Curiosity : le bilan des deux ans passés par le robot sur Mars<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Science
La mission lancée par la Nasa, Curiosity, fête ses deux ans d’atterrissage sur la planète Mars le 6 août.
La mission lancée par la Nasa, Curiosity, fête ses deux ans d’atterrissage sur la planète Mars le 6 août.
©NASA

De la vie !

Voila deux ans que que la sonde Curiosity a atterri sur Mars. Et son bilan est bien à mettre à son actif : d'une part ses instruments de mesure tiennent le coup, mais ils lui ont également permis de remplir sa mission. A savoir que oui, les conditions nécessaires à l'émergence de la vie a été possible.

Francis Rocard

Francis Rocard

Francis Rocard est responsable du programme d'exploration du système solaire au CNES depuis 1989. Astrophysicien, il s'est beaucoup intéressé à l'exploration de planètes comme Mars, Saturne et Titan. Il a notamment écrit Mars, une exploration photographique chez Xavier Barral en 2013.

Voir la bio »

Atlantico : La mission lancée par la Nasa, Curiosity, fête ses deux ans d’atterrissage sur la planète Mars le 6 août. Quelles ont été les principales découvertes effectuée par ce module sur six roues bourré d’électronique ?

Francis Rocard : Les découvertes sont actuellement très nombreuses. Si l’on devait considérer la plus importante, il s’agirait certainement de la confirmation que Mars a été une planète habitable il y a environ 3,5 milliards d’années. Cela a été démontré par l’altération des roches dont on sait qu’elle est due à l’action de l’eau. Curiosity ayant passé un an à analyser un ancien lit de rivière, dont le sol était composé de cailloux arrondis et permettant de croire que l’eau s’y écoulait. D’après ce que l’on sait, elle n’était ni trop acide, ni trop basique, et certains ont même affirmé qu’elle était certainement potable, ce qui est encore plus favorable à l’émergence d’une vie bactérienne. Cette dernière a été rendue possible par la présence de souffre, de carbone et d’hydrogène. Le souffre est crucial pour ces bactéries, car leur présence oxydée leur permet de capter l’énergie nécessaire à leur développement.

Que lui reste-t-il à découvrir par rapport à son plan initial de mission ?

La question du Méthane demeure importante. Les mécanismes de la fabrication de ce gaz sont essentiellement de deux types. Premièrement par des réactions à haute température, en présence d’eau et de CO2. Cela permettrait d’imaginer des zones très chaudes souterraines, d’où à une distance raisonnable pourrait se trouver des niches écologiques, où les bactéries pourraient s’y développer. Malheureusement, nous n’avons aucune preuve que les volcans martiens aient une activité. Mais c’est un peu comme en Auvergne, vu d’en haut, ils ont l’air froid, mais néanmoins présentent de la chaleur à l’intérieur. Autre possibilité pour le méthane, il pourrait être produit par des bactéries portant son nom : les bactéries méthanogènes, que l’on retrouve également dans l’œsophage des vaches.

Il faut tout de même préciser que certains scientifiques émettent la possibilité que ce méthane aurait pu être stocké dans le sol martien il y a bien longtemps. Dans ce schéma-là, le méthane ne témoignerait pas de la présence d’une production actuelle.

Les outils présents sur Curiosity ont très bien fonctionnés. Que ce soit ChemCam qui est un outil tactique permettant de sélectionner les roches à analyser par Sam (Laboratoire d'analyse chimique ndlr) et CheMin (Diffractomètre et spectromètre à fluorescence X ndlr). Au récent CalTech, une conférence sur le thème de Mars, les équipes qui s’occupent de Sam prétendent même avoir détecté un chlorobenzène martien, qui est une molécule organique confortant le faisceau d’indice sur la vie martienne. Néanmoins, le problème que nous avons, c’est la difficulté de les trouver en quantités probantes, du fait notamment des radiations solaires et galactiques qui bombardent la surface de Mars et les détruisent.

Ces découvertes soulèvent-elles des questions ? Lesquelles ?

Nous sommes dans une stratégie très méticuleuse avec Curiosity. L’échec des missions Viking des années 1976 a rationnalisé nos ambitions. Alors qu’à lépoque, nous recherchions de la vie actuelle, notre meilleure connaissance de cette planète à ce jour nous poussent à n’en rechercher que les traces, ce qui n’est au final pas moins important. L’étude de l’argile, qui se fera au début de l’année 2015 avec l’arrivée très attendue au mont Sharp, sera le "smoking gun" que la planète était chaude et humide il y a 3 à 4 milliards d’années.

La démarche de recherche de Mars se définit en trois missions dont Curiosity est la deuxième : premièrement " Follow the water " dans les années 1990, c’est-à-dire qu’on s’intéressait à l’eau sous toutes ses formes et toutes ses époques, sujet aujourd’hui clos. Deuxièmement et actuellement, " follow the carbon " qui est le cœur de la mission Curiosity, c’est-à-dire que l’on recherche les molécules les plus complexes possibles. Et enfin " follow the life " avec la prochaine mission Mars 2020 qui cherchera les traces de bio signature ou de vie ancienne sur la planète rouge.

Que reste-il à faire au robot Curiosity pour clore sa mission avec succès ?

Son objectif numéro un atteint, il lui reste à analyser les roches argileuses. Curiosity est actuellement davantage en phase de navigation que d’analyse. Son objectif à présent est bien d’atteindre les strates d’argiles du Mont Sharp. Les argiles sont les matériaux les plus intéressants sur Mars car elles sont d’une part les plus anciennes, mais également parce qu’elles ont été créées à partir de roches volcaniques fortement altérées par l’eau. Et on a détecté depuis l’orbite près de 4 000 spots d’argile, dont le Mont Sharp.

On voit déjà la préparation d’une prochaine mission d’exploration martienne appelée Curiosity 2 ou Mars 2020. En quoi celle-ci apportera un complément à celle déjà en cours ?

On franchira véritablement une étape avec Mars 2020 puisque ses instruments permettront de rechercher des bio signatures. Il s’agit de signatures d’éléments biologiques très probablement anciens, et qui confirmeront de manière concrète que la vie est apparue. Elément non moins notable, cette mission fera de la collecte d’échantillons, les stockera hermétiquement dans un conteneur, et qui pourront à la fin de la mission être ramenés sur terre.

Nous venons de vivre la 8ème conférence internationale de Mars. Je dois dire qu’il n’y en a pas très souvent, parfois tous les 10 ans. Nous nous sommes rendu compte que derrière les américains qui sont très largement les leaders en la matière, il y a une communauté qui se démarque beaucoup sur le sujet, et il s’agit de la France. Nos relations avec les scientifiques américains sont plutôt bonnes, et c’est pour cela que l’équipe française de Curiosity travaille également pour Mars 2020. Il était assez réjouissant de se rendre compte de cela.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !