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Ces journaux britanniques
en pleine chasse à l'homme
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Londres ne répond plus

Pourquoi la presse conservatrice prend-elle parti aussi violemment contre les émeutiers ?

Jean-Claude Sergeant

Jean-Claude Sergeant

Jean-Claude Sergeant est professeur émérite à l'Université Sorbonne Nouvelle (Paris III), spécialiste du Royaume-Uni. Il est l'auteur de L'anglais du journalisme (Ophrys 2011), et de Les médias en Grande-Bretagne (Ophrys 2004).

 

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ATLANTICO : Une grande partie de la presse britannique prend violemment parti contre les manifestants. Comment l’expliquer ?

Jean-Claude-Sergeant : Il y a une presse conservatrice qui considère que c'est essentiellement l'affaire d'une contagion mimétique parmi les jeunes noirs jamaïcains, qui saisissent l'occasion pour montrer ce qu'ils sont capables de faire. C'est ce que l'on retrouve dans des titres comme le Daily Telegraph. Il y a aussi une presse de gauche qui considère qu'il y a de façon sous-jacente des problèmes de chômage et de relégation de cette communauté majoritairement jeune et noire aux marges de la société, frappée par le chômage, et un peu plus mise en danger par la réduction des services publics issus de la politique mise en place par le gouvernement conservateur actuel.

Ce qui est intéressant est que les dernières émeutes raciales datent de 2001 et ne concernaient essentiellement que le nord de l'Angleterre et les communautés asiatiques (pakistanaises et bangladaises). Cette fois-ci, on est face à quelque chose de nouveau qui rappelle les émeutes de 1981, à Londres et Bristol notamment, qui mettent plus directement en scène la communauté noire. Ce sont quand même des jeunes qui se comportent de manière différente, dans la mesure où ils ont aujourd'hui à leur disposition des moyens de communication qui n'existaient pas il y a trente ans. On parle beaucoup du fait que l'utilisation des BlackBerry, de Twitter et de YouTube a engendré une sorte de phénomène d'émulation. Des photos montrent des jeunes devant des voitures brûlées, comme on l'avait déjà un peu vu en France lors des émeutes de 2005. De ce point de vue là, il y a un parallèle à établir.

Il est bien évident que ceci va servir à l'opposition travailliste pour remettre en cause les coupes du budget introduites à la fin 2010. Cela met aussi en lumière l'inadéquation des forces de police et de leurs méthodes d'intervention dans les quartiers difficiles, comme à Tottenham, où les premières émeutes sont apparues dans le nord de Londres. C'est un quartier qui a déjà connu des émeutes en 1985, et qui n'est pas composé majoritairement de noirs. Il y a quelque chose de nouveau, et on va devoir comprendre pourquoi ce phénomène est intervenu à la mort de Mark Duggan. C'était une personnalité locale, liée aux gangs et à leur univers impitoyable dans ces banlieues. Il y a une incapacité des forces de l'ordre britannique - un peu comme en France - à reprendre le contrôle d'une situation qui s'enfonce dans une économie parallèle clandestine, essentiellement fondée sur la drogue.

La presse conservatrice de droite, qui représente près de 75 % de la presse britannique, va mettre l'accent sur ces bandes de jeunes que l'on n'arrive pas à contrôler, pendant que la presse de gauche - The Guardian, The Observer, et les deux journaux du groupe Daily Mirror - va insister sur les coupes dans les services publics. Je ne suis pas certain qu'il y ait un lien politique évident à établir. A droite comme à gauche, on va d'abord insister sur le retour à l'ordre public, ce qui semble compliqué.

Comment le gouvernement britannique peut-il réagir ? Avec plus de fermeté, ou en assouplissant ses coupes budgétaires ?

Le gouvernement se retrouve un peu pris au dépourvu, lui qui se flattait d'avoir réglé de manière satisfaisante à court terme les relations multiculturelles dans le pays.

L'économie britannique s'enfonce, et George Osborne, le chancelier de l'Echiquier, affirme à chaque prise de parole qu'il n'est pas question de remettre en cause le pilotage qu'il a introduit en novembre 2010. On va considérer la chose comme une affaire d'ordre public, qu'il convient de rétablir par tous les moyens. Cela pose question sur la capacité de la Metropolitan Police à prévoir et à intervenir de manière proportionnée face à ce type de débordements dont il y a déjà eu des prémisses avec les manifestations des étudiants à l'automne 2010, et à nouveau en mars 2011 avec la grande manifestation des travailleurs publics. On a toujours senti que les forces de police n'étaient pas suffisamment entraînées et n'avaient pas suffisamment réfléchi à la façon de contenir des émeutes urbaines qu'elles n'avaient pas imaginées au départ.

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