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Un scientifique transmet un message par la pensée à un collègue à 8 000 km : enverrons-nous bientôt des sms par télépathie ?
©Reuters

Mieux que les pigeons voyageurs

Grâce à un casque à électroencéphalogramme combiné à un système de stimulation magnétique transcrânienne, un message a pu être envoyé par la pensée d'une personne située en Inde vers une autre qui se trouvait à Strasbourg.

Romuald Ginhoux

Romuald Ginhoux

Romuald Ginhoux est ingénieur et docteur en robotique médical. Il est le co-fondateur de la société Axilum Robotics.

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Atlantico : Selon les résultats de vos recherches publiés sur le site de publication scientifique Plos One (voir ici), les messages « hola » et « ciao » auraient été transmis pour la première fois d’un sujet situé au Kerala en Inde à un sujet situé à Strasbourg et ce, via un casque à électro-encéphalogramme. Comment ce procédé fonctionne-t-il exactement ?

Romuald Ginhoux : On a effectivement placé un casque à électro-encéphalogramme (plus communément appelé casque EEG) du côté du cerveau émetteur situé en Inde, tandis que l’on a placé du côté du cerveau récepteur situé à Strasbourg un système de stimulation magnétique transcrânienne (plus communément appelé TMS).

Plus précisément, grâce au système EEG, il est possible de mesurer l’amplitude de certaines ondes du cerveau. On a donc placé le sujet portant le casque EEG devant un écran sur lequel une balle se déplaçait. En fonction des mouvements de la balle, le sujet devait penser à certains mouvements de bras ou de jambes – il y en avait en tout 140. Le casque a donc permis de mesurer les amplitudes des ondes du cerveau créées par ces pensées. Chaque mouvement correspondait à un 0 ou un 1. Grâce à un codage sous forme binaire, les pensées ont permis de créer les mots « hola » et « ciao » via une série de tels 1 et 0.

Ces messages ont ensuite été envoyés par e-mail à Strasbourg sur un ordinateur relié à un système robotisé de stimulation magnétique transcrânienne (TMS) placé sur le cerveau récepteur. Pour que le message codé de manière binaire soit compris par le cerveau récepteur, on a dû stimuler une zone située dans le cortex visuel à l’arrière de la tête. Si l’on y envoie des impulsions électromagnétiques à travers le crâne, on peut déclencher l’apparition de phosphènes, c’est-à-dire des étincelles, dans le champ de vision. Et c’est en fonction de la perception de tels phosphènes que le message émis par le cerveau indien a pu être compris par le cerveau français.

Quels sont les avantages que présente une telle technique par rapport à l’envoi de message « classique » ?

Nous n’en sommes pour l’instant qu’à une phase amont, c’est-à-dire que l’on a voulu montrer un concept de communication entre deux cerveaux humains et à ma connaissance, il s’agit d’une première. Les expériences précédentes n’ont été effectuées que sur des animaux ou des hommes et ce, de manière différente.

L’originalité de ce travail est que la communication entre les deux cerveaux se fait de manière constante et sans que cela ne fasse intervenir le système nerveux périphérique. C’est-à-dire qu’aucune des deux personnes n’a eu besoin de ses muscles, de son toucher, de son odorat, etc., que ce soit du côté émetteur ou du côté récepteur. J’en veux pour preuve que la personne à Strasbourg avait les yeux bandés et un bruit dans les oreilles afin de noyer les sons alentours.

Dans quel laps de temps sera-t-il accessible au grand public ? Quelles en sont les possibles autres applications ?

On a voulu montrer un concept original associant les technologies de l'EEG et de la TMS. Ce sera ensuite aux scientifiques qui étudient les communications entre cerveau et ordinateur d’imaginer d’autres applications possibles, notamment dans les domaines du médical, du militaire, etc.

Il ne s’agit donc encore que de la recherche dans le domaine des neurosciences. Par conséquent, ce mode de communication ne sera pas accessible tout de suite au grand public et probablement pas sous cette forme !

Concernant le domaine du BCI, c’est-à-dire Brain-to-Computer Interface, il y a de nombreuses applications qui commencent à être accessibles au grand public, comme certains jeux vidéo où l’on peut faire se déplacer certains éléments du jeu, simplement par la pensée. Pour ce qui est du CBI, du Computer-to-Brain Interface, c’est déjà plus rare et assez complexe à mettre au point, mais c’est en tout cas ce type de système que nous avons pu utiliser du côté récepteur : il s'agit de l'innovation mise au point par la start-up française Axilum Robotics. Et concernant les deux sens de communication de manière simultanée, Brain-to-Computer puis Computer-to-Brain, ça n’a jamais encore été fait.

N’y a-t-il aucun danger à transmettre ses pensées via cette technique ?

Du côté de l’émetteur, a priori il n’y a aucun danger étant donné que les EEG sont une technique de neurophysiologie utilisée depuis longtemps déjà par le domaine médical. Il s’agit simplement de mesurer un signal avec des électrodes apposées sur le cuir chevelu.

Concernant le récepteur, cette technique de stimulation magnétique transcrânienne est également utilisée dans le domaine médical, notamment en neurologie et en psychiatrie pour soigner des troubles résistants aux médicaments, comme certaines formes de dépression ou de douleurs chroniques neuropathiques. De plus, il existe des recommandations internationales concernant ce type de procédé afin de le faire en toute sécurité : nous avons bien entendu respecté ces règles pour notre expérience. D'ailleurs le système robotisé de TMS qui a servi à Strasbourg est actuellement utilisé dans plusieurs centres universitaires pour le traitement de patients. Quel avenir pour la transmission de pensées via un casque à électro-encéphalogramme ? Que reste-t-il à faire pour développer cette technique ? Une voie d'amélioration est notamment de parvenir à rendre plus rapide la transmission de messages. L’expérience menée entre l’Inde et Strasbourg a duré environ une heure, étant donné qu’il a fallu décomposer les mots lettre après lettre, bit après bit.

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