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Le soleil, cette drogue : le bronzage rend addict
©Reuters

Aïe ça brûle !

Des scientifiques d'Harvard ont confirmé que l'endorphine générée par la peau pendant l'exposition au soleil était à l'origine de l'addiction. Il ne faut pas oublier que les facteurs sociaux et psychologiques jouent également un rôle clé dans le processus addictif.

 Michel Lejoyeux

Michel Lejoyeux

Michel Lejoyeux est professeur de psychiatrie et d’addictologie à l'université Denis Diderot. Il y enseigne aussi la psychologie médicale et coordonne le Diplôme d’études spécialisé en addictologie. Il est chef de service de psychiatrie et d’addictologie de l’hôpital Bichat et de Maison Blanche. Michel Lejoyeux est Président d’honneur de la Société Française d’Alcoologie et président en titre du Syndicat des Médecins des hôpitaux de Paris. Il a écrit aux Editions Plon est Réveillez vos désirs et Tout déprimé est un bien portant qui s'ignore aux Editions Jean-Claude Lattès. 

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Atlantico : Les scientifiques d'Harvard ont démontré que l'exposition au soleil fait produire à notre corps des endorphines qui génèrent une sensation de bien-être. Est-ce une des raisons du phénomène d'addiction au soleil ?

Michel Lejoyeux : Effectivement, c'est une des causes mais comme toute addiction les explications obéissent à un modèle appelé "bio-psycho-social". Le facteur biologique est une donnée qui est connue. Le fait de s'exposer au soleil a des effets cérébraux qui sont proche de tout ce que le cerveau éprouve lorsqu'on l'expose à des agents stimulants, appelés "endorphines". Ainsi, le taux de morphine cérébrale est augmenté. Néanmoins, nous ne pouvons pas expliquer des comportements de bronzage paradoxaux uniquement par les explications biologiques. Dans notre société, le facteur social est important, le bronzage est associé à un statut social, il symbolise le bien-être. Quand les personnes arrivent bronzé au bureau, la première réflexion de leurs collègues est " tiens, tu es en forme".  Le bronzage est associé à une réussite, nous n'imaginons pas une personne importante être totalement pâle, la pâleur est plutôt associée à la maladie.

Il y a également le facteur psychologique. Les personnes qui se font bronzer continuellement, de manière irraisonnable, sont dans un mal-être constant. Ils n'ont pas d'autres sources de plaisir et leurs vies n'est qu'une suite d'échecs, de difficultés mentales, professionnelles et financières. Finalement, le bronzage est un peu la drogue du pauvre.  

Cette découverte expliquerait-elle pourquoi même en connaissance de cause, de nombreuses personnes continuent de s'exposer continuellement au soleil ?

Cette découverte est une confirmation. Nous sommes dans une logique de relation addictive à ce comportement que nous pouvons observer avec l'alcool et le tabac. Tous les fumeurs et tous les buveurs connaissent les dangers de l'alcool et du tabac. Néanmoins, la contrainte psychologique est plus forte que la balance raisonnable. Les endorphines sont une partie du mécanisme global, il y a également l'image sociale et les faits psychologiques et individuels.  Ils sont un des déterminants de l'attrait pour le bronzage.

Ces mêmes scientifiques ont fait l'expérience sur des rats. Plus l'exposition dure longtemps (quelques jours/semaines), plus le corps génère de l'endorphine et plus le soleil est facilement supportable. Sommes-nous génétiquement programmés pour être accro au soleil ?

Un autre phénomène bien connu dans le champ de l'addiction rentre en compte : la tolérance. Le corps s'habitue et pour obtenir les mêmes effets, il faut indéniablement augmenter la dose. Par exemple, les personnes qui n'ont jamais pris un cachet pour dormir sont complètement détruites au bout d'un comprimé. Or, une personne qui en prend tous les soirs, au bout d'un moment, les effets s'estompent. Pour le bronzage, le corps s'habitue, tolère et donc les personnes s'exposent davantage. Prenons l'exemple des fumeurs, pour retrouver la sensation de la première cigarette, ils en fument davantage. Cependant, le bronzage au même titre que l'alcool, il existe une consommation normale, il ne faut pas accentuer une frénésie de la culpabilisation face au bronzage. Toute personne qui se fait bronzer n'est pas forcément toxicomane mais nous n'en sommes jamais loin. Les bronzeurs compulsifs sont un cas extrême, le plaisir au soleil doit tout de même perdurer dans une moindre mesure.

Comment réduire ou supprimer cette dépendance ? Quelles sont tout de même les avantages de cette potentielle addiction ?

Rappelons que l'addiction extrême au bronzage est marginale. Les conduites aberrantes sont les cabinets de bronzage car ils sont anormaux comparés au fait de profiter du soleil. 

Mon ouvrage "Réveillez vos désirs" aux éditions Plon traite de l'addiction et notamment de la solution de la thérapie par concurrence. Si les personnes aiment se faire bronzer mais s'ils arrêtent sans compensation, cela ne marchera pas. Or, trouver d'autres satisfactions narcissiques que le bronzage permettrait de l'évincer. Au fond, l'addiction est une spécialisation de l'action au plaisir sur un comportement. De ce fait, retrouver des modes d'accès au plaisir qui ne passe pas par le bronzage mais qui implique le corps comme déguster une bonne boisson ou l'activité sexuelle, permet de concurrencer le bronzage. Toute la question de l'addiction est une balance entre le plaisir et la nocivité.

Les bénéfices du soleil sur la peau sont faibles, ils sont plutôt sur l'humeur et la satisfaction personnelle. Il a un effet positif à l'exposition solaire, c'est la production de vitamine D qui nous permet de fixer le calcium. Une carence trop grande à l'exposition au soleil peut donner des carences en vitamine D et indirectement en calcium.

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