L’esprit british pourrait-il survivre à une indépendance de l’Écosse ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
L'Ecosse fait partie du Royaume-Uni depuis plus de trois siècles.
L'Ecosse fait partie du Royaume-Uni depuis plus de trois siècles.
©Reuters

Royaume-(dés)uni

Liées depuis plus de trois siècles, les différentes parties du Royaume-Uni ont contribué ensemble à la conception d'une "identité britannique". Si l’Écosse devient indépendante, elle risque néanmoins de voler en éclats.

Anne-Marie Motard

Anne-Marie Motard

Anne-Marie Motard est professeure d'études britanniques contemporaines à l'Université Paul-Valéry de Montpellier.

Voir la bio »

Atlantico : L'Ecosse fait partie du Royaume-Uni depuis plus de trois siècles. Une possible indépendance de la partie nord de la Grande-Bretagne pourrait-elle donc changer "l'identité britannique" telle qu'elle s'est construite depuis 300 ans ? Quelles en seraient les manifestations visibles ?

Anne-Marie Motard : Les conséquences seraient multiples et sans doute grave, bien sûr au niveau constitutionnel économique et social, mais encore plus pour l'aspect identitaire. L'Ecosse représente une partie très importante du territoire et de la richesse britannique mais surtout de son identité. Depuis trois siècles les destins de l'Angleterre, de l'Ecosse et du Pays de Galles sont très liés. Depuis l'acte d'union en 1707, les élites écossaises ont participé de manière très active à l'entreprise impériale. L'Ecosse n'a pas rejoint l'Angleterre comme un peuple colonisé qui aurait été soumis à une force brute.

Il y eut également un rôle considérable des élites intellectuelles écossaises en Grande-Bretagne, notamment lors des Lumières, ou avec Adam Smith considéré comme le père du libéralisme économique. Les Ecossais ont aussi été très liés à la richesse du Royaume-Uni et à son industrialisation. Glasgow a été un port et un centre industriel très puissant au cours des XIXe et XXe siècle. IL y a donc une très forte interaction  entre les deux entités. La rupture ne peut donc pas être anodine et amènera à un déchirement identitaire, car cette Grande-Bretagne, comme on la conçoit, n'existera plus.

L'Ecosse a toujours gardé une certaine indépendance culturelle et des mythes rattachés à des héros "nationaux". Comment l'identité britannique avait-elle réussi à se constituer avec une Ecosse qui gardait pourtant de telles références ?

Il y a toujours eu depuis le XVIIIe siècle la volonté d'un renouveau pittoresque d'une identité écossaise avec l'exaltation d'un sentiment d'appartenance à ce pays. Mais justement, la force de l'identité britannique était d'être à la fois souple et plurielle, intégrant dans une démarche pragmatique les territoires. Elle était fondée sur des valeurs comme la démocratie, la liberté individuelle, mais aussi le respect de la différence et l'acceptation d'une société multiculturelle. C'était une force considérable, et cela l'est toujours. Tony Blair en 1997 avait même mis en place une politique de "devolution" pour donner immédiatement plus d'autonomie au Pays de Galles, à l'Irlande du Nord et à l'Ecosse. Il était donc accepté que le parlement écossais ait plus d'autonomie, ce qui est représentatif du pragmatisme britannique. Cette capacité d'adaptation et d'évolution est vraiment un atout. S'il y a éclatement de cette entité qu'est la Grande-Bretagne, tout cela sera remis en cause.

L'idée de l'indépendance de l'Ecosse a resurgi depuis une dizaine d'années, poussée par le Scottish National party. Pourquoi l'identité d'une "Ecosse indépendante" du Royaume-Uni s'est-elle imposée dans les esprits au point de représenter presque 50% du corps électoral ? Pourquoi les Ecossais ne se sentent plus "britanniques" ?

Il faut comprendre les évolutions des équilibres économiques qu'a connus le Royaume-Uni ces dernières années. Entre le sud de l'Angleterre, et les périphéries, les écarts se sont creusés. Même si le sentiment nationaliste est très ancien, la crise économique, la fermeture des chantiers navals, le déclin des industries lourdes, un certain questionnement par rapport au lien avec le centre s'est mis en place. Un sentiment de délaissement est apparu. Cette incompréhension a été accentué lors des années 80. La conjonction des problèmes économiques, la nouvelle politique insufflée par Margaret Thatcher, et la montée du chômage, a été un tournant pour les relations entre Londres et l'Ecosse.

La "devolution" mise en place par les travaillistes étaient utilisée pour freiner le nationalisme écossais. Finalement, c'est l'inverse qui s'est passé. Au lieu de calmer les ardeurs nationalistes, la "devolution" les a accentuées. Et le système de représentation britannique a accentué le décalage entre une Ecosse avec très peu de députés conservateurs (il n'y en avait même aucun à la fin des années 80), et le reste du Royaume-Uni, ce qui a rajouté à l'éloignement. Les nationalistes se sont en effet imposés comme les garants d'une société de l'Etat-providence alors que les travaillistes nt essayé de renouveler leur politique sociale ces dernières années.     

Le Pays de Galles a également sa propre culture, incluse pourtant dans l'identité britannique. Si l'Ecosse se sépare définitivement, les Gallois peuvent-ils, eux aussi, venir mettre un coup de grâce à l'identité britannique ?

Si l'Ecosse devient indépendante, les Gallois vont sans doute ramener leurs revendications nationalistes. Ils ont eux aussi leurs spécificités très fortes par rapport à l'Angleterre. Et justement, l'Angleterre elle-même va devoir se poser la question de ce que serait son identité "anglaise".

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !