Pourquoi les entreprises devraient recruter davantage de personnes qui détonnent <!-- --> | Atlantico.fr
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Abby, l'héroine excentrique de la série NCIS.
Abby, l'héroine excentrique de la série NCIS.
©wikipédia

Incroyable talent

Si les personnes excentriques peuvent au premier abord sembler difficiles à manager, parce que considérées comme anticonformistes voire révolutionnaires, elles sont aussi source de créativité et de stimulation pour le reste de l’équipe.

Françoise Briel

Françoise Briel

Françoise Briel a créé le cabinet Quartz en 2002 après une carrière réalisée dans l’industrie et le conseil au sein de groupes à vocation internationale. Elle allie une expérience d’entrepreneur, de consultant et de coach.

Spécialisée dans le recrutement de cadres, elle intervient également en qualité de coach auprès de dirigeants et de cadres soumis à des situations complexes, dont la résolution nécessite de prendre en compte les facteurs environnementaux, comportementaux et identitaires pour générer des solutions efficaces et innovantes.

Elève de Stephen Gilligan et de  Robert Dilts, Françoise Briel possède une spécialisation en coaching  génératif.

Elle est l'auteur d'un A-book paru en 2014 sur Atlantico éditions : Au chômage ? Conseils et stratégies pour traverser la tempête

 

 

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Atlantico : Alors que les entreprises françaises sont souvent réticentes à recruter des personnes jugées excentriques, parce qu’elles ont un physique non conventionnel ou un comportement décalé, en quoi peut-on dire que les personnes excentriques sont pourtant utiles à une entreprise ? Quelles sont les qualités que peuvent apporter ce type de salariés à leur boîte ?

Françoise Briel : En tout premier lieu, tout dépend de l’entreprise concernée et du poste occupé.

Une banque ou une compagnie d’assurance n’aura aucun intérêt à recruter une personne au comportement ou à la tenue vestimentaire décalés susceptibles d’entacher son image de tradition, de choquer les clients ou de déclencher des questionnements quant au sérieux de son service. En revanche, une entreprise moins soumise au dictat des apparences, tournée vers l’innovation et la performance peut tirer de grands bénéfices en engageant ce type de profil. Même si ces personnes non conventionnelles, peu sensibles au politiquement correct, peuvent au premier abord sembler difficiles à manager parce que considérées comme anticonformistes voire révolutionnaires, elles sont aussi source de créativité  et de stimulation pour le reste de l’équipe. Leur capacité à regarder toute chose sous un angle nouveau, à privilégier le particularisme, force à sortir des sentiers battus. Si l’on sait respecter leur différence et les intégrer efficacement, elles élargissent le champ des possibles en bousculant des habitudes souvent soporifiques. Etre excentrique demande de l’audace et de l’imagination. Intégrées au sein d’une équipe qui sait comprendre et accepter leurs différences, elles viennent enrichir la cohésion de l’ensemble. L’excentrique sera pourvoyeur d’idées originales, de celles auxquelles dont on dit ensuite "pourquoi n’y avons-nous pas pensé plus tôt ?"…

En quoi peut-on dire qu’en voulant prouver que les personnes qui doutent de leur valeur ont tort, la motivation des personnes décalées n’en est que décuplée ? Dans quelle mesure ce genre de salariés peut aussi utilement secouer les équipes ?

Comme je l’ai dit précédemment, être excentrique demande de l’audace, du courage, de la détermination et… de l’optimisme. Dans une société ultra-normée, ces personnes assument leurs différences sans crainte du rejet d’autrui. Conscientes de leur singularité, leur regard se porte au-delà du miroir, au-delà du connu. Leurs priorités sont différentes, leur sens de la hiérarchie également. Le plus important est avant tout ce qu’elles créent, produisent, inventent, entreprennent. Elles bousculent en ce sens qu’elles changent l’échelle des valeurs, abattent des murs, créent des concepts novateurs et, parallèlement à cela disposent d’une faculté précieuse : celle d’éveiller chez les autres des richesses intérieures qu’ils ne perçoivent pas mais qui existent chez eux à l’état latent. Ces excentriques, s’ils peuvent inquiéter, ont aussi un effet d’émulation sur l’entourage qui se trouve entraîné à participer à une dynamique créative.

Alors qu’elles sont pourtant utiles, pourquoi les patrons et les recruteurs ne sont-ils pas encore prêts à recruter des personnes excentriques ? Les recruteurs sont-ils suffisamment sensibilisés pour réussir à repérer ces profils excentriques et les recruter ?

Parce que nous vivons dans une société frileuse et craintive. Certains patrons vous diront qu’ils souhaitent recruter un profil original mais, in fine, signent un contrat avec un candidat on ne peut plus dans la norme ! Aujourd’hui, la peur de se tromper l’emporte sur le risque, même mesuré, de faire un choix audacieux donc, peut-être une erreur.  Du coup les entreprises veulent être surprises avec… ce qu’elles attendent, c’est-à-dire, ce à quoi elles sont habituées. C’est dommage. Il faut savoir prendre des risques pour se démarquer et gagner. En tant que recruteur et quand bien sûr cela est pertinent, j’aime proposer ce genre de candidature dont je sais qu’elle peut avoir une réelle valeur ajoutée pour l’employeur. La meilleure façon pour moi de les repérer (en dehors de toute excentricité vestimentaire ou d’apparence physique en général) est de challenger la capacité à penser autrement, tester la créativité, la volonté d’apporter sa pierre à l’édifice tout en sachant que l’incompréhension est souvent au rendez-vous dans l’instant. Ces personnalités sont souvent brillantes, enthousiasmantes et tellement porteuses de cette énergie dont nous manquons cruellement.

Quelles sont toutefois les précautions à prendre avant d’embaucher un salarié décalé ? En quoi peut-on dire qu’un recruteur doit d’abord avoir analysé les forces et les faiblesses de son entreprise avant de recruter ce type de profil singulier ?

Comme je le disais au début de cet article, toutes les entreprises ne sont pas forcément destinées à recruter des profils décalés. Certaines plus que d’autres ont besoin de rester dans un traditionalisme de bon aloi, en tout cas pour l’instant. Ensuite, quel que soit le type de salarié à recruter, il est toujours indispensable d’analyser les forces et les faiblesses de l’entreprise qu’il intègrera.

Une personne ne peut se développer harmonieusement, et développer son équipe, que si elle évolue dans un environnement qui lui convient. Un recrutement peut s’assimiler à une greffe, si l’on veut qu’elle réussisse il faut que le greffon et le greffé soient compatibles… Dans le cas des profils atypiques, il convient de bien définir avec l’entreprise quelles sont ses priorités, ses objectifs, et ce qu’elle recherche vraiment en termes de valeur ajoutée à travers ce type de personne. Ensuite, il est nécessaire d’analyser la composition de l’équipe qui va accueillir ce nouvel élément  pour bien évaluer les risques inhérents à l’arrivée d’une personnalité forte et décalée. L’équipe est-elle prête ou non à vivre cette intégration ? Les changements induits seront-ils trop rapides, trop intenses, rompant du même coup l’équilibre ou bien cet apport, un peu perturbateur, est-il attendu pour redonner un nouveau souffle ? Le manager sera-t-il apte à gérer ce type de personnalité susceptible de semer la discorde et l’incompréhension ? A-t-il préparé ses collaborateurs en leur faisant prendre conscience que la diversité est source de performance ?

Plus généralement, dans quelle mesure peut-on dire que les modèles de recrutement basés sur d’anciens schémas ne fonctionnent désormais plus, ou moins bien qu’avant ? En quoi peut-on dire que les Etats-Unis ont pris une longueur d'avance à ce sujet, notamment au niveau du recrutement de personnes décalées ?

En recrutement comme ailleurs, force est de constater que les anciens schémas ne fonctionnent plus ou très mal parce que le monde a changé. Tout va désormais très vite dans tous les domaines, la prospective est privilégiée. Penser autrement, créer de nouveaux modèles, aller de l’avant avec force et courage, inventer ce qui n’existe pas encore. Autant d’obligations enthousiasmantes qui nécessitent de rechercher de nouveaux profils, de recruter des personnalités et non plus clônes. Bien sûr, c’est ambitieux et souvent difficile, mais les Etats-Unis l’ont bien compris. La Silicon Valley regorge de ces profils décalés, que nous qualifierions d’ingérables parce que notre système est beaucoup plus hiérarchisé. Les Américains sont plus attachés à l’innovation qu’aux apparences qu’elles soient vestimentaires ou comportementales, mais ne nous y trompons pas, ils sont d’une redoutable exigence. Simplement, ils la positionnent différemment sur l’échelle des valeurs. Les apparences ne sont pas forcément un gage de talent... 

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