Désolé, non, aucune étude sérieuse n'a jamais prouvé que boire du vin nous maintenait en meilleure santé<!-- --> | Atlantico.fr
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L'idée selon laquelle le vin serait bon pour le cœur est répandue.
L'idée selon laquelle le vin serait bon pour le cœur est répandue.
©Reuters

Faux espoir

L'idée selon laquelle le vin serait bon pour le cœur est répandue mais les études à ce sujet sont rares. La dernière ne lèvera pas le doute sur le sujet...

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Atlantico : Plusieurs études épidémiologiques ont apporté des preuves de corrélation entre la consommation modérée de vin et la santé. Récemment un essai clinique intitulé in Vino Veritas a testé les effets couplés de la consommation du vin avec modération et de l'exercice. Cette étude permet-elle de se faire un avis définitif sur la question ? Est-on en mesure aujourd'hui d'affirmer un impact positif du vin sur la santé?

Guy-André Pelouze : Il faut abandonner l'idée d'avoir un avis définitif sur la question, par définition le savoir scientifique est évolutif. C'est le paradigme de la falsifiabilité des théories cher à Popper. Ce qui se passe c'est que cet essai clinique apporte de nouvelles données et surtout il s'est agi non pas d'observer rétrospectivement une population mais de faire un essai randomisé entre plusieurs groupes de personnes.

Dans cette étude on a testé l'effet du vin rouge et du vin blanc plus ou moins associés à de l'exercice physique sur le profil des marqueurs biologiques du risque cardio-vasculaire (dans le sang). Au départ les patients étaient jugés à risque faible ou modéré. On n'a pas pu mettre en évidence de changements très favorables quand on consomme du vin sans exercice. En revanche lorsque les patients font de l'exercice et consomme modérément du vin rouge ou blanc le cholestérol des HDL s'élève. Il s'agit d'une augmentation du nombre de particules lipoprotéiniques qui ramènent les graisses et le cholestérol des tissus vers le foie. Cette augmentation est associée à un moindre risque.

Que pensez-vous de l'idée qu'un à deux verres de vin par jour seraient bénéfique pour le cœur ? Rouge ou blanc, cela a-t-il un réel impact sur les résultats attendus?

Cette étude démontre que si le vin rouge ou blanc améliore un marqueur du risque cardio-vasculaire ce n'est qu'associé à l'exercice physique! Or on sait que l'exercice seul a aussi des effets protecteurs démontrés par d'autres études.

Je crois qu'aujourd'hui le principal conseil que l'on peut prodiguer aux personnes qui veulent prévenir ou éviter de refaire une maladie cardio-vasculaire est de se baser sur deux piliers : l'activité physique et un régime méditerranéen bien compris. La consommation modérée de vin est une pièce du puzzle mais ne peut pas être un des piliers. Et s’agissant de régime méditerranéen il faut se baser sur l'alimentation ancestrale plutôt que sur la nourriture industrielle.

Les graisses saturées seraient mauvaises pour le cœur selon la théorie du French Paradox qui attribue aux polyphénols et antioxydants contenus dans le vin des vertus dignes de les combattre ? Comment en est-on arrivé à de telles théories?

Les particules lipoprotéiniques (HDL) qui ramènent les graisses et le cholestérol au foie sont associées à une baisse des maladies cardio-vasculaires. A la différence l'augmentation des particules qui apportent les graisses et le cholestérol vers les tissus (LDL) notamment celles qui sont petites et denses, est associées à un accroissement des maladies cardio-vasculaires. Toutefois les dépôts athéromateux dans les artères relèvent de mécanismes beaucoup plus complexes ou intervient notamment l'inflammation.

Indubitablement, la France se caractérise par un faible taux de maladies cardio-vasculaires probablement le plus faible de l'UE. Ce fait n'est pas du à la prise de statines car il date de plus longtemps. il s'agit d'un ensemble de facteurs génétiques et conditions de vie dont l'alimentation.

Dans les années soixante les enquêtes épidémiologiques observationnelles ont par ailleurs révélé que les Français mangent beaucoup de graisses saturées principalement contenues dans les viandes et fromages.

Cette faible mortalité cardio-vasculaire et la consommation élevée de graisses saturées ont été rapprochés au regard de la théorie d'Ancel Keys à savoir l'origine lipidique des dépôts athéromateux dans les artères.

Selon lui la consommation de graisses saturées était plus importante dans des pays qui avaient plus de maladies cardio-vasculaires et de cette corrélation il a fait une cause. Le cas de la France a étonné. Il a fallu trouver une explication: le vin rouge.

