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Quel futur pour notre système de retraite ? Les scénarios envisageables
©Reuters

Bonnes feuilles

Ce livre entend démontrer que notre future retraite dépend de choix collectifs mais aussi de choix individuels. Extrait de "Retraite - juste un autre monde", de Philippe Crevel, publié aux éditions Temporis (1/2).

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Les pistes pour demain et après-demain

Demain, aurons-nous encore une retraite, aurons-nous encore un régime général, des régimes complémentaires ? Devrons-nous travailler jusqu’à 70 ans ? La répartition aura-t-elle laissé la place à la capitalisation ?

La disparition du système de retraite bâti depuis 70 ans est peu réaliste : difficile d’imaginer que les actifs de demain ne versent plus de cotisations ou que celles-ci soient affectées au remboursement des dettes accumulées. Evidemment que notre système de retraite devra évoluer pour s’adapter aux mutations économiques et sociales.

Si l’évolution de la population est largement connue, les jeunes et les actifs d’aujourd’hui devenant respectivement les actifs et les retraités de demain, il est plus difficile de prévoir le taux de croissance de la France en 2020 ou en 2030 ou encore le taux de chômage et les gains de productivité à 5, 10 ou 20 ans. En outre le rôle des acteurs publics, gouvernements, partenaires sociaux n’est pas négligeable sur la longueur.

C’est pourquoi plusieurs scénarii sont possibles. Certains sont utopiques mais permettent de prendre du recul et de s’affranchir des cadres en vigueur depuis 70 ans.

Les différents scénarii retenus couvrent la période 2014 – 2040 marquée par l’arrivée à la retraite de toutes les classes du baby-boom. Cette période qui commence, constitue à coup sûr une phase délicate pour le financement du passif social de la nation. Après 2040 les aléas économiques et sociaux à prendre en compte sont trop nombreux. Par ailleurs, avec la disparition progressive des générations d’après-guerre, la situation pourrait s’améliorer d’autant plus si la France conserve un bon taux de fécondité.

D’ici 2040, les régimes de retraite devront gérer un afflux de 800 000 entrants par an tandis que le nombre de décès devrait progressivement s’accroître passant de 572 000 en 2013 à plus de 700 000 autour de 2030. Le nombre de retraités se rapprochera alors de 25 millions contre 15 millions aujourd’hui, quand la population active se stabilisera autour de 34 millions.

Les gains d’espérance de vie devraient se poursuivre même si un ralentissement est prévu, celle des hommes devrait être autour de 82 ans et celle des femmes autour de 90 ans.

Un fort regain de la natalité n’aurait que peu d’impact sauf s’il intervenait dans les prochaines années. Il faut en effet 25 ans avant qu’une génération concourt au financement de la protection sociale. L’immigration est une variable pouvant aussi modifier les équilibres des comptes sociaux. Un doublement du nombre d’immigrés d’âge actif arrivant chaque année sur le territoire permettrait d’endiguer la baisse de la population active qui devrait intervenir autour de 2030.

SCÉNARIO DU RETOUR À BONNE FORTUNE

Le retour à bonne fortune suppose qu’à un moment ou à un autre la France retrouve un rythme de croissance correct, autour de 2%, et que le taux de chômage se contracte fortement pour revenir entre 4 et 6%. S’il y avait en plus un léger regain d’inflation réduisant le poids de la dette et le montant en valeur réelle des pensions, la restauration des équilibres s’en trouverait amplement facilitée. Moins de chômage donnerait la possibilité comme cela a été maintes fois annoncé, de transférer une partie des cotisations chômage vers les caisses de retraite. Moins de chômage signifierait également une augmentation des recettes provenant des cotisations retraite. La croissance génèrerait en outre des augmentations salariales sur lesquelles sont prélevées des cotisations sociales.

