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Les canapés contiennent de nombreux microbes.
Les canapés contiennent de nombreux microbes.
©Mark Walz/Flickr

Tapis dans l'ombre

Les sols ne sont pas les seuls à contenir produits et microbes en tout genre pouvant porter atteinte à la santé des habitants de la maisonnée. Canapés et fauteuils peuvent eux aussi être les ennemis - sympathiques au demeurant - des amateurs de sieste et de longues séances télé.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico :  Afin de pallier le manque d'information et de règlementation sur les composants des canapés aux Etats-Unis, la Duke University (Caroline du Nord) a mis en place un laboratoire d'analyse (voir ici) auquel les particuliers peuvent envoyer des échantillons de mousse ou de tissu s'ils ont un doute sur la qualité de leur mobilier. Sommes-nous davantage protégés en France ? Quelle est la pro­babilité de tomber malade à cause d'un produit contenu dans un canapé, fauteuil ou autre mobilier de salon ?

Stéphane Gayet : De nos jours, l’essor depuis plusieurs décennies des matériaux à la fois synthétiques et composites a amené beaucoup d’avantages en matière de coûts de production, de possibilités de formes et de couleurs, de facilité d’entretien et de résistance à l’usure, mais en contrepartie a généré des nuisances d’ordre toxique qui sont de mieux en mieux connues et dénoncées.

Lire également : La mort par les poils : tapis et moquettes ces ennemis sous-estimés

Actuellement, la normalisation et la réglementation concernant tous ces risques chimiques sont plus européennes que nationales. Car il existe de très nombreuses normeseuropéennes (une norme est un standard bien défini et consensuel, et non pas un règlement : en tant que telle, une norme n’a aucun caractère obligatoire). Parallèlement, des règlements et des directives européennes sont également légion ; mais ces dernières, les directives européennes, ne s’intègrent dans le Droit national qu’après transposition, et la France tarde beaucoup à transposer les directives européennes qui ne lui conviennent pas bien. Il n’en reste pas moins vrai que le niveau de prévention français dans ce domaine est assez bon ; le dynamisme de certaines associations de défense des consommateurs et celui de certains courants écologiques y sont pour quelque chose. Mais de nombreuses difficultés persistent, en rapport avec la multiplicité des produits chimiques en cause, leurs assez faibles concentrations dans l’air et les difficultés et le coût du mesurage de ces dernières. Il va sans dire que le fait de choisir un canapé ou un fauteuil de marque, provenant d’une entreprise réputée qui a et affiche une démarche qualité avancée, est déjà une mesure préventive d’importance, mais qui a un coût assez élevé par rapport aux produits de qualité plus incertaine. Ces polluants et micropolluants chimiques agissent en général lentement sur notre organisme (des mois, voire des années) et menacent surtout les sujets très fragiles (enfants en bas âge, femme enceintes, personnes très âgées, immunodéprimés, sujets asthmatiques, emphysémateux et bronchiteux…). La probabilité de tomber malade de leur fait est à dire vrai impossible à estimer ; elle est considérée comme très faible, mais ce n’est pas là une réponse scientifique, car bien des aspects nous échappent à la vérité.

Quels sont les matériaux ou produits à risque jusqu'ici recensés, et leurs effets respectifs sur notre santé ?     

Ce sont certaines substances chimiques qui passent dans l’air et que nous inhalons ; nous pouvons aussi les ingérer en portant nos doigts à notre bouche. Ces molécules sont larguées par certains éléments constitutifs du canapé et du fauteuil : il s’agit essentiellement des colles, des vernis, des peintures, des solvants, ainsi que de la mousse des assises, des dossiers et des coussins. Les molécules émises sont des composés organiques volatiles (COV), du formaldéhyde (formol), des éthers de glycol, des hydrocarbures (benzène, toluène, xylène, styrène, octane, trichloréthylène…) ou encore des pesticides. A côté de certaines gênes relativement bénignes, l’énumération de leurs effets toxiques potentiels n’est pas de nature à rassurer le consommateur : certaines substances sont cancérigènes, d’autres mutagènes, d’autres "reprotoxiques" (toxiques pour la reproduction), d’autres immunodéprimantes, d’autres neurotoxiques, d’autres encore de "simples" mais bien néfastes perturbateurs endocriniens. Le règlement européen CE n° 1907/2006 du 18/12/2006, appelé règlement REACh (Registration evaluation and authorization of chemicals), est entré en vigueur le 1er juin 2007 ; c’est un système à l’échelle européenne d'enregistrement, d'évaluation et d'autorisation des substances chimiques sur le marché européen. Ce règlement et ses annexes comportent plusieurs listes de substances dangereuses ou potentiellement dangereuses. Etant donné que c’est un règlement, il s’impose dans les Etats membres.

Faut-il faire preuve d'encore plus de prudence concernant les canapés convertibles ? A quels risques s'expose-t-on si de nombreuses nuits sont passées sur un modèle contenant un ou des produits toxiques ?

Les effets toxiques sont très habituellement "dose dépendants", à la différence, en théorie du moins, des effets allergiques. C’est dire que, plus une exposition à un produit chimique néfaste pour notre santé dure dans le temps, et plus fortes seront les atteintes de notre corps en rapport avec ce produit toxique. D’une part, les canapés convertibles en lit ont la plupart du temps un matelas en mousse telle que nous l’avons vu plus haut, d’autre part, le fait d’y dormir constitue un facteur de risque élevé. Pour quelles raisons ? : La faible hauteur par rapport au sol, la durée de la nuit (six à neuf heures), la période (vulnérable) du sommeil, sont autant de facteurs favorisant la pénétration ―par voie aérienne― des substances chimiques dans notre corps. Ainsi, le fait de dormir régulièrement sur un canapé convertible dont le  matelas est en mousse constitue un risque majoré vis-à-vis des substances nocives que nous avons vues plus haut. Ce sont les mêmes risques que ceux envisagés dans le paragraphe précédent, mais avec un niveau accru.

L'accumulation de particules provenant d'animaux de compagnie ou de contacts avec des éléments extérieurs peu hygiéniques fait-elle de nos canapés et fauteuils de véritables nids à acariens et microbes ? Quels sont les réflexes à adopter pour s'en prémunir ?     

Nos animaux de compagnie sont en effet des vecteurs de diverses substances étrangères, plus ou moins nocives, ainsi que de microorganismes pouvant parfois nuire à notre santé. Il convient de rappeler que certaines personnes présentent une allergie à des poils d’animal, singulièrement de chat. Il va sans dire que, malgré toutes les précautions que l’on peut prendre à ce sujet, on retrouve ces poils en quantité assez importante sur les assises. De façon plus triviale, ces mêmes animaux véhiculent également des fragments d’excréments, pouvant venir d’eux-mêmes ou d’autres bêtes ; ils se trouvent sur leurs pattes et sur leur pelage. On le sait bien, les matières fécales sont d’une richesse phénoménale en bactéries ; heureusement, les germes pathogènes, c’est-à-dire potentiellement dangereux pour l’homme, y sont relativement peu nombreux ; mais le risque de contamination existe, c’est indéniable.

De fait, des bactéries bien connues pour leur pathogénicité, comme des staphylocoques dorés et des colibacilles ―bactéries pouvant non seulement survivre mais aussi se multiplier dans l’environnement en présence d’humidité et de chaleur―, peuvent être trouvées sur nos fauteuils et canapés souillés par des animaux. Toutefois, l’essentiel des bactéries apportées sont quand même des bactéries non pathogènes pour l’homme, bactéries dites environnementales et plus précisément saprophytes (du grec sapros, la décomposition et phytos, le végétal), qui se nourrissent de substances végétales en décomposition (humus : sol) et n’agressent pas le corps humain.

Avec les animaux domestiques, il est de plus fréquent d’avoir peur de leurs parasites, tels que puce et sarcopte de la gale. En réalité, l’existence d’une "spécificité d’espèce" fait que ces parasites externes (ectoparasites) ne donnent pas d’infestation chez l’homme. Il y a donc lieu d’être rassuré.

Maintenant, quelle prévention adopter ? Il existe des désinfectants pour canapés et fauteuils, sous forme de produits à pulvériser ; si leur efficacité in vitro (expérimentale) est certaine, leur efficacité réelle in situ (dans l’assise et le dossier) est difficile à apprécier ; de plus, ils comportent une dimension toxique et allergique non négligeable, dont il faut impérativement tenir compte.

Aussi, éviter de les contaminer est mieux. Au sujet de la présence d’animaux familiers à l’intérieur du domicile, surtout les chiens, à chacun de savoir ce qu’il préfère ; bien sûr, il est possible de réduire les risques, par exemple en nettoyant et même décontaminant les pattes de notre animal lorsqu’il entre dans le logement ; peut-être aussi lui enfiler des bottes ? Certains parviennent à leur interdire l’accès aux canapés et fauteuils.

Le choix des garnitures de ces meubles est un autre aspect important. Les revêtements en fibres synthétiques sont à la fois moins poreux, moins rétenteurs et moins nutritifs pour les bactéries. De plus, ils sont moins fragiles et s’entretiennent plus facilement.

Le troisième aspect concerne l’entretien courant. L’aspirateur reste l’un des moyens efficaces d’enlever nombre de particules minérales, organiques et de microorganismes (acariens, champignons et bactéries). Mais, d’une part, il faut insister lors du dépoussiérage si l’on veut être vraiment efficace, et ne pas se contenter d’une aspiration en une ou deux minutes, et d’autre part, il est sage d’opter pour un aspirateur équipé d’un filtre "High efficiency particulate air filter" ou filtre HEPA (en français "filtre à très haute efficacité" ou filtre THE), de façon à ne pas rejeter par la grille de soufflage l’essentiel des bactéries et Acariens aspirés. Les shampooings sont un autre moyen d’éliminer des bactéries et leurs nutriments, mais ils comportent le risque que l’extraction soit incomplète et celui de laisser une humidité résiduelle, néfaste.

Qu'en est-il des vieux canapés et autres meubles, plus "traditionnels" ? Ceux-ci présentent-ils aussi des risques ?   

C’est en effet fonction de leur ancienneté et de leurs matériaux constitutifs, les deux étant du reste liés. Les canapés et fauteuils très anciens ne comportent pas de produit synthétique. L’armature est en bois naturel (chêne, hêtre…) traité avec des cires naturelles. Le rembourrage est constitué de substances elles aussi naturelles (crin de cheval, chanvre, coton, lin, plumes…). L’assise et le dossier sont recouverts de drap en fibre naturelle (coton, laine…). En somme, uniquement des composants "écologiques". Il est évident qu’il n’y a donc pas de risque en rapport avec des polluants chimiques. En revanche, ces canapés, divans et fauteuils anciens sont des usines d’élevage d’Acariens qui y pullulent. C’est ici l’occasion de préciser que les Acariens sont de minuscules Arthropodes, proches des araignées et des tiques, avec une tête faisant partie intégrante du thorax (céphalothorax) et quatre paires de pattes, à la différence des insectes qui en ont seulement trois. Les Acariens sont nocifs par les irritations qu’ils causent sur nos muqueuses ; ils y arrivent facilement et rapidement, véhiculés par les courants d’air et inhalés. L’allergie aux Acariens se traduit par des éternuements, une congestion nasale (rhinite allergique), une toux, une irritation oculaire, ou encore d’autres signes tels que maux de tête et fatigue, en rapport notamment avec un sommeil perturbé (acariens de la literie, des oreillers et de la moquette ou des tapis de la chambre). Heureusement, Il existe aujourd’hui des tests diagnostiques fiables, des règles d’hygiène et des traitements médicamenteux permettant une prise en charge efficace de l’allergie aux Acariens encore appelée allergie à la poussière de maison.

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