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La fin de l'angoisse du garagiste entourloupeur ? Une application vous promet de comprendre les problèmes de votre voiture
©Reuters

Do it yourself !

La voiture va devenir de plus en plus connectée et l'utilisateur pourra multiplier les interactions entre son véhicule et, par exemple, son mobile. Une manière pour lui de diagnostiquer lui-même certains problèmes, ce qui mettrait fin au sentiment de ne pas maîtriser son rapport avec son garagiste quand survient un problème.

Eric Bataille

Eric Bataille

Eric Bataille est le fondateur de Drivepad.fr, un site pour informer l'automobiliste sur l'entretien de son véhicule : maintenance, réparations, alertes (contrôle technique, renouvellement de l'assurance...). Il a auparavant été directeur général d'AutoScout24 France, site d'annonces automobiles.

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Atlantico : Selon l'entreprise de télécommunications espagnole Telefonica, 80% des véhicules d'ici 2020 seront connectés (10% actuellement) ce qui devrait permettre aux utilisateurs de mieux comprendre les problèmes électroniques que peuvent rencontrer leurs véhicules, grâce à des applications. Le véhicule "connecté" peut-il révolutionner le rapport de "confiance forcée" de l'automobiliste et de son garagiste ?

Éric Bataille : En principe, oui. Quand on parle de véhicule connecté, il y a en fait quatre secteurs d'application : l'usage du véhicule, la sécurité, l'information pour le conducteur, le multimodal, et l'infotainment (accès à du multimédia dans la voiture). Depuis 2004, l'Europe a mis en place des normes "EOBD" (European on board diagnostic) permettant d'accéder à l'information dans les calculateurs d'un véhicule. Les particuliers connaissent bien cet élément sans le savoir : c'est ce qui, quand on se rend chez un garagiste, permet de connecter une "valise" qui permet de faire un diagnostic quand le véhicule rencontre un problème. Cette norme EOBD normalise l'accès à l'information, en poussant à l'utilisation d'un code commun, afin de ne pas avoir à adapter la "valise" à chaque véhicule.

Mais il y a deux types de données : celle qui sont dans les calculateurs du véhicule, et la codification exacte de ces données qui va permettre d'accéder à l'information. Or, les constructeurs aujourd'hui sont propriétaires des données qui sont dans le véhicule, ils peuvent donc décider ou non de donner accès à cette information-là.

Si les constructeurs se montrent réticents à ouvrir les données nécessaires au fonctionnement d'applications indépendantes, peut-on les y contraindre ? 

Les constructeurs sont très réticents à fournir les informations, alors qu'un règlement européen exige que les données nécessaires à la réparation d'un véhicule soient communiquées, que vous soyez ou non un concessionnaire. Les sociétés qui fabriquent d'ailleurs les logiciels d'assistance à la réparation d'un véhicule font ce que l'on appelle du "reverse engineering", c’est-à-dire qu'elles récupèrent les données et essaient de les décoder elles même. Pourquoi font-ils cela malgré l'obligation de transparence ? Car le problème de la règlementation européenne c'est qu'il y a certes obligation de communiquer les données, mais sans en préciser les modalités. Le constructeur peut donc décider de rendre accessible ces données, mais contre un prix absolument prohibitif, ou dans un délai très long, par bribes.

Il y a donc une démarche aujourd'hui de la part des associations de consommateurs ou des regroupements de professionnels indépendants pour alerter le régulateur sur ce sujet. Les demandes sont faites, mais on voit que l'on se heurte à de nombreuses réticences pour accélérer le transfert des données.

Si les automobilistes se libèrent de la tutelle des garagistes et des constructeurs, ne tombent-ils pas pour autant sous celle des fabricants d'application ? Quels seraient les risques ? 

Ce qui peut se passer – et c'est d'ailleurs la vraie problématique du véhicule connecté – c'est l'information qui peut être utilisée à l'insu de l'automobiliste. Dans la mesure où on peut connaître le niveau de consommation, les accélérations d'un véhicule et sa géolocalisation, on peut en déduire le mode de conduite. L'information remonte, mais qui l'utilise ? Et pour faire quoi ? Avoir des indications qui permettent de prévenir une usure ou un problème du véhicule, c'est bien. Mais collecter des données pouvant vous identifier comme un chauffard, cela pose un vrai problème de vie privée. En principe, au niveau européen, l'assureur n'est pas censé avoir accès à ces informations, et s'il les a, il n'a pas le droit de les traiter, alors qu'aux Etats-Unis, la règlementation est inexistante. Mais on voit aussi, y compris en Europe (comme par exemple Axa Direct), qu'aux offres maintenant connues de "pay as you drive" (où l'on paie selon la distance conduite) succèdent des offres "pay how you drive" qui modulent le prix de l'assurance pour ceux qui acceptent que l'on "suive" leur conduite.

Si les constructeurs peuvent riposter face à l'offensive des applications, que peuvent de leur côté les garagistes ? Cette profession ne risque-t-elle pas de connaître un bouleversement qui ne sera pas à son avantage ?

Oui, clairement. La tendance de fond est vers une transparence des informations. Face à un réparateur, les consommateurs n'hésiteront plus à confronter l'information du garagiste à celle de son application, et fera éventuellement appel à un tiers de confiance. C'est vraiment quelque chose qui va se développer. Après cela peut avoir aussi un aspect positif : beaucoup de clients viennent aujourd'hui dans un garage sans savoir exactement l'entretien qu'ils doivent faire et le coût, ce qui entraîne des débats souvent conflictuels sur le prix à payer. Cette plus grande transparence pourrait donc aussi apaiser la relation.

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