La science perverse des menus enfants : comment on programme les bambins pour la junk food<!-- --> | Atlantico.fr
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Les chaînes de fast food axent de plus en plus leur communication sur le caractère "sain" de leurs produits.
Les chaînes de fast food axent de plus en plus leur communication sur le caractère "sain" de leurs produits.
©Flickr

Aie confiance...

Les chaînes de fast food axent de plus en plus leur communication sur le caractère "sain" de leurs produits et n'hésitent pas à insister plus que de raison sur les quelques morceaux de pomme ajoutés dans les menus enfants.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Atlantico : Selon plusieurs études menées aux Etats-Unis (voir ici) et en Grande-Bretagne (voir ici), le fait d'obliger une chaîne de fast food comme McDonald's à mettre en avant une nourriture plus saine dans les publicités à destination des enfants, ou encore la suppression des jeux dans les happy meals n'auraient aucun impact sur leur appétence pour le sucre et le gras. Dans quelle mesure le fait d'avoir déjà expérimenté le produit rend-il toute tentative de sensibilisation caduque de la part des pouvoirs publics ?

Catherine Grangeard : Fidéliser la clientèle est le B A BA de tous les commerçants. Ainsi donner des petits jeux, qui se déclinent en gammes entières est une excellente idée. Certains vont au restaurant pour bien manger d’autres pour enrichir sa collection de jeux, d’objets divers et variés… C’est super malin puisqu’en les voyant à la maison, le rappel est constant. C’est une publicité à demeure. Aller dans cet endroit devient un lieu de socialisation. Tout cela est malin au sens diabolique du terme comme à son sens d’une réelle intelligence commerciale. Puisque c’est aussi un lieu où l’on s’y nourrit, on s’habitue aux goûts des aliments qui s’y trouvent. Le marketing est plus développé que les cours de cuisine chez les salariés de cette chaîne multinationale. Les qualités qui sont trouvés par les clients ne sont pas tant de la qualité que celles d’horaires de service très larges, de rapidité, de coût et ces objets, adaptés aux divers âges, avec lesquels on repart. Vous parliez d’études… Comment sont-elles menées, auprès de combien de personnes, par qui, dans quelles conditions d’indépendance… Voilà des points à éclaircir pour considérer leurs résultats. Les biais sont souvent tellement nombreux qu’une autre étude vient annuler ce qui sortait de l’étude précédente. Ensuite, les études sont globalement décrédibilisées et le commerce continue… Pour ce qui est de l’impact des jeux ou des publicités… Mais enfin, si cela n’avait pas les résultats escomptés par l’entreprise, ce serait tout simplement supprimé ! Un peu de bon sens ne saurait nuire !

Lorsqu'une chaîne de fast food fait l'apologie d'une nourriture saine dans ses publicités – morceaux de pomme, poisson, eau, etc. – cela veut- il dire qu'en réalité elle ne mise pas du tout, en termes de profits, sur la vente de ces produits ? Peut-on dire que l'hypocrisie forme le coeur de la stratégie marketing de ce secteur ?

Sans hypocrisie, comment les marques vendant autre chose qu’une nourriture très équilibrée pourraient encore fonctionner et continuer à se développer ? De nos jours, si quelques morceaux de pomme sont ajoutés, ce n’est qu’au titre de caution diététique. C’est méprisant pour l’intelligence des clients ! Faire ces quelques pas en direction d’autre chose que les hamburgers, c’est de fait reconnaître que ce qui fait le cœur du métier n’est pas bon pour la santé des consommateurs. Quand ceux-ci vont- ils devenir des consom’acteurs, pourriez-vous me le dire ? Certains commencent et se détournent de ces habitudes de consommation. Mais le matraquage est tel que c’est un mouvement marginal. Faisons- nous bien comprendre, il ne s’agit pas de remplacer la peste par le choléra… Il ne s’agit pas de boycotter une de ces enseignes pour sa concurrente. Il est uniquement question de bien se nourrir et que des restaurateurs proposent des aliments sains à des prix corrects, dans une ambiance qui plaît à la clientèle… Tout ce que sait faire la brasserie française ! Tout ce qu’elle peut développer envers des familles qui viennent passer un moment dans ces chaînes de fast-food.

Par quels autres moyens les chaînes de fast food s'efforcent-elles de conditionner les enfants pour que ces derniers aiment la junk food ?

Il faut absolument s’inspirer de ce qui plaît à la clientèle en termes d’amplitude des horaires d’ouverture, de possibilité de se nourrir d’un menu qui donne la sensation de satiété, d’espace pour que les enfants jouent… La taille et l’organisation des salles permettent de trouver une convivialité qui convient à certains groupes. C’est un positionnement marketing qui pourrait ne pas être réservé à certaines enseignes… La composition des mets, le contenu des assiettes, tout est étudié en amont pour que les enfants réclament d’aller manger à tel endroit. En grandissant, ils continuent à aimer s’y retrouver. La madeleine de Proust s’est transformée en hamburger !

Avec quelles conséquences chez les enfants français ?

Nous savons que lorsqu’un fast food ouvre à proximité d’un établissement scolaire, les jeunes prennent du poids. Pour cette unique raison, 1 % d’obésité en plus dans cette population ! C’est énorme, pour cette seule cause, qu’1 % des adolescents voient leur poids augmenter de la sorte. Bien sûr, les autres grossissent aussi, sans pour autant voir leur IMC grimper autant. La modélisation d’un type de nourriture est grave car les habitudes se modifient par la fréquentation régulière de ces établissements. En dehors de mesurer par le poids la nocivité de rétrécir les choix d’aliments, c’est la santé globale qui pâtit d’une variété réduite des menus. Effectivement le nombre de possibilités différentes est plus que limité dans un fast food. C’est même pour cela que cela va vite…

Pour conclure, c’est essentiel de poser en amont la question, d’interdire des implantations, de favoriser d’autres possibilités de se nourrir, etc. Il n’y a pas que le comportement individuel qui soit à modifier, on doit le souligner.

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