Savez-vous ce que vous validez comme mode de production en mangeant toujours plus d’amandes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La production d'amandes nécessite beaucoup d'eau.
La production d'amandes nécessite beaucoup d'eau.
©Pixabay

Les amandes boivent de l'eau

La production d'amandes nécessite de l'eau. En pleine expansion en Californie, son agriculture fait pression sur les ressources en eau de l’État dans une des zones de cultures les plus irriguées au monde.

David Blanchon

David Blanchon

David Blanchon est maître de conférences HDR à l'Université Paris-Ouest Nanterre et membre de l'Institut Universitaire de France. Ses principaux thèmes de recherche portent sur la gestion de l'eau et l'environnement. 

 

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Atlantico : Une  étude américaine publiée par growing advantage a révélé une augmentation de la consommation d'amandes de 9,5% entre 1999 et 2008, notamment aux Etats-Unis. Elle a été multipliée par 10 depuis 1965. Quelles sont les raisons d'un tel succès ? 

David Blanchon : La consommation d'amandes a surtout des vertus dans la prévention des maladies cardio-vasculaires. Il est probablement beaucoup plus sain de manger des amandes que de la junk food. L'amande vient en remplacement. Elle augmente considérablement l'espérance de vie. Cette consommation d'amandes vient d'un mouvement qui a connu un boom dans les années 90 qui consiste à aller vers un mode de vie plus sain, à réduire les facteurs de risques.

On pourrait parler de production là-bas d'organic food qu'on pourrait associer à l'agriculture biologique ou l'agriculture raisonnée. Sur la côte Est et Ouest des Etats Unis, le souci de l'alimentation, l'amande fait partie de ce mouvement. Il y a des fermes entières d'agriculture biologique notamment en Californie.

Réputées donc pour leurs nombreux bienfaits, notamment contre la prévention des maladies cardiovasculaires, les amandes posent toutefois des problèmes. En effet, la culture de l'amande nécessite un important et constant approvisionnement en eau. Or, sa culture a lieu principalement en Californie, Etat américain où l'approvisionnement en eau pose problème. Ainsi, la plupart des ressources en eau de la Californie, notamment issues des rivières, sont détournées au profit de la culture de l'amande. Quel impact cela a-t-il, à terme, sur l'environnement et l'écosystème ? 

D'abord, la Californie est une des plus grandes zones d'agriculture irriguée du monde. Il n'y a pas que l'amande, on trouve aussi des arbres fruitiers… La Californie compte de grands ouvrages hydrauliques, des systèmes d'irrigation ses ressources en eau, notamment dans la vallée de San Joaquin (où sont produites les amandes), viennent des cours d'eau de la Sierra Nevada.

L'amande n'est pas un cas à part. Il faut toujours un volume important d'eau pour produire un aliment. Un verre de jus de fruit nécessite 170L d'eau. Une amande, c'est 4L. Pour 100g, on va aller assez vite vers 400L d'eau. Tous les aliments qu'on ingurgite consomment beaucoup d'eau. Pour la ration alimentaire moyenne en Europe, c'est 4 000L d'eau par personne. Plus le produit est transformé, plus il a fallut d'eau. L'amande consomme beaucoup mais ce n'est pas énorme.

Que pourrait-on faire pour pallier aux conséquences de la production d'amande ? Celles-ci doivent-elles nous contraindre à ne plus consommer d'amande alors même que l'amande a pu apparaître comme un moyen de parvenir à nourrir les 3 milliards de bouches supplémentaires d'ici la fin du siècle ? 

La question n'est pas de réduire. Si les gens mangent des amandes, ils ne mangent pas quelque chose d'autres à la place et il vaut mieux manger des amandes qu'un paquet de chips encore plus transformé.Il faudrait essayer d'augmenter la culture avec des méthodes d'irrigation qui utilisent moins d'eau. C'est possible. On devrait essayer de produire naturellement. Il y a des régions plus au Nord de la Californie où les ressources sont plus importantes. Cela poserait moins de problème d'apport et de distribution. Il faudrait que le consommateur privilégie les  produits qui ne viennent pas de région où il y a des problèmes d'eau.

A-t-on conscience, lorsque nous consommons un aliment, qui plus est réputé bon pour notre santé, des conséquences que sa production peut avoir sur notre environnement ? Les vertus d'un aliment pour la santé humaine doivent-elles nous faire totalement oublier les risques que leur culture peut représenter pour l'environnement ? 

Il faudrait prendre conscience que quand on consomme un aliment on consomme toujours virtuellement des ressources en eau, qu'il a fallut x L d'eau (pour les produire). Quand on dit consommer de l'eau, les gens pensent robinet, douches alors qu'ils consomment indirectement des ressources par l'alimentation. En France en moyenne, le rapport est de 1à 40. Pour 100L d'eau que vous buvez, que vous utilisez pour vous laver..., vous en consommez indirectement 4 000L.

Quels autres aliments que l'amande engendrent des risques environnementaux quant à leur production ? 

Tous les fruits secs consomment moins d'eau que les produits transformés comme le fromage ou la viande. On dit que pour un filet de bœuf d'environ 300g, 2 300L d'eau ont été nécessaires. C'est cependant à prendre avec beaucoup de prudence mais il y a des élevages qui mettent la pression sur les ressources en eau plus que la production de fruits et légumes.

La situation de la Californie est extrêmement tendue avec leurs barrages, les transferts d'eau. L'amande est devenue le symbole de cette agriculture mais ce n'est pas le seul responsable. Le cœur de la crise est à chercher plus loin dans la construction d'un modèle qui dépend de l'agriculture intensive. Avec la sécheresse, la Californie subie une crise très profonde, les ressources en eau sont très basse et on va vers une remise en cause de cette agri business. On ne va pas pouvoir produire encore plus, on se rend compte qu'il va falloir changer de modèle agricole.

La Collective des Amandes de Californie tient, par l’intermédiaire de Mme. Dariela Roffe-Rackind, son Director European Region, à ce que soient précisés ces éléments :

"Comme pour l’ensemble des Californiens, la sécheresse qui sévit préoccupe fortement les cultivateurs d’amandes, qui travaillent sans relâche afin d’utiliser l’eau de manière efficace et durable. Au cours de ces 20 dernières années, nous avons en effet réduit de 33% le volume d’eau nécessaire pour produire une livre d’amandes. Bien que les surfaces agricoles – dont celles liées aux amandes – se soient accrues dans les années 2000 en Californie, la quantité totale d’eau dédiée à l’agriculture est demeurée inchangée. Ainsi, encore aujourd’hui, cette diversification et augmentation des différentes cultures pérennes (en Californie), n’ont pas induit une augmentation du volume d’eau pour l’agriculture. De ce fait, il est erroné d’affirmer que la majeure partie de l’eau de Californie soit consommée par la culture des amandes.

En réalité, en Californie, la répartition de l’eau – selon qu’elle soit pour usage urbain, agricole ou environnemental – est déterminée par des accords de longue date établis au niveau de l’Etat,fédéral et local. Moins de la moitié de l’eau en Californie est destinée à l’agriculture et ceci est le cas pour l’ensemble des cultures, donc une seule partie de ce volume sert à la production d’amandes."

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