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Le rapprochement entre Alain Juppé et François Bayrou ne date pas d'hier
Le rapprochement entre Alain Juppé et François Bayrou ne date pas d'hier
©REUTERS/Jean-Philippe Arles

Indiscrétions

L'ancien Premier ministre a fait savoir ce mercredi 20 août qu'il sera candidat à la primaire UMP pour 2017.Une candidature qui a trouvé un écho positif au centre puisque François Bayrou s'en est immédiatement félicité, rappelant toute "l'estime" qu'il a pour le maire de Bordeaux. Des déclarations qui vont bien au delà du compliment poli et sonnent comme les prémices d'une alliance politique en bonne et due forme

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Il s'est passé quelque chose de surprenant  autour de la déclaration de candidature d'Alain Juppé à la primaire en vue de  la présidentielle de 2017 : ce ne sont pas ses amis de l'UMP  qui ont fait la promotion  du candidat à la candidature, mais le centriste François Bayrou. Le Président du MoDem, qui faisait opportunément sa rentrée politique ce mercredi, a fait la tournée des plateaux télés et radios et profité de ces tribunes pour se féliciter de cette candidature et couvrir d'éloges le maire de Bordeaux, qualifié d'"atout pour le pays", et  d'homme qui correspond  " au portrait robot de celui qui peut rassembler les Français".  Des déclarations qui  vont bien au delà du compliment poli et  sonnent comme  les prémices d'une alliance politique en bonne et due forme, se réclamant forcément du Centre.

Alors que jusqu'à présent tous les candidats UMP à la primaire, de Xavier Bertrand à François Fillon, prônent des changements radicaux, (Nicolas Sarkozy lui, en laissant dire, va dans le même sens), Alain Juppé se positionne d'emblée sur un créneau politique délaissé, le Centre droit, ne laissant planer aucune ambigüité sur la revendication d'éventuelles valeurs communes entre l'UMP et le Front national. Ce faisant le maire de Bordeaux est fidèle à la ligne qui a toujours été la sienne. Dans la perspective de la primaire, sa démarche est habile car il n'y a pas pour l'heure de présidentiable crédible au Centre et  les voix de ses électeurs seront très disputées.   

Pour sa part,  François Bayrou, qui a longtemps  défendu une ligne "ni droite ni gauche", a renoué avec  la ligne politique dans laquelle il s'est forgé, celle du centre-droit, pas très éloignée de celle d'Alain Juppé, la référence gaulliste en moins !  Juppé comme Bayrou se réclament de Montesquieu : le maire de Bordeaux a écrit un livre sur l'inventeur de "l'esprit de modération", rappelant que "ce qui est facile, c'est l'excès, l'extrême, confie Juppé. La modération se construit". François Bayrou, lui se réfère abondamment à l'auteur de "l'Esprit des Lois" dans son livre " Abus de Pouvoir" paru en 2012,  une charge violente contre le sarkozysme. Les deux hommes se sont pourtant souvent opposés sur le plan politique, tant sous la présidence de Jacques Chirac que sous celle de Nicolas Sarkozy.

François Bayrou était opposé à la dissolution en 1997, et les faits lui ont donné raison. Et puis, on garde  encore en mémoire, le débarquement spectaculaire, peu avant la présidentielle de  2002, de François Bayrou à la réunion de l'UEM (l'Union en Mouvement, qui allait devenir l'UMP), venu  pour proclamer  son opposition à la création d'une formation unique de la droite et du centre. Alors président de l'UDF, François Bayrou a vu son parti se diviser, les uns répondant à l'appel des Chirac, Raffarin, Juppé, les autres préférant conserver leur autonomie sous sa houlette. Quant à l'UMP, son premier président  s'est appelé.... Alain Juppé. Candidat malheureux à la présidentielle de 2007, François Bayrou a une nouvelle fois vu ses troupes éclater et s'amenuiser : ceux, majoritaires, qui ont soutenu Nicolas Sarkozy au deuxième tour, ont créé  le Nouveau Centre, tandis que lui-même, fondait le MoDem et se retrouvait isolé à l'Assemblée, faisant figure d'opposant  dans l'hémicycle. Le divorce avec l'UMP a vraiment été consommé lorsque François Bayrou a appelé à voter pour François Hollande en 2012. 

Mais, en dépit de ces divergences  souvent  profondes, les  relations personnelles et politiques entre Alain Juppé et François Bayrou n'ont jamais été complètement rompues au niveau régional. François Bayrou a toujours soutenu Alain Juppé à la mairie de Bordeaux où  le MoDem fait partie de l'équipe dirigeante. Et le fondateur de l'UMP  n'a pas été le dernier à réclamer (- et à obtenir), le soutien de son  parti à François Bayrou dans sa conquête de la mairie de Pau, alors qu'ils étaient nombreux rue de Vaugirard, à ne pas vouloir pardonner à Bayrou d'avoir voté pour François Hollande en 2012.

Alain Juppé et François Bayrou  livrent une analyse similaire de la société française : elle est fragile et il faut la faut la faire bouger sans la brutaliser. Avant de revenir au gouvernement sous Nicolas Sarkozy avec lequel il a toujours entretenu des relations en dents de scie, Alain Juppé avait déclaré qu'il ne croyait pas à la" rupture". Lorsqu'en 2010, il a été nommé  ministre de la Défense avant de retrouver le Quai d'Orsay quelques mois plus tard, de rupture il n'en était de toutes façons plus question. 

Aujourd'hui  les candidats à la primaire se différencient  sur la méthode pour  réformer la France Alain Juppé avance  avec prudence  :  "Je ne vois de solution que dans l’affirmation claire que solidarité et responsabilité doivent aller de pair, dans toutes les branches de notre protection sociale, vieillesse, maladie, famille, chômage, demain de plus en plus de dépendance. La responsabilité signifie par exemple que l’âge du départ à la retraite ne peut pas ne pas tenir compte des progrès de l’espérance de vie ; ou bien encore qu’à condition que s’amorce le reflux du chômage, les modalités de son indemnisation doivent inciter davantage à la reprise du travail ...", écrit-il  sur son blog, préférant la double négation à l'affirmation...  

Alors que  François Fillon prône "un changement radical de politique", et que le porte-parole de la Droite Forte (très proche de Nicolas Sarkozy), Geoffroy Didier déclare que "la France a besoin d'un homme d'autorité  qui remette l'église au milieu du village", le lointain successeur de Montaigne à la Bordeaux, devenu personnalité politique de droite préférée des Français, explique qu'il "essaie d'avoir des positions pas sectaires, et de viser à l'apaisement et au rassemblement". Les électeurs choisiront-ils la modération ou l'excès ?  D'ici les primaires de 2016, la route est longue et le parcours s'annonce des plus accidentés.

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