Aujourd'hui la causalité des graisses saturées dans l'athérome est fortement remise en cause. L'étude de Siri Tarino (voir ici) montre qu'il n'y a pas de lien entre consommation de graisses saturées et maladies coronariennes et on vient d'apprendre par cet essai clinique que le vin seul n'est pas la solution. Ce sont deux grands mythes qui s'effondrent, celui des graisses saturées qui provoqueraient des infarctus ou des AVC et le mythe protecteur du vin et de l'alcool. (voir liste à la fin de l'article)

Quelles sont les failles de cette étude?

Ce que l'on sait de cette étude est la présentation orale faite ces jours ci à Barcelone. Il faudra attendre la publication pour analyser d'éventuels conflits d'intérêt et les biais.

Pour autant il ne faut pas vouloir faire dire à une étude plus que ce pourquoi elle a été conçue. L'étude n'était pas designée pour rechercher un effet sur la mortalité ou la survenue d'accidents cardiovasculaires graves mais pour prouver un effet sur les marqueurs biologiques actuels des maladies cardiovasculaires. Or pour  donner du sens, il faut s'intéresser à des marqueurs forts comme la mortalité, le nombre d'AVC, d'infarctus du myocarde ou d'artérite des membres inférieurs. Ces études nécessitent un grand nombre de patients et elles sont longues car les événements marqueurs surviennent au bout de plusieurs années. Elles sont donc rares.

Comment expliquer que le vin bénéficie d'une telle réputation ?

En matière d'alimentation les bénéfices allégués ou bien les risques mis en avant doivent être regardés avec beaucoup de circonspection au regard des enjeux économiques ou idéologiques et donc du risque de conflit d'intérêt. par ailleurs des idées reçues peuvent en imposer pour des vérités scientifiques.

C'est une boisson fermentée à partir de baies riches en polyphénols qui ont de multiples propriétés nutritionnelles. 

De nombreuses études expérimentales ou humaines ont mis en évidence que le vin notamment le vin rouge peut à dose modérée (deux verres par jour 5j/7) :

-rendre le sang plus fluide

-diminuer l'oxydation des lipides

-diminuer l’inflammation

-dilater les vaisseaux et augmenter le cholestérol des HDL.

Pour autant il y a peu d'essais cliniques randomisés qui se sont intéressés à la diminution de la mortalité cardiovasculaire. Il semble bien que la consommation modérée diminue le risque cardiovasculaire mais pour la mortalité c'est plus complexe car la mortalité non cardiovasculaire (cancers alcoolo-dépendants, morts violentes) augmente avec la consommation d'alcool.

Mais le vin a d'autres atouts, l'aspect plaisir en particulier, les goûts extraordinairement variés et complexes,  l'accompagnement merveilleux des plats et la réaction euphorisante qu'il partage avec les autres boissons faiblement alcoolisées.

Finalement cet essai a un grand avantage: il nous incite à faire de l'activité physique et ensuite à prendre un repas méditerranéen bien compris,  avec un verre de vin mais pas plus.

En revanche le vin c'est 10 à 15% d'alcool. Sur une vie cette consommation d'alcool génère un risque. Au delà de deux verres de vin 5j/7 l'alcool ingéré est toxique pour le foie et le système nerveux et il augmente significativement le risque de cancer notamment chez l'homme.

Des décennies de conseils alimentaires qui s'effondrent

Beurre cru: les graisses saturées qu'il contient consommées en quantité raisonnable n'augmentent pas le risque de maladie cardiovasculaire (MCV)

FromageEn particulier les fromages d'alpage contiennent des graisses qui peuvent diminuer le risque de MCV

Yaourts et autres produits laitiers allégésLes graisses saturées des produits laitiers qui ont été enlevées peuvent améliorer le profil de risque cardiovasculaire, à condition de ne pas ajouter de sucre qui favorise la prise de poids et le diabète type 2.

Vin rouge: consommé isolément il n'améliore pas le profil de risque biologique, ce n'est que combiné à l'exercice physique qu'une telle amélioration se produit.

Café: loin d'être défavorable à la santé la consommation de café peut abaisser le risque de syndrome métabolique, de diabète type 2 et de surcharge graisseuse du foie.

Chocolat: le chocolat noir diminue la pression artérielle, est antioxydant et améliore l'artérite des membres inférieurs. Lui attribuer une pastille couleur défavorable parait inapproprié.

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