Ello, le réseau social qui ne voulait pas exploiter ses utilisateurs : le n-ième Facebook killer en a-t-il vraiment le potentiel ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le réseau social Ello, lancé il y a seulement quelques jours.
Le réseau social Ello, lancé il y a seulement quelques jours.
©Capture d'écran

Petit réseau deviendra grand

Le réseau social Ello, lancé il y a seulement quelques jours, connaît un vif succès. Son credo : devenir l'anti-Facebook en ne commercialisant pas les données de ses utilisateurs.

Erwan le Nagard

Erwan le Nagard

Erwan le Nagard est spécialiste des réseaux sociaux. Il est l'auteur du livre "Twitter" publié aux éditions Pearson et, Social Media Marketer. Il intervient au CELSA pour initier les étudiants aux médias numériques et à leur utilisation.

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Atlantico : En à peine quelques jours le tout nouveau réseau social Ello a remporté un vif succès, à raison de 4 000 inscriptions par heure selon ses fondateurs. Celui-ci se démarque par son caractère épuré, sa simplicité d'utilisation et son absence de publicités. Sur le plan fonctionnel, comment se présente-t-il ?

Erwan Le Nagard : Ello est une plateforme de réseautage qui présente, pour l’instant, peu de fonctionnalités. Ses fondateurs ont insisté sur le caractère ‘beta’ du site web, et l’on devrait voir apparaitre de nouvelles fonctionnalités dans les jours à venir. Le succès de la plateforme s’explique moins par un aspect fonctionnel innovant que par les leviers d’une communication virale mise en œuvre par ses équipes. L’interface d’Ello est assez rustre, avec une typographie à empattement de vieille machine à écrire, et seulement quatre rubriques : sa liste de "friends", un moteur de suggestions de comptes à suivre ("Discover"), un moyen d’inviter ses amis ("friends") et la gestion des paramètres ("Settings"). Ello propose un modèle à mi-chemin entre Facebook et Twitter, car d’un côté on se constitue un réseau d’amis et je commente leurs publications et, de l’autre, les liens entre comptes sont asymétriques : je te suis, mais tu n’es pas obligé de me suivre. La fonctionnalité qui interpelle les premiers utilisateurs du service est la possibilité de filtrer le contenu de sa page d’accueil, car les contenus prennent beaucoup d’espace à l’affichage. Ainsi, l’utilisateur peut se constituer une liste d’amis proches (moins de 60 individus) et une liste "noise" (bruit, en anglais) pour afficher les contenus de ses connaissances.

Pour l’instant, Ello n’est accessible que sur invitation, ce qui explique en partie son succès relatif. La promesse du site, qui se positionne comme un réseau "anti-Facebook", en affirmant ne pas utiliser les données personnelles de ses utilisateurs à des fins commerciales et en n’affichant pas de publicité, semble avoir séduit un certain nombre d’utilisateurs. Ello bénéficie d’un effet de mode, relayé par certaines communautés déçues par Facebook, et d’un levier extrêmement viral (l’invitation), lui permettant de démultiplier son audience.

Sans publicité, quel est le potentiel de réussite d'un tel réseau social ? Que nous enseignent les expériences passées d'autres concurrents émergents du géant Facebook ?

Difficile de détrôner Facebook. La position hégémonique du réseau social généraliste de Mark Zuckerberg est désormais acquise ; seuls des sites thématiques (ils sont nombreux) ou historiques (très rares, à l’instar de VKontakte en Russie) ont su concurrencer Facebook. Il est difficile de croire que les utilisateurs de Facebook vont déserter du jour au lendemain leur site favori. Le concurrent doit présenter des arguments plus forts que la promesse actuelle d’Ello : l’utilisateur doit pouvoir facilement reconstituer son réseau d’amis, il doit y trouver un contenu suffisamment intéressant ou des fonctionnalités qui lui facilitent son quotidien. La promesse d’un réseau où les utilisateurs se réapproprient leurs données a déjà été lancée par des sites comme Diaspora ou App.net, sans grand succès. Ces sites, appuyés par la communauté open source, n’ont pas réussi à atteindre une masse critique d’utilisateurs suffisamment rapidement pour soutenir leurs modèles et sont rapidement tombés en désuétude, après un effet d’annonce. La plupart des sites de réseautage base leurs modèles d’affaire sur l’acquisition d’une large audience, la création massive de contenus et l’usage des données personnelles à des fins commerciales. Les sites de rencontres, qu’elles soient de nature amoureuses ou professionnelles, comme Meetic ou Linkedin ont aussi recours à la publicité en complément de la vente d’accès premium, par abonnements. 

Prenant le contrepied de Facebook, Ello assure que ses utilisateurs ne seront pas traités comme des "produits". Entre discours et réalité économique, peut-on croire à leur sincérité ? Qu'est-ce qui permet d'en douter ?

Derrière le manifesto que l’on trouve en page d’accueil du site se cache effectivement une réalité économique. Les fondateurs d’Ello s’appuient sur le financement de la société de capital-risque FreshTracks, qui a investi 435.000 dollars en mars dernier. Certains sites, à l’instar de Twitter, sont longtemps restés sans entrées d’argent, afin de développer l’usage de leur plateforme et d’augmenter progressivement leur audience. Puis, ils ont modifié leur modèle, introduisant la vente d’espaces publicitaires ou la mise en place d’options payantes. Ello ne peut pas subsister sur un modèle intégralement gratuit, et l’un des cofondateurs du site, Paul Budnitz, a déjà annoncé que son équipe travaillait sur des fonctionnalités payantes. 

A quelles conditions un réseau social peut-il se positionner au-dessus de tout soupçon de recherche d'exploitation des données de ses utilisateurs ?  

La mise en place de règles de transparence est une première solution, mais rares sont les usagers qui lisent les règles d’utilisation du site auquel ils s’inscrivent et qui comprennent à quels risques ils s’exposent. En revanche, il existe des moyens techniques, comme le proposait Diaspora, en décentralisant le stockage des données. Celles-ci restaient sur votre ordinateur, un peu comme dans un modèle de réseau peer-to-peer, une fois votre machine déconnectée du réseau, vos données disparaissaient. A partir du moment où l’utilisateur transmet ses données à un tiers, comme dans le cas d’Ello, il s’expose à l’exploitation de ses données, peut-être à des fins commerciales.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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