Ce scénario est-il utopique ? Evidemment qu’en 2014 il ne paraît pas du tout d’actualité. Mais en économie tout change rapidement et peut se retourner. Dans les années 80 le Japon était intouchable alors que depuis vingt ans ce pays est confronté à une stagnation économique avec une déflation récurrente. Au début des années 2000 le pays malade au sein de l’Union Européenne s’appelait l’Allemagne et combien de fois les Etats-Unis ont-ils été enterrés ces dernières décennies avant de revenir sur le devant de la scène...

Le retour à bonne fortune ne se fera pas à coup de baguette magique. L'augmentation de notre croissance potentielle, c'est à dire de la croissance possible compte tenu du nombre d'actifs et du capital productif suppose une augmentation rapide de l'investissement et une amélioration du taux d'emploi.

SCÉNARIO DE LA POURSUITE DE LA DÉPRESSION

A l’opposé du retour à bonne fortune se situe la poursuite voire l’aggravation de la tendance actuelle. Avec une croissance tournant entre 0 et 1% et un chômage restant sur longue période au-dessus de 8%, les finances publiques demeurent sous tension. Les régimes de retraite doivent faire face à une diminution de cotisants avec en parallèle une forte progression du nombre de retraités qui passeront de 15 millions en 2014 à 20 millions en 2030.

Avec un tel environnement économique, la dérive des comptes sociaux ne peut que se poursuivre avec à la clef la nécessité de réduire la voilure des régimes de retraite.

Afin d’éviter la banqueroute plusieurs options sont possibles. La première consisterait à freiner autant que possible le nombre de retraités en reportant l’âge légal de départ à la retraite à 65 voire 67 ans pour revenir dans la moyenne des pays occidentaux. Cette solution pourrait être critiquée car elle aboutit à des transferts entre des caisses vides, les personnes obligées à rester en activité pourraient être amenées à Pôle Emploi. En 2014 près d’une personne active sur deux qui liquide ses droits à la retraite est déjà au chômage.

La deuxième solution consiste à diminuer régulièrement le montant des pensions. Cette méthode a déjà cours depuis 1993 et tend à être utilisée par de nombreux pays. Le changement du mode de calcul des retraites constitue une autre voie. Le gouvernement pourrait ainsi décider de retenir l’ensemble de la carrière en lieu et place des 25 meilleures années en ce qui concerne le régime général. Couplée avec une désindexation qui aboutit à ne pas revaloriser les salaires de référence, cette mesure pourrait générer des gains importants pour les pouvoirs publics mais aussi réduire fortement les pensions.

Le rendement des régimes complémentaires devrait continuer de baisser.

Parmi les autres pistes envisageables, les pouvoirs publics et les partenaires sociaux pourraient augmenter les prélèvements sur les retraités en alignant par exemple la CSG sur celle des actifs ou en supprimant l’abattement de 10% dont ils bénéficient au titre de l’impôt sur le revenu. Une dizaine de milliards d’euros pourrait être ainsi recouvrée. Cette solution bute à l’heure actuelle sur des considérations d’ordre politique ou social mais si la tension financière augmente, les verrous pourraient bien sauter.

Faible croissance, fort chômage obligent les gouvernements de droite ou de gauche à ajuster tous les deux ou trois ans les régimes de retraite. Evidemment, un tel scénario de stagnation aurait de lourdes conséquences qui dépasseraient la sphère de la retraite.

SCÉNARIO DU BIG BANG SYSTÉMIQUE

D’ici 2040, face aux pressions de nos partenaires et à une dégradation rapide de notre solvabilité le big bang pourrait devenir une nécessité. Si la stagnation se prolongeait, si la France rencontrait des difficultés à financer sa dette, les pouvoirs publics pourraient être contraints d'ouvrir le chantier de retraite avec à la clef la création d'un régime unique par points en compte notionnels. D’autres pays l'ont fait, pourquoi pas nous ?

Extrait de "Retraite - juste un autre monde", de Philippe Crevel, publié aux éditions Temporis, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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