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La médecine régénérative n'est connue que des catégories de population aisées.
La médecine régénérative n'est connue que des catégories de population aisées.
©Reuters

Les Immortels

Une expérience aux États-Unis a permis de transplanter des tissus prélevés sur de jeunes souris vers des souris plus âgées qui ont gagné en vigueur. De nouvelles technologies qui ont forcément un prix.

Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico : Une expérience aux Etats-Unis a permis de transplanter des tissus prélevés sur de jeunes souris vers des souris plus âgées qui ont gagné en vigueur. La transplantation de tissus pourra-t-elle nous permettre de vivre plus longtemps ?

Christophe de Jaeger : Cette expérience ne fait que confirmer ce que nous savions déjà depuis longtemps : lorsque l’on met des extraits "jeunes", par exemple du sang, au contact d’organismes plus âgés, ceux-ci rajeunissent. Ce qui est tout à fait logique, puisque le sang jeune véhicule de nombreuses substances (hormones, facteurs de croissance, protéines…) à des concentrations beaucoup plus importantes que chez les sujets plus âgés. Ces apports stimulent donc les tissus âgés et les rajeunissent, mais seulement le temps de la supplémentation. La vrai nouveauté est que ce genre d’expérience se multiplient dans la communauté scientifique et l’on voit de plus en plus clairement que la médecine régénérative va tenir un rôle de plus en plus majeur dans les années à venir. Cette nouvelle médecine va s’imposer dans notre environnement et va de plus en plus faire reculer ceux qui pensent qu’il ne s’agit que de fantaisie ou de science-fiction.

Pourra-t-on bientôt utiliser ce savoir pour vivre centenaire ?

Bien sûr, la médecine régénérative et son corollaire le longévisme, vont nous permettre non pas d’être centenaire, ce qui n’est plus du tout la vrai barrière, mais largement dépasser la limite de l’espèce qui est 120 ans… en pleine santé.

Peut-on espérer avoir accès à cette technologie avant notre mort ?

C’est la seule vrai question que l’on doit se poser à titre individuel. Je pense que oui, mais il faut avoir une vision très globale du vieillissement de l’individu et de sa prise en charge. Nous pouvons aujourd’hui déjà très largement compenser de très nombreux déficits qui s’installent dans notre organisme. Cela fonctionne très bien, mais c’est également très technique et seul quelques centres très spécialisés dans le monde savent les maitriser. Mais c’est accessible à tous ceux qui souhaitent agir le plus tôt possible sur leur vieillissement.

Si des médicaments ou des pilules arrivaient sur le marché, à combien pourrait-on estimer leur prix ?

En fait, il faut bien distinguer deux mondes différents, voire deux univers différents : celui de la physiologie de la longévité avec la médecine régénérative et l’univers de la maladie. En physiologie, il ne s’agit que de remplacer et d’équilibrer des substances naturelles…. et donc très peu coûteuses. En revanche, les médicaments destinés à soigner des maladies sont des substances artificielles, parfois dérivés de molécules naturelles, mais très chers. Quoiqu’il en soit, il faut d’ores et déjà éliminer de sa pensée que l’on puisse trouver UN médicament actif sur le vieillissement, car le vieillissement d’un individu est la somme de mille petits vieillissements qui diffèrent d’un individu à l’autre.

Seraient-elles accessibles à tous à court-terme ?

Nous avons déjà des techniques accessibles à tous et gratuite. Prenons un exemple : la restriction calorique. Elle a démontré à de multiples reprises son efficacité en terme de santé et de longévité chez les petits mammifères et son réel intérêt chez l’homme. On sait maintenant que la restriction calorique interfère naturellement dans le métabolisme cellulaire avec une enzyme mTOR (au même titre que certains médicaments très coûteux) et favorise l’expression d’une plus grande résistance cellulaire au vieillissement et aux maladies, et donc d’une plus grande longévité. Qui a-t-il de moins cher que la restriction calorique ? 

En revanche, et c’est là où se situe le vrai clivage entre les individus : il y a ceux qui savent que cela existe et surtout, il y a ceux qui accepte de le faire… le clivage n’est pas financier, mais plus au niveau de l’information et de la volonté. Combien d'années seront nécessaires à la démocratisation de ces produits ? Nous avons déjà une multitude de produits à notre disposition. Pour des produits, comme ceux qui seront issus de la recherche sur le sang (voir l’étude que vous citiez en début d’article), on peut penser qu’ils seront disponibles dans 10 à 15 ans, dans le cadre réglementaire habituel, si jamais l’industrie pharmaceutique s’y intéresse, ce qui n’est pas évident, dans la mesure où le vieillissement n’est pas une maladie remboursable. Je pense sous réserve du contraire qu’ils seront en fait disponibles par de petits laboratoires indépendants bien avant et par la voie internationale.

Qui sont aujourd'hui les personnes susceptibles de vivre plus longtemps ?

Les personnes consciente de leur vieillissement et il faut rappeler que le vieillissement commence à 20 ans. A 50 ans, on a déjà 30 ans de vieillissement derrière soi. Il y a ceux qui veulent travailler sur la gestion de leur capital santé peuvent le faire déjà aujourd’hui, sachant que le véritable enjeu est de tout faire pour conserver et augmenter son capital santé. Seraient-elles les mêmes après la venue sur le marché de ces médicaments ? Si demain nous avions à notre disposition des médicaments pour lutter contre le vieillissement et je ne pense pas que de tels produits soient disponibles avant longtemps pour des raisons conceptuelles, ils ouvriraient d’énormes perspectives, dans le sens où beaucoup de gens seraient prêt à les prendre et ne changeraient pas leurs habitudes de vie. C’est d’ailleurs ce qui avait fait le succès de la DHEA en 2001 où beaucoup de gens pensaient qu’il s’agissait d’une substance presque magique (fontaine de jouvence) leur permettant de vivre longtemps en bonne santé en continuant leurs mauvaises habitudes de vie (alimentation et sédentarité). La molécule miracle n’existe pas et je pense n’existera jamais ou alors passera par la génétique.

Comment innover en science et en médecine sans discriminer les plus pauvres ?

Je crois qu’il s’agit de problématiques différentes et qu’il ne faut pas mélanger. Le rôle de la sciences est de découvrir et d’expliquer notre univers en général. Le rôle de la médecine est de soigner des patients (tous les patients sans discriminations). Le rôle de la société est de faire que ces progrès soient accessibles à tous.

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