Shia LaBeouf affirme avoir été violé par une femme : au-delà de son cas, oui forcer les garçons, ça arrive...<!-- --> | Atlantico.fr
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L'acteur Shia LaBeouf a déclaré dans une interview avoir été violé par une femme.
L'acteur Shia LaBeouf a déclaré dans une interview avoir été violé par une femme.
©Reuters

Tabou

L'ancien acteur vedette d'Hollywood dévoile une sordide histoire qui aurait eu lieu le jour de la Saint-Valentin. Lors d'un échange avec une journaliste du magazine Dazed and Confused, il a affirmé avoir été violé par une femme. Sa participation à une expérience "#iamsorry", lors de laquelle il se présentait avec un sac sur la tête et demandait à être insulté ou fouetté, aurait mal tourné.

Ghislaine Paris

Ghislaine Paris

Ghislaine Paris est médecin sexologue. Elle est notamment l'auteur de Un désir si fragile (Quotidien malin, 2014) ou encore Faire l'amour pour éviter la guerre dans le couple avec Bernadette Costa-Prades (Albin Michel, 2010)

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Atlantico : Au-delà du cas spécifique ici relaté, la situation d'agression physique sexuelle d'un homme par une femme est-elle plausible ? Cela se produit-il plus souvent qu'on le sait ou croit ?

GhislaineParis : C'est tout à fait vraisemblable et véridique ! Il n'y a d'ailleurs pas de raison qui s'y opposent. Les femmes comme les hommes ont des problématiques par rapport à la gestion de leurs pulsions sexuelles. Des femmes border line, perverses, cela existe comme les hommes.

Jusqu'à maintenant, il y avait une barrière culturelle énorme, presqu'invisible, qui les empêchait sans doutes les femmes de trop passer à l'acte. Même si elles le faisaient vraisemblablement auparavant, elles le font d'autant plus aujourd'hui avec le changement social. Et peut-être qu'elles l'expriment plus facilement qu'avant aussi. Mais attention, il ne faut pas perdre de vue qu'il est culturellement difficilement admissible pour un homme de reconnaître avoir été vicitme d'une violence sexuelle de la part d'une femme. 

Sébastien Boueilh : Jusqu’ici personne n’en parlait tout simplement. Mais ce phénomène a en réalité toujours existé. Ceci dit, il y a peut-être un peu plus de pédophilie depuis l’arrivée d’Internet à cause des sites pédopornographiques. Selon l’Unicef, 750 000 prédateurs sexuels sont connectés dans le monde et agrémentent les quelques 4 millions de sites de la sorte de 200 nouvelles photos. Dans les histoires que j’ai pu écouter, toutes les agressions sur des hommes ont été commises par des hommes. On estime d’ailleurs à 1% les personnes attirées par les enfants, abstinents ou actifs. Et 5 à 10 % de ces personnes sont des femmes. Car on ne le sait pas forcément, mais oui, les femmes aussi peuvent être pédophiles. Par exemple, une des histoires qui m’a été rapportée est celle d’une enfant qui a été violée de sa naissance à l’âge de 4 ans par sa mère. Donc finalement, on n’est pas très éloigné du film Polisse, qui d’ailleurs est tiré d’histoires vraies.

Patrick Blachère :  Il faut distinguer les hommes victimes enfant et les hommes victimes adultes. Il n’y a aucune raison pour que les garçons ne soient pas autant victimes que les filles. Il faut savoir que les pédophiles peuvent être autant attirés par des enfants de sexe opposé que des enfants de même sexe. La plupart même sont statistiquement plus attirés par ces derniers. Une chose est sûre, on parle beaucoup moins des garçons victimes que des filles victimes, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’adolescents agressés par des femmes. Un rapport sexuel entre un adolescent et une femme va tout de suite être considéré comme une initiation sexuelle, alors qu’en fait il s’agit d’un acte de pédophilie. Ces adolescents sont finalement victimes de l’idée reçue que l’on a d’eux, à savoir l’obsession de la sexualité propre à leur âge. Un garçon de 13 ans qui a un rapport sexuel avec une femme de 35 ans sera moins choquant qu’une fille de 13 ans ayant un rapport sexuel avec un homme de 35. Et pourtant, c’est la même chose.

Il y a une sous-représentation de l’adolescent victime car on considère justement qu’il n’est pas victime. Et pour l’adulte, cette sous-représentation est encore plus importante. J’en veux pour preuve les violences conjugales. Il y a bien sûr les violences physiques mais aussi sexuelles, chose dont on ne parle pas. Une étude a été réalisée à ce sujet en 2008 qui révélait qu’un nombre non-négligeable des hommes interrogés avaient été victimes de viol par leurs femmes au moins une fois. Et pourtant, aucune plainte n’avait été déposée. Ce qui prouve l’existence d’un tabou à ce sujet.

Finalement, les hommes victimes n’en parlent pas car il y a un sentiment de honte, surtout si l’agresseur est une femme. Pour l’adulte, le sentiment de honte est pire encore, notamment lorsqu’il y a pénétration anale. Il faut dire à ces victimes qu’elles sont victimes et qu’elles ont le droit de porter plainte comme les femmes.

Ces violences sont-elles plus verbales, morales ou physiques ?

GhislaineParis : Du fait de la différence de force physique et de la représentation qu'ont les femmes de leur femmité, ou tout simplement du fait qu'elles ont longtemps été victimes des hommes, les violences verbales sont beaucoup plus fréquentes que les physiques. Et beaucoup plus faciles comme recours également. Les exemples au quoitidien ne manquent pas. Il n'empêche queles violences sexuelles ou physique ont quand même lieu.

Fierté, atteinte à la virilité... Est-ce en cela que les hommes ont du mal à en parler ?

GhislaineParis :Il est question d'atteinte au symbole de la virilité : la force, la puissance, la conquête et la prédation. Ainsi, il est compris d'une certaine manière que le violeur soit associé à l'image de l'homme. Alors qu'une femme prédatrice, violente, forte, dominante, c'est moins admis.

Si un homme se fait violer par une femme, cela signifie pour beaucoup d'entre eux (à tort évidemment) qu'ils sont faibles, incapables de se défendre, dominés par une femme. Ainsi, ils ont l'impression d'avouer la défaillance de leur virilité, à tort bien sûr. Autrement dit, ils ont l'impression de nier leur masculinité, le fait d'être des hommes.

Il est ainsi très difficile de produire des statistiques fiables. Mais il le faudrait pour lever le tabou, l'omerta qui règne dans ce domaine là.  

Sébastien Boueilh : C’est une question de fierté. Il est déjà très difficile pour une femme de parler d’un viol, alors pour un homme ça l’est d’autant plus. Généralement, les hommes n’arrivent pas à en parler car ils ont peur de se faire traiter d’homosexuel ; cela remet en cause leur hétérosexualité et aussi leur masculinité. Pour ma part, je n’osais pas en parler à cause de ça. Depuis que je suis passé sur TF1, M6, France 3 et L’Equipe 21, les hommes qui me contactent sont beaucoup plus nombreux. Et ce, grâce au fait que je sois un homme, rugbyman, que j’ai réussi à mettre ma fierté de côté et que j’ai pu révéler au grand public ce qui m’était arrivé. Mon témoignage a réussi à libérer leur parole. Ainsi, on est passé de 10 témoignages par mois à 150 par semaine. Nos publications étaient vues en général 3000 fois et aujourd’hui, notre audimat atteint les 35 000. Le reportage de TF1 a été partagé 300 fois. Finalement, on a couvert beaucoup de monde. J’ai donc créé un forum mensuel où je serai accompagné d’une psychologue-victimologue afin de répondre aux victimes.

Patrick Blachère : Les hommes sont peut-être moins souvent crus ou considérés comme victimes que les femmes. De plus, on attend d’un homme, même d'un garçon, qu’il sache se défendre. Ces tabous existent toujours dans notre société. Et la victime, qu’elle soit homme ou femme, a toujours tendance à se culpabiliser. Nous cliniciens, on retrouve cette culpabilité encore plus chez les victimes hommes. On associe en effet souvent à l’agression sexuelle d’un homme par un homme ou une femme par un homme un côté humiliant. Notamment dans l’acte d’une fellation imposée ou d’une sodomie. Parfois, on va même jusqu’à des pratiques sexuelles plus régressives, c’est-à-dire que l’agresseur va se mettre à uriner ou à déféquer sur sa victime. Ce type de pratique renforce la culpabilité et empêche réellement de parler. La grande difficulté qu’ont les garçons ou hommes à porter plainte, c’est qu’être victime de quelque chose signifie également ne pas avoir pu se défendre et donc être en quelque sorte responsable de ce qui est arrivé.

Ces hommes victimes de violences sexuelles souffrent-ils de séquelles particulières ?

GhislaineParis :On retrouve des séquelles à l'identique de celles des femmes : une sensation de dépersonnalisation, une atteinte énorme au niveau de leur vie sexuelle, de leur confiance, de leur image. Dans le cas des hommes, c'est aussi comme on le disait, l'atteinte à la virilité. Un de mes patients était victime de la perversion de sa compagne, plus verbale que physique.

Reste que cet homme est arrivé à remettre en question sa masculinité. Il souffrait d'un trouble au niveau de son identité sexuelle, se demandait s'il pourrait de nouveau rencontrer et aimer une femme, envisageant de se tourner de fait vers l'homosexualité, alors qu'il se définissait initialement comme hétérosexuel. 

Sébastien Boueilh : Chaque personne réagit à sa manière. Certaines tombent dans l’alcool, d’autres dans la drogue, d’autres dans le sexe. Dans le sexe, comme pour se réapproprier sa sexualité. Pour ma part, je consommais de la femme pour prouver que j’étais un homme. Le chemin de la sexualité se forme à partir de 10 ans. La plupart des victimes se font agresser à cette période-là et ne savent donc plus trop quel est le chemin à prendre. Une autre séquelle possible est l’argent. Certains gaspillent leur argent à tout va. Je me suis même fait interdire de casino.

D’autres encore s’autodétruisent, parfois, et malheureusement, jusqu’au suicide. Finalement, on n’a plus de limites dans ses réactions, on ne réfléchit plus vraiment, voire plus du tout. Concernant la confiance en soi, on n’en a plus. J’ai eu la chance d’avoir le rugby. Ça m’a permis d’avancer, de montrer que j’existe. J’ai réussi à m’en servir pour m’en sortir. Mais d’autres, au contraire, vont s’enfermer, devenir introverti. Quelle que soit la manière de réagir, les séquelles sont graves.

Patrick Blachère : Elles peuvent être à la fois physiques et psychiques. Chez les hommes, il s’agit essentiellement d’IST (Infections Sexuellement Transmissibles). Si acte de barbarie il y a, on peut également mentionner des lésions sphinctériennes et donc des incontinences anales, qu’on retrouve chez les garçons, mais aussi chez les filles lorsqu’il y a sodomie.

Il y a des dégâts psychiques principalement lorsqu’il n’y a pas reconnaissance du statut de victime et lorsqu’il n’y a pas d’accompagnement psychologique par la suite. Cet accompagnement est essentiel : il faut que la victime puisse se reconnaître comme telle et donc dépasser sa culpabilité. On note notamment comme séquelles le stress post-traumatique, c’est-à-dire la peur de se faire agresser, de se faire retrouver par son agresseur accompagné d’un repli sur soi et d’une hyper-émotivité. Certaines personnes développent également des troubles de la personnalité (instabilité, impulsivité, notamment dans le cadre de violences sexuelles intrafamiliales). En aigu, on peut également avoir à faire à des épisodes dissociatifs. Par exemple, un étudiant que j’ai rencontré il y a peu s’est fait violé par plusieurs camarades. Suite à cela, il s’est mis à errer dans les rues pendant plusieurs jours, complètement perdu.  

D’un point de vue sexuel, il y a évidemment des conséquences qui se traduisent soit par un trouble de l’identité sexuelle, c’est-à-dire que la personne va se chercher, soit par un blocage purement fonctionnel, c’est-à-dire des problèmes érectiles ou des troubles du désir.

Les femmes n'ont-elles pas aujourd'hui une attitude plus entreprenante ? Les hommes subissent-ils ainsi eux aussi une sorte de pression sociale au rapport sexuel ?

Patrick Blachère : Les femmes utilisant maintenant les réseaux sociaux pour communiquer, elles osent plus les échanges à caractère sexuel. Et notamment chez les adolescents, on assiste parfois à du harcèlement sexuel d’une adolescente à un adolescent, qui lui, en sort traumatisé.

Les hommes subissent bien sûr une pression sociale par rapport à cela. Un homme osera moins porter plainte contre son chef, qui le harcèle sexuellement, s’il s’agit d’une femme que d’un homme.

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