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Pourquoi la dernière étude sur les dangers du lait n’a pas de sens (mais attention aux produits laitiers)
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Des sensations pures ?

Le dernier article scientifique sur le lait indique que chez les femmes, la consommation d’au moins trois verres de lait par jour (0,6l) s’accompagne d’une surmortalité cardiovasculaire, de cancer et d’un risque plus élevé de fracture de hanche.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Il faut se mettre à la place du consommateur. Il se dit sur le lait tout et son contraire. Pour ajouter à la confusion est appelé lait un liquide préparé industriellement et qui n’est jamais sorti des mammelles d’un mammifère (lait de riz, d’amande, de soja…). Le dernier article scientifique sur le lait s'intéresse au risque de fracture de la hanche et à la mortalité chez les buveurs de lait et mangeurs de fromage. Disons le tout net, les données ne réconcilient personne. Mais en regardant précisément ces résultats, il est possible d'en tirer quelques conseils de bon sens basés sur des preuves.

Le 27 octobre 2014 parait dans le BMJ un article scientifique qui est une étude observationnelle (les auteurs ont observé une population de 61433 suédoises et de 45339 suédois pendant 20 ans pour les femmes et 11 ans pour les hommes. Ils ont renseigné leur consommation de lait par questionnaire et leur état par la base de données de l'assurance maladie pour savoir s'ils étaient victimes d'une fracture de hanche et s'ils étaient vivants). L’étude est de qualité quant à la fiabilité du devenir des patients.

Les résultats sont les suivants :

Chez les femmes la consommation d’au moins trois verres de lait par jour (0,6l) s’accompagne d’une surmortalité cardiovasculaire et de cancer et d’un risque plus élevé de fracture de hanche.Chez les hommes on observe une surmortalité cardiovasculaire uniquement. Ce risque reste faible dans l’absolu chez les hommes mais est significatif chez les femmes.

Ces résultats doivent être pris avec précaution. Pourquoi ? Car il s’agit d’une corrélation et non d’une causalité. Il ne s’agit pas d’une étude interventionnelle où l’on aurait demandé de consommer du lait a des personnes réparties au hasard avec un groupe n’en consommant pas. Il y a donc la possibilité de nombreux biais. Par contre et c’est un élément important, la consommation de produits laitiers fermentés ne révèle pas de surmortalité ou de risque fracturaire.

Les auteurs avancent différentes hypothèses pour expliquer cette corrélation, c'est-à-dire le fait qu'il y ait une mortalité cardiovasculaire plus importante chez les buveurs de lait et que le risque de faire une fracture de hanche est plus élevé chez les suédoises de l’étude.

Quels messages peut on utiliser dans sa vie courante?

1/ Le message Lait = Calcium = Santé Osseuse est simpliste voire erroné si d'autres facteurs ne sont pas présents. Ceci n'est pas une nouveauté puisque le lait ne permet pas de lutter contre l'ostéoporose ni de réduire les fractures (Feskanich D, Willet WC, Stampfer MJ, Colditz GA. Milk, dietary calcium, and bone fractures in women: a 12-year prospective study. Am J Public Health 1997;87:992-7). En effet la santé des os dépend plus de leur structure qui est complexe que du calcium. Si la structure de l'os est déficiente le calcium ne pourra s'y associer et l'os se cassera facilement. Cette structure est faite de protéines (50% du volume de l'os et 1/3 de sa masse) et l'ensemble se renforce grâce à l'exercice physique et la production de vitamine D suite à l'exposition solaire. C'est pourquoi notre récent mode de vie très sédentaire et à l'intérieur est exactement ce qui affaiblit l'os. C'est donc chaque jour qu'il faut activer ses muscles qui eux-mêmes tirent sur les os ce qui induit le renforcement osseux. C'est chaque jour qu'il faut sortir au soleil et permettre la production de vitamine D ou à défaut prendre un supplément notamment l'hiver. Sédentarité et vie à l'intérieur sont les premiers facteurs à corriger avant de considérer les apports en calcium.

2/ Au cours de l'évolution de l'espèce humaine, nous avons remplacé les végétaux par des céréales elles-mêmes pauvres en calcium et pouvant favoriser la décalcification à cause de l’acide phytique. Les suppléments en calcium sont à éviter car ils augmentent la mortalité cardiovasculaire au moins chez l’homme. C'est pourquoi le lait est un concours dans les apports nutritionnels en calcium. Il ne doit pas être le seul car aujourd'hui la disponibilité des végétaux est grande et leur prix à condition de choisir ceux de saison est abordable. Il convient donc d'augmenter la quantité de légumes et de fruits au détriment des produits industriels et des céréales essentiellement les dérivés du blé (viennoiserie, gâteaux, pain, pâtes...) pour que nos apports calciques soient plus variés. En effet les végétaux contiennent du calcium surtout dans les feuilles (salade, épinard, blette, persil, algues) et il est très assimilable.

3/ Quels autres nutriments que le calcium sont au moins aussi importants pour l’os? Il en existe au moins deux. Tout d’abord les apports en protéines. Les produits laitiers sont une excellente source de protéines comme les protéines végétales, la viande et le poisson. Ces apports en protéines sont insuffisants notamment chez les séniors. Le deuxième ce sont les omégas 3 longue chaine, c’est-à-dire ceux qui sont synthétisés par les poissons gras essentiellement. Leur taux dans l’organisme qui dépend beaucoup de la prise alimentaire est corrélé chez la femme avec un risque moindre de fracture de hanche. La consommation de sardines, maquereaux, thon et anchois est un excellent moyen d’apporter des omegas 3 longue chaine.

4/ Ce qui est probable d’après cette étude suédoise mais aussi d’autres travaux, c'est que le lait est moins adapté à nos besoins d'adulte que le fromage en particulier les pâtes pressées. Pourquoi ? Plusieurs hypothèses sont discutées par les auteurs en particulier celle du lactose le sucre du lait constitué d'une molécule de glucose et de galactose (sucre découvert par Pasteur en 1856). Or le galactose est source d'un stress oxydatif dans l'organisme et le glucose d'une hyperglycémie semblable à celle qui suit l'absorption d'un jus de fruits. Stress oxydatif et hyperglycémie sont pourvoyeurs d’inflammation chronique ce qui favorise les maldies cardiovasculaires et la fragilité osseuse. Les pâtes pressées dures et affinées contiennent beaucoup moins de glucose qui est utilisé par les bactéries de la fermentation et un peu moins de galactose. Certains fromages en contiennent des quantités indétectables (voir ici et ici). Cette différence pourrait expliquer que le lait et les produits laitiers non complètement fermentés puissent avoir un effet délétère chez l'adulte en terme de mortalité sur le long terme alors qu'ils sont nécessaires chez le nouveau né et l'enfant, tandis que les fromages sont neutres. Les auteurs ont démontré l’existence d’une inflammation chronique chez les buveurs de lait proportionnellement à leur consommation.

5/ Au regard de ces enjeux les polémiques quasi automatiques sur le lait "un poison" ou bien "le lait qui provoque le cancer" sont stupides et relèvent de l'entretien de peurs alimentaires dont certains font commerce autant que Danone… Il faut aussi souligner que nous consommons beaucoup moins de lait que les pays nordiques. Pour autant, il ne peut y avoir de recommandations qui conviennent à tout le monde. Les recommandations nutritionnelles actuelles sont par trop uniformes comme si dans un magasin de vêtements il n'y avait qu'une taille unisexe et unicolore pour tous les adultes... Certains digèrent très mal le lactose comme les asiatiques ou les africains par exemple mais certainement pas qu’eux. D'autres vont ressentir une meilleure digestibilité avec le lait de brebis ou de chèvre. Ces ajustements souvent faits par le consommateur lui-même sont naturels car notre équipement enzymatique lié à notre génomique est bien évidemment différent. D’autres cas plus difficiles peuvent relever de la médecine allergologique.

Mais d’une manière générale, chez l’adulte, les fromages pressés et affinés sont bien supportés et préférables à la consommation de lait. Cette dualité lait et fromages ne résume pas pour autant l’offre de l’industrie laitière qui ces dernières années s’est fortement developpée vers des produits dérivés du lait. Ces produits laitiers industriels sont le plus souvent à base de lait peu ou non fermenté peu ou complètement écrémé, il est donc logique de les considérer comme une consommation de lait. De surcroit, ils sont presque toujours sucrés ce qui ne convient pas à notre métabolisme déjà fortement sollicité par d’autres sources de sucres (sucres simples ajoutés ou amidons de toutes sortes) c’est pourquoi il est préférable de les éviter. Enfin, cette étude n’apporte aucune preuve en faveur de l’allégé bien au contraire, les fromages dont la consommation n’est pas corrélée à une augmentation de la mortalité sont dans l’immense majorité préparés avec du lait entier. Rien dans ce papier ne nous incite à éviter la matière grasse du lait ou des fromages.

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