnes qui se ressemblent ? Qu'est-ce qui favorise cette tendance ?

Avec la deuxième phase de développement des sites de rencontres, nous sommes assez rapidement revenus à des logiques de "qui se ressemble s'assemble". Ces sites mettent en relation des gens sur la base de critères de proximité, qui servent de point d'accroche, comme l'appartenance religieuse ou politique, un loisir privilégié ou encore une apparence physique. L'homogamie revient ainsi à grand galop après l'ouverture qu'avait constitué l'apparition des sites généralistes.

Mais à côté de la logique homogamique, il y a toujours eu des exemples qui prennent le contre-pied de la norme dominante. La littérature s'est servie de ces contre-exemples de situations de conjugalité pour montrer qu'il était possible dépasser la logique homogamique, notamment au nom de l'amour et de la violence des sentiments passionnés dans Roméo et Juliette par exemple.

Y a-t-il des différences majeures entre les hommes et les femmes à ce niveau ? Le mythe de Cendrillon existe-il encore ?

C'est une question complexe. Nous sommes dans une société occidentale où globalement les hommes ont un meilleur niveau de salaire et professionnel que les femmes. Le mariage favorise ainsi tendanciellement une promotion sociale de la femme par l'union. Mais dans le même temps, l'évolution sociale fait que le niveau professionnel et de rémunération des femmes se rapproche de celui des hommes. L'asymétrie très forte qui caractérisait la société antérieure n'a pas disparu mais s'est bien érodée et il y a une plus grande proximité entre les hommes et les femmes avec notamment le passage du modèle de la femme au foyer au celui du couple à double-carrière.

Quel est l'impact de cette homogamie sur les inégalités sociales ? Constitue-t-elle un frein à la mixité sociale ?

On peut en effet penser que c'est un frein à la mixité sociale. Si on prend l'exemple des couples mixtes, le mariage constituait un facteur d'intégration de la personne étrangère à la société française. Toutefois, nous sommes dans des logiques et des tendances un peu contradictoires concernant l'homogamie, des tendances contradictoires que l'on retrouve plus généralement dans la société au niveau des mouvements sociaux : certains vont vers plus de mixité sociale tandis que d'autres s'inscrivent dans des logiques communautaristes et de repli sur soi.

Peut-on lutter contre la logique homogamique ?

Les logiques de convivialité sont des logiques individuelles qui sont surdéterminées par des logiques sociales échappant aux individus. Mais il a toujours la possibilité pour l'individu d'échapper à ces logiques sociales qui se mixent avec tout un ensemble de paramètres. Comme on peut être attiré par ce qui nous ressemble, on peut aussi être attiré par la grande différence. Nous sommes ainsi confrontés à la grande complexité de l'être humain. Freud avait eu une intuition importante quand il disait que le sujet est toujours proie à des contradictions et des ambivalences, de dimensions sociales ou de dimensions psychologiques inconscientes. 